Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 20 Juin 2000
Rejet
N° de pourvoi 97-17.857
Président M. DUMAS
Demandeur M. Pierre Z et autres
Défendeur Société industrielle pour l'agriculture moderne (SIAM)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1 / M. Pierre Z,
2 / Mme Pierre Z,
demeurant Ranville,
3 / M. ..., demeurant Caen, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de M et Mme Z,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1997 par la cour d'appel de Caen (1re Chambre civile et commerciale), au profit de la Société industrielle pour l'agriculture moderne (SIAM), dont le siège est Cagny,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mai 2000, où étaient présents M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des époux Z et de M. ..., ès qualités, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la Société industrielle pour l'agriculture moderne, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 mai 1997), que, par jugement du 8 février 1988, M. Z a été condamné à verser à la Société industrielle pour l'agriculture moderne (société SIAM) une provision de 220 000 francs, le tribunal ayant validé la saisie-arrêt pratiquée à concurrence de cette somme et sursis à statuer sur le surplus de la demande en renvoyant la société SIAM à produire un décompte antérieur au 31 mars 1976 ; que, par arrêt du 26 avril 1990, la cour d'appel a confirmé cette décision ; qu'après la mise en redressement judiciaire des époux Z le 2 novembre 1994, la société SIAM a déclaré à leur passif une créance ; que M. ..., représentant de leurs créanciers, a adressé à cette dernière une lettre à laquelle la société SIAM n'a pas répondu ; que le juge-commissaire a rejeté la créance de la société SIAM ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches
Attendu que les débiteurs et M. ... reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel formé par la société SIAM à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'à défaut de réponse, dans les 30 jours de sa réception, à la lettre du représentant des créanciers l'avisant d'une contestation, le créancier ne peut plus exercer de recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur sa créance ; qu'il résulte en l'espèce des propres constatations de l'arrêt que la lettre avisant la société créancière de la contestation de sa créance était motivée et précisait l'objet de cette contestation, de sorte qu'en prenant prétexte de son caractère prétendument inintelligible pour déclarer que l'absence de réponse de l'intéressée ne l'empêchait pas d'interjeter appel de la décision du juge-commissaire, la cour d'appel a violé l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 72 du décret du 27 décembre 1985 ; alors, d'autre part, que tout jugement doit être motivé ; qu'en s'abstenant d'énoncer les raisons pour lesquelles la contestation indiquée dans la lettre adressée par le représentant des créanciers à la société créancière était inintelligible, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, enfin, que l'indication, dans la lettre avisant le créancier d'une contestation de sa créance, de la proposition à ce sujet du représentant des créanciers, n'est prévue qu'à titre éventuel ; qu'en décidant que l'absence de cette indication dispensait le créancier de répondre dans le délai légal de 30 jours à la lettre l'avisant de la contestation du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 72 du décret du 27 novembre 1985 ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 54 de la loi du 25 janvier 1985 et 72, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1995, que la lettre visée par ces textes doit informer le créancier intéressé, non seulement qu'à défaut de réponse dans le délai de 30 jours de sa réception toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers est interdite, mais encore doit indiquer l'objet de la contestation de la créance afin que le créancier puisse faire connaître ses explications sur les points contestés ; qu'ayant relevé que la lettre adressée par le représentant des créanciers au mandataire de la société SIAM ne précisait pas la proposition de celui-ci et constaté qu'elle ne permettait pas de comprendre la portée de la contestation, la cour d'appel en a exactement déduit que l'absence de réponse ne privait pas la société SIAM de son droit d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches
Attendu que les débiteurs et M. ... reprochent encore à l'arrêt d'avoir décidé que la créance de la société SIAM devait être admise au passif du redressement judiciaire des débiteurs à concurrence de la somme de 314 994,39 francs à titre hypothécaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que tant le jugement du 8 février 1988 que l'arrêt du 26 avril 1990 s'étaient bornés, dans leurs motifs, à énoncer que M. Z devait des "sommes importantes" à la SIAM ; que, pour admettre la créance litigieuse au passif des débiteurs à concurrence des 314 994,39 francs réclamés, l'arrêt ne pouvait donc déclarer que, dans ces décisions, les juges auraient considéré que la somme de 220 000 francs allouée au créancier à titre de simple provision aurait constitué "un minimum" incontestablement dû ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les décisions judiciaires susvisées en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans ;
qu'en déclarant que la demande du créancier tendant au paiement de la somme par lui réclamée aux débiteurs n'encourait aucune péremption, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, fondée sur le jugement du 8 février 1988 et l'arrêt du 26 avril 1990, la réclamation de la société SIAM n'était pas frappée de péremption faute par cette dernière d'avoir accompli les diligences qui avaient alors été exigées d'elle aux fins de démontrer l'existence et le montant de sa créance pour les périodes considérées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'à tout le moins, ils faisaient valoir que la société SIAM s'était abstenue pendant plus de deux ans d'effectuer les diligences qui lui avaient été imposées par le jugement du 8 février 1988 et l'arrêt du 26 avril 1990 aux fins d'établir la réalité et le quantum de la créance ; qu'en délaissant ces écritures qui soulignaient que la réclamation fondée sur ces décisions judiciaires était atteinte par la péremption, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sans dénaturer le jugement du 8 février 1988 et l'arrêt confirmatif du 26 avril 1990, la cour d'appel a retenu que la somme de 220 000 francs, à hauteur de laquelle la saisie-arrêt avait été validée par cet arrêt, devenu irrévocable, constituait le minimum de la créance revendiquée par la société SIAM, en l'absence d'établissement d'un nouveau décompte du fait de la destruction de ses archives ; qu'en décidant que la créance devait être admise pour ce montant, outre les intérêts de droit, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche dont fait état la deuxième branche, et qui a retenu que la péremption n'était pas encourue, a légalement justifié sa décision;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M et Mme Z et .... ..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société industrielle pour l'agriculture moderne ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille.