Jurisprudence : TA Melun, du 27-06-2024, n° 2303779

TA Melun, du 27-06-2024, n° 2303779

A19465NE

Référence

TA Melun, du 27-06-2024, n° 2303779. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/109807082-ta-melun-du-27062024-n-2303779
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Abstract

► Un département ne peut pas légalement faire bénéficier ses agents d'une réduction du temps de travail au seul motif que ceux-ci étaient susceptibles d'être exposés à des risques psychosociaux.


Références

Tribunal Administratif de MELUN

N° 2303779

9ème chambre
lecture du 27 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un déféré, enregistré le 17 avril 2023, la préfète du Val-de-Marne demande au tribunal d'annuler la délibération n° 2022-6-1.13.13 du 17 octobre 2022 en tant que le conseil départemental du Val-de-Marne a approuvé les dispositions du règlement du temps de travail relatives aux sujétions particulières contenues dans le point 4 relatif aux " jours de réduction horaire liés à la pénibilité et aux contraintes d'organisation " et l'annexe 1 relative aux " modalités de prise en compte des sujétions et pénibilités par métier ".

Elle soutient que :

- la réglementation sur le temps de travail des agents départementaux vise certaines sujétions particulières qui ne paraissent pas conformes au cadre fixé à l'article 2 du décret du

12 juillet 2001 ;

- le règlement du temps de travail comporte des dispositions illégales en ce que, d'une part, il définit des sujétions particulières impropres à recevoir cette qualification ; la reconnaissance d'une sujétion particulière est contingente à l'existence d'un lien intrinsèque entre celle-ci et la nature des missions exercées par l'agent ; dès lors, il appartient à la collectivité de démontrer de manière précise qu'un emploi est soumis à des contraintes spécifiques ainsi que l'impact de celles-ci sur les agents ; par ailleurs, la collectivité doit justifier de l'existence d'une sujétion listée dans le décret du 12 juillet 2001🏛 ou démontrant une pénibilité ou une dangerosité dans la fonction exercée ; à cet égard, le département du Val-de-Marne ne pouvait retenir en tant que sujétion particulière un risque d'exposition à certains facteurs liés aux risques psychosociaux comme les exigences et l'intensité du travail, les exigences émotionnelles, l'autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et les relations de travail et les conflits de valeur ; ces facteurs, mis en évidence dans le rapport Gollac de 2011 sur le suivi des risques psychosociaux est un outil d'analyse dont l'objectif a été dévoyé par le département dès lors qu'il a vocation à permettre l'identification des risques psychosociaux et non d'identifier les risques susceptibles d'entraîner une réduction du temps de travail ; les critères ainsi retenus par le département relèvent de facteurs qui ne sont pas relatifs aux missions dévolues aux agents ; d'ailleurs, il existe des dispositifs de prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique ; en outre, la prise en compte des risques psychosociaux peut conduire à une rupture d'égalité de traitement entre les agents ainsi qu'à une méconnaissance du principe de parité ; le département a également pris en compte le critère des déplacements quotidiens ; or, cet élément relève des modalités et des conditions d'exercice normal des missions et ne répond pas à la définition de sujétion particulière ;

- le département du Val-de-Marne, en l'absence de précision dans la délibération en litige, ne démontre pas, s'agissant de certains emplois, de lien suffisant entre les sujétions identifiées et retenues et la nature des missions exercées par les agents bénéficiant d'une réduction du temps de travail ;

- il ne justifie pas de la quotité de réduction de temps de travail octroyée et a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la fixation du régime de temps de travail ; le département a élaboré un système de cotation fondé sur les sujétions retenues avec des niveaux d'intensité variant de 1 à 3 et les agents se voient attribuer un nombre de jours de réduction de temps de travail allant jusqu'à seize jours en fonction du nombre de facteurs de risques identifiés et de leur niveau d'intensité ; or, dans certains cas, les réductions accordées s'appuient sur des facteurs similaires ou équivalents pris en compte à plusieurs titres ; ainsi onze emplois ont bénéficié de la prise en compte redondante de certains facteurs.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 22 février 2024, le

syndicat CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne et le

syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne, représentés respectivement par leur secrétaire général en exercice, représentés par Me Baronet, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- leur action est recevable dès lors qu'ils ont la capacité à agir et intérêt à agir ;

