Jurisprudence : Cons. const., décision n° 2002-461, du 29-08-2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice

Cons. const., décision n° 2002-461, du 29-08-2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice

A2314AZQ

Référence

Cons. const., décision n° 2002-461, du 29-08-2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1101179-cons-const-decision-n-2002461-du-29082002-loi-dorientation-et-de-programmation-pour-la-justice
Copier
Décision n° 2002-461 DC - 29 août 2002


Loi d'orientation et de programmation pour la justice


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi d'orientation et de programmation pour la justice,


le 5 août 2002, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Michel LEFAIT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Patrick LEMASLE, Mme Annick LEPETIT, MM. Bruno LE ROUX, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Louis-Joseph MANSCOUR, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Christophe PAYET, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE et Guy LENGAGNE, députés,


et, le 6 août 2002, par MM. Claude ESTIER, Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Mme Odette HERVIAUX, MM. Serge LAGAUCHE, Roger LAGORSSE, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Jean-Pierre BEL, Jacques BELLANGER, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Didier BOULAUD, Mme Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Gilbert CHABROUX, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Louis LE PENSEC, André LEJEUNE, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, Jean-Yves MANO, François MARC, Jean-Pierre MASSERET, Marc MASSION, Louis MERMAZ, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Jean-Pierre PLANCADE, Mmes Danièle POURTAUD, Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, Claude SAUNIER, Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME, André VÉZINHET, Marcel VIDAL, Henri WEBER, Mme Nicole BORVO, M. Guy FISCHER, Mme Danielle BIDARD, MM. Robert BRET, Yves COQUELLE, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Thierry FOUCAUD, Gérard LECAM, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE, sénateurs ;


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,


Vu la Constitution ;


Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;


Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;


Vu la loi du 12 avril 1906 modifiant les articles 66, 67 du code pénal, 340 du code d'instruction criminelle et fixant la majorité pénale à l'âge de dix-huit ans ;


Vu la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée ;


Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;


Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;


Vu la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ;


Vu le code de procédure pénale ;


Vu le code de la route ;


Vu le code des marchés publics ;


Vu le code de l'organisation judiciaire ;


Vu le code de la sécurité sociale ;


Vu le code pénal ;


Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 août 2002 ;


Vu les observations en réplique présentées par les requérants, enregistrées le 27 août 2002 ;


Le rapporteur ayant été entendu ;


Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi d'orientation et de programmation pour la justice ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 3, 7 à 13, 16 à 20, 22, 23, 37, 38, 42 et 49 ;


- SUR L'ARTICLE 3 :


Considérant que l'article 3 de la loi déférée modifie l'article 2 de la loi susvisée du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ; que, par dérogation aux articles 7 et 18 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée, il autorise l'Etat à passer avec une personne ou un groupement de personnes, de droit public ou de droit privé, un marché unique "portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires" ; qu'il soumet la passation de ce marché aux procédures prévues par le code des marchés publics ; qu'il permet toutefois à l'Etat, en cas d'allotissement, de choisir son contractant en portant sur les offres concernant plusieurs lots un "jugement global" et non lot par lot, comme l'exige l'article 10 du code des marchés publics ; qu'enfin, il dispose que, dans les établissements pénitentiaires, "Les fonctions autres que celles de direction, de greffe et de surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public ou de droit privé habilitées, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'Etat. Ces personnes peuvent être choisies dans le cadre des marchés prévus au deuxième alinéa" ;


Considérant que, selon les requérants, ces dispositions seraient par elles-mêmes contraires au principe d'égalité d'accès à la commande publique, lequel "implique la libre concurrence" ; qu'elles auraient en outre pour effet de défavoriser les petites et moyennes entreprises dans l'accès à la commande publique ; que l'article 3 serait au surplus entaché d'incompétence négative, car, "modifiant le régime de ces marchés particuliers qui touchent à des fonctions régaliennes et à la liberté individuelle des personnes détenues, le législateur devait prévoir toutes les garanties nécessaires" ;


Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la construction et l'aménagement d'un ouvrage public ; qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit non plus qu'en cas d'allotissement, les offres portant simultanément sur plusieurs lots fassent l'objet d'un jugement commun, en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point de vue de son équilibre global ;


Considérant que les dispositions critiquées, qui ont pour objet de faciliter et d'accélérer la construction des établissements pénitentiaires, ne portent pas atteinte, par elles-mêmes, au principe d'égalité d'accès à la commande publique ; qu'au demeurant, l'article 3 de la loi déférée prévoit la possibilité, pour les petites et moyennes entreprises, de se grouper pour présenter une offre commune ; qu'il n'écarte pas la faculté pour l'Etat, maître d'ouvrage, d'allotir le marché ; que, ne privant pas le titulaire du marché du droit de recourir à la sous-traitance, il permet aux petites et moyennes entreprises d'accéder par cette voie à la commande publique ;


Considérant que, dans ces conditions, en dérogeant, pour les marchés en cause, aux articles 7 et 18 de la loi du 12 juillet 1985 et à l'article 10 du code des marchés publics, le législateur n'a porté atteinte à aucune règle ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;


