Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 20 Octobre 1992
Rejet
N° de pourvoi 90-18.867
Président M. BEZARD
Demandeur SA Jamdis
Défendeur Lemee et autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ la société anonyme Jamdis, dont le siège est à Saint-James (Manche), 5, rue Fauconnière,
2°/ M. Charles-Marie ..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Jamdis, demeurant à Saint-Lo (Manche), 32, rue Havin,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 1990 par la cour d'appel de Caen (1re chambre), au profit
1°/ de M. ..., ès qualités de représentant des créanciers, demeurant à Alençon (Orne), 42, Valnoble BP 263,
2°/ de la société anonyme système U Normandie, dont le siège est à Brecey (Manche), 19, rue des Ecoles,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 juin 1992, où étaient présents
M. Bézard, président, Mme Pasturel, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., Mme ..., MM ..., ..., conseillers, MM ... ..., ..., ..., conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Pasturel, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Jamdis et de M. ..., ès qualités et de M. ..., ès qualités, de Me ..., avocat de la société Système U Normandie, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur l'intervention de M. ... en qualité de représentant des créanciers de la société Jamdis
Attendu que, par un mémoire en intervention déposé au secrétariat-greffe de la Cour de Cassation, le 6 février 1991, M. ..., ès qualités, a déclaré s'associer au pourvoi formé par la société Jamdis et par M. ..., commissaire à l'exécution du plan de redressement ;
Mais attendu que M. ..., ès qualités, ayant été partie devant la cour d'appel, il lui appartenait de former un pourvoi en cassation contre les dispositions lui faisant grief ;
que son intervention est donc irrecevable ;
Sur le premier moyen
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 juin 1990), que, par une ordonnance rendue le 12 février 1988, le juge des référés a accueilli la revendication formée par la société Système U pour les marchandises vendues par elle avec clause de réserve de propriété à la société Jamdis et dont l'acquéreur n'avait pas réglé le prix malgré la livraison qui lui en avait été faite ;
que, par un jugement également en date du 12 février 1988, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Jamdis ;
que cette dernière et l'administrateur de la procédure collective, ultérieurement nommé commissaire à l'exécution du plan de redressement de la débitrice, ont relevé appel de l'ordonnance du juge des référés ;
Attendu qu'il est par eux fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société Système U n'avait pas à saisir le juge-commissaire d'une nouvelle demande en revendication aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement de redressement judiciaire a pris effet à compter de son prononcé, en vertu de l'article 14 du décret du 27 décembre 1985 dans sa rédaction antérieure au décret du 21 avril 1988, soit après l'ordonnance du même jour ayant accueilli l'action en revendication de la société Système U, que l'instance en référé étant close avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, elle n'était plus en cours au sens de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, et partant, elle ne pouvait être ni interrompue, ni suspendue, alors qu'aux termes de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour statuer sur les revendications ;
que seules échappent à cette compétence exclusive les revendications sur lesquelles il a été statué par une décision devenue irrévocable, avant le prononcé du redressement judiciaire ;
qu'en l'espèce, ayant relevé que l'ordonnance litigieuse avait été rendue avant le prononcé du redressement judiciaire, mais que le délai d'appel n'était pas expiré, la cour d'appel ne pouvait pas en déduire que le jugement n'était pas en cours et que la société Système U n'avait pas à saisir le juge-commissaire ;
qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 25 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions déposées par la société Jamdis et l'administrateur devant la cour d'appel que l'exception fondée sur l'incompétence de la juridiction des référés au profit de celle du juge-commissaire n'a été soulevée qu'après défense au fond, cette exception étant, dès lors, irrecevable, en vertu des dispositions de l'article 74, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;
que l'article 92 du même code dispose, par ailleurs, que si l'incompétence peut être prononcée d'office par le juge en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public, elle ne peut, devant la cour d'appel, être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française ;
que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux erronés, de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ;
que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir accueilli la revendication de la société Système U alors, selon le pourvoi, que, dans ses conclusions d'appel, M. ..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Jamdis, avait soutenu que la société Système U ne pouvait se prétendre créancière de la valeur des marchandises revendiquées, quand elle n'avait pas déclaré sa créance du prix des marchandises impayées entre les mains du représentant des créanciers ;
qu'en ne répondant pas à ces conclusions, pourtant déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la déclaration de la créance n'est pas une condition de la revendication des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété ;
que par ce motif de pur droit, il est répondu aux conclusions invoquées ;
que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable l'intervention de M. ..., ès qualités ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jamdis et M. ..., ès qualités, envers M. ... ès qualités et la société système U Normandie, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre vingt douze.