- le juge des référés qui a prononcé, par une ordonnance du 23 mai 2023, la suspension partielle de la délibération, a estimé à tort, que les sujétions particulières susceptibles de donner lieu à une réduction du temps de travail devaient avoir " un caractère spécifique à ces postes ou missions ", alors que cette condition, qui institue d'ailleurs une insécurité juridique, ne ressort pas des termes de l'article 2 du décret du 12 juillet 2001🏛 ; il ajoute, également, à tort les notions de sujétion inhabituelle ou anormale, lesquelles sont étrangères à la notion de spécificité d'une sujétion ; le juge des référés pose un deuxième critère de la sujétion tenant à ce qu'elle puisse être corrigée par d'autres moyens qu'une réduction du temps de travail ; ce critère constitue une condition et non une définition de la spécificité ; le contrôle ainsi opéré par le juge va au-delà de l'esprit de la loi de transformation de la fonction publique et de son décret d'application et conduit le juge à s'immiscer dans la prise de décision politique ;

- la méthodologie adoptée par le département du Val-de-Marne est parfaitement compatible avec le décret du 12 juillet 2001 et a permis d'identifier des sujétions particulières à certains métiers indépendamment du service dans lequel ils sont exercés ; cette méthodologie est, en outre, conforme à la méthode scientifique reconnue dite " rapport Gollac " ; les critères des risques psychosociaux identifiés par ce rapport répertorient des sujétions liées aux postes et missions recensés ayant un impact soit sur les cycles de travail soit sur la pénibilité ou la dangerosité de la mission ; rien ne permet au tribunal de rejeter par principe l'introduction de risques psychosociaux de réduction du temps de travail ; les risques psychosociaux se doivent d'être pleinement intégrés à la notion de pénibilité ; les critères d'exigence et d'intensité du travail, d'autonomie et marge de manœuvre, d'exigences émotionnelles, de rapports sociaux et relation de travail, des conflits de valeur sont conformes au décret du 12 juillet 2001 ; le critère de déplacement quotidien est un facteur de pénibilité au regard des conditions de circulation dégradées, et ce, malgré la faible superficie du département ; en outre, doit être pris en compte le risque d'accidentologie ;

- l'action de la préfète du Val-de-Marne porte une atteinte disproportionnée au droit syndical et au droits des agents à la participation, à la détermination collective de leurs conditions de travail et aux politiques en matière de ressources humaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2024, le département du Val-de-Marne, représenté par le président du conseil départemental en exercice, représenté par Me Brunière, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la préfète du Val-de-Marne ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2024 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019🏛 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000🏛 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001🏛 ;

- la décision n° 2022-1006 QPC du 29 juillet 2022⚖️ par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l'article 47 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019🏛 de transformation de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Réchard,

- les conclusions de Mme Van Daële, rapporteure publique,

- et les observations de Mme A, représentant la préfète du Val-de-Marne, de Me Brunière, représentant le département du Val-de-Marne, de Me Baronet, représentant le syndicat CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne et le

syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne, en présence de M. Maingault, secrétaire général du syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du

Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'harmonisation du temps de travail résultant de l'application de l'article 47 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le département du Val-de-Marne a, par une délibération n° 2022-6-1.13.13 du 17 octobre 2022, fixé le principe d'une durée annuelle de travail à temps complet effectif de 1 607 heures et adopté, en son article 2, un nouveau règlement du temps de travail applicable aux agents du département. Ce règlement du temps de travail, annexé à la délibération litigieuse, précise notamment, par métier, le nombre de jours de réduction de temps de travail accordés au titre de la pénibilité des fonctions. Le 15 décembre 2022, la délibération attaquée ayant été reçue en préfecture le 27 octobre 2022, la préfète du Val-de-Marne a formé un recours gracieux contre cette délibération estimant que " certaines dispositions () demeur[aient] contestables au regard de la réglementation en vigueur et des orientations jurisprudentielles ", notamment, en tant qu'elle octroie des jours de congés supplémentaires en tenant compte de certaines sujétions particulières ne répondant pas à des sujétions intrinsèquement liées à la nature même des missions et à la définition des cycles de travail, seules de nature à justifier une réduction du temps de travail, à savoir les risques psychosociaux et les déplacements quotidiens, et en tant que le département du Val-de-Marne n'a pas établi de lien entre certaines sujétions retenues, en particulier sur les " travaux salissants ", les " agents chimiques dangereux ", l'" environnement bruyant " ou le " contact avec le public " et les métiers auxquels ils étaient rattachés ou, qu'il a pris en compte certains critères de manière redondante pour d'autres métiers. Ce recours gracieux a été rejeté par le président du conseil départemental du Val-de-Marne le 15 février 2023. Par le présent déféré, la préfète du

Val-de-Marne demande au tribunal d'annuler cette délibération en tant qu'elle approuve les dispositions du règlement du temps de travail relatives aux sujétions particulières contenues dans le point 4 relatif aux " jours de réduction horaire liés à la pénibilité et aux contraintes d'organisation " et l'annexe 1 relative aux " modalités de prise en compte des sujétions et pénibilités par métier ".