Considérant, en second lieu, s'agissant de la conception, de la construction et de l'aménagement des établissements pénitentiaires, que le législateur n'est pas resté en deçà de ses compétences en renvoyant aux procédures prévues par le code des marchés publics l'exécution de la mission confiée au titulaire du marché ; que les exigences propres au service public pénitentiaire seront précisées au titulaire dans le cadre des procédures prévues par ce code ;


Considérant que, s'agissant des fonctions mentionnées au dernier alinéa de l'article contesté, dont sont expressément exclues les tâches inhérentes à l'exercice par l'Etat de ses missions de souveraineté, leur délégation fera l'objet d'une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ; que le respect des exigences propres au service public pénitentiaire sera dès lors imposé au titulaire dans le cadre de cette habilitation ;


Considérant que doit être par suite rejeté le moyen tiré de ce que le législateur n'aurait pas épuisé les compétences que lui confie l'article 34 de la Constitution en ne définissant pas lui-même les obligations de service public que devront respecter les titulaires des marchés auxquels se réfère la disposition contestée ;


- Sur le titre II relatif à la justice de proximité :


Considérant que le titre II de la loi déférée regroupe les articles 7 à 10 ; que l'article 7 complète le livre III du code de l'organisation judiciaire par un titre III intitulé "La juridiction de proximité" et comprenant les articles L. 331-1 à L. 331-9 ; que l'article L. 331-1 institue, dans le ressort de chaque cour d'appel, des juridictions de première instance dénommées "juridictions de proximité" ; que l'article L. 331-2 définit la compétence attribuée en matière civile à la juridiction de proximité, qui connaîtra, jusqu'à la valeur de 1 500 euros, des actions personnelles et mobilières engagées par les personnes physiques pour les besoins de leur vie non professionnelle ainsi que des procédures d'injonction de payer et de faire ; que les articles L. 331-3 et L. 331-4 déterminent les règles de procédure applicables devant cette juridiction en matière civile ; que l'article 706-72, inséré dans le code de procédure pénale par l'article 10 de la loi déférée, attribue à la juridiction de proximité compétence pour juger des contraventions de police dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat ; que le même article permet au président du tribunal de grande instance de lui déléguer le pouvoir de valider les mesures de composition pénale prévues aux articles 41-2 et 41-3 du même code ; que l'article 20 de la loi déférée complète l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945 susvisée pour conférer à la juridiction de proximité les compétences du tribunal de police à l'égard des mineurs pour ce qui concerne les contraventions des quatre premières classes ; que les autres dispositions du titre II règlent notamment l'organisation des juridictions de proximité ;


. En ce qui concerne la création d'un nouvel ordre de juridiction :


Considérant que les auteurs des deux saisines reprochent au législateur d'avoir méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en créant un nouvel ordre de juridiction sans déterminer les conditions du recrutement et le statut des juges appelés à y siéger ; qu'en outre, le transfert à des juges non professionnels, dont les garanties statutaires d'indépendance ne sont pas définies, de compétences retirées à des magistrats de carrière serait, selon eux, contraire à l'article 64 de la Constitution ; qu'il serait enfin porté atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors que se trouverait mis en cause "le droit pour chacun de voir sa cause entendue par un juge indépendant et impartial" ;


Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi fixe les règles concernant ... la création de nouveaux ordres de juridiction" ; qu'au nombre de ces règles figurent celles relatives au mode de désignation des personnes appelées à y siéger ainsi que celles qui fixent la durée de leurs fonctions, toutes règles qui sont des garanties de l'indépendance et de la capacité de ces juges ;


Considérant que les dispositions précitées n'obligent pas le législateur, lorsqu'il crée un nouvel ordre de juridiction, à adopter dans un même texte législatif, d'une part, les règles d'organisation et de fonctionnement de cet ordre de juridiction et, d'autre part, les règles statutaires applicables aux juges qui le composeront ; qu'il peut adopter les premières de ces règles avant les secondes ; qu'en pareil cas, toutefois, les premières ne pourront recevoir application que lorsque les secondes auront été promulguées ;


Considérant que le dernier alinéa de l'article 2 de la loi déférée prévoit "le recrutement sur crédits de vacation de juges de proximité et d'assistants de justice pour un équivalent à temps plein de 580 emplois" ; qu'en outre, il résulte tant des déclarations faites par le ministre de la justice devant le Parlement que des débats parlementaires ayant abouti à l'adoption de la loi déférée et du rapport annexé à cette loi que le législateur, par les dispositions critiquées, a entendu créer, pour connaître des litiges de la vie quotidienne et des infractions mineures, un nouvel ordre de juridiction au sein duquel siégeront des juges non professionnels ; que ces juges seront appelés à exercer leurs fonctions juridictionnelles de façon temporaire, dans le seul cadre des juridictions de proximité, et tout en poursuivant, le cas échéant, une activité professionnelle ;


Considérant que, à la date à laquelle le Conseil constitutionnel se prononce sur la loi déférée, le législateur n'a adopté aucune disposition relative au statut des membres des juridictions de proximité ; que, par suite, dans le silence de la loi sur l'entrée en vigueur de son titre II, les juridictions de proximité ne pourront être mises en place qu'une fois promulguée une loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres ; que cette loi devra comporter des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, et aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, sous cette double réserve, doit être rejeté le moyen tiré de ce que le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence en créant ce nouvel ordre de juridiction ;

Ouvrages (5) Revues (20)

Agir sur cette sélection :