Sur l'intervention du syndicat CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne et du syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne :

2. Le syndicat CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne, qui regroupe les agents actifs et retraités du département du Val-de-Marne, a pour objet, aux termes de l'article 4 de ses statuts, " la défense générale des intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux [] relevant de sa compétence " et le syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne, qui regroupe les salariés, ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise de ce département, a pour objet, d'après l'article 1er de ses statuts, " la défense de leurs droits et intérêts professionnels, moraux et matériels, sociaux et économiques, individuels et collectifs ". Ces deux syndicats justifient ainsi d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la défense présentée par le département du Val-de-Marne dans la présente instance. Leur intervention doit, par suite, être admise.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. En vue de l'harmonisation de la durée du temps de travail au sein des fonctions publiques, l'article 47 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique impose aux collectivités territoriales qui en ont fait usage de fixer, par une délibération prise dans le délai d'un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes, les règles relatives au temps de travail de leurs agents dans les limites applicables à ceux de l'État. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu contribuer à l'harmonisation de la durée du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale ainsi qu'avec la fonction publique de l'État afin de réduire les inégalités entre les agents et faciliter leur mobilité. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. En second lieu, d'une part, les dispositions se bornent, en matière d'emploi, d'organisation du travail et de gestion de leurs personnels, à encadrer la compétence des collectivités territoriales pour fixer les règles relatives au temps de travail de leurs agents. D'autre part, les collectivités territoriales qui avaient maintenu des régimes dérogatoires demeurent libres, comme les autres collectivités, de définir des régimes de travail spécifiques pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions de leurs agents.

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code général de la fonction publique : " La durée du travail effectif des agents de l'Etat est celle fixée à l'article L. 3121-27 du code du travail🏛, sans préjudice des dispositions statutaires fixant les obligations de service pour les personnels enseignants et de la recherche. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat précisant notamment les mesures d'adaptation tenant compte des sujétions auxquelles sont soumis certains agents ". Aux termes de l'article L. 611-2 du même code, qui a repris les termes de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 relative à la fonction publique territoriale : " les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents territoriaux sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, qui prévoit notamment les conditions dans lesquelles la collectivité ou l'établissement peut, par délibération, proposer une compensation financière d'un montant identique à celle dont peuvent bénéficier les agents de l'Etat, en contrepartie des jours inscrits à leur compte épargne temps ".

5. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée de travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat (). / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. / Cette durée est susceptible d'être réduite () pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail, ou de travaux pénibles ou dangereux ".

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001🏛 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000🏛 susvisé sous réserve des dispositions suivantes ". L'article 2 de ce décret dispose que : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut, après avis du comité technique compétent, réduire la durée annuelle de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000🏛 susvisé pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux ". Il résulte de ces dispositions, qui ont pour effet de définir de manière exhaustive les cas dans lesquels il est possible de prévoir des dérogations à la durée annuelle de travail de 1 607 heures, que le champ de ces dérogations est expressément limité aux seules hypothèses de sujétions intrinsèquement liées à la nature même des missions.

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'organe délibérant de définir avec précision les sujétions particulières, qu'elles soient afférentes au travail de nuit, le dimanche, en horaires décalés ou en équipes, à la modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux, ou en prenant en compte d'autres critères que ceux mentionnés à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé, à la condition qu'elles soient liées à la nature même des postes occupés par les agents concernés ou à leurs missions et aient un caractère spécifique à ces postes ou missions, ce qui implique nécessairement, d'une part, que ces sujétions ne peuvent avoir un caractère général ou être susceptibles de pouvoir être corrigées par d'autres moyens et notamment par une adaptation du poste de travail, une meilleure organisation du travail ou une formation spécifique des agents qui les occupent ou les exercent, conformément à la responsabilité de tout employeur, et d'autre part qu'elles soient décrites de manière suffisamment détaillée permettant de déterminer précisément leur particularité par rapport aux fonctions habituelles exercées par les autres agents de la commune dans des conditions normales.

8. Il ressort des pièces du dossier que le règlement du temps de travail des agents du conseil départemental du Val-de-Marne, annexé à la délibération contestée du 17 octobre 2022, précise, pour chaque métier, le nombre de jours de réduction de temps de travail accordés au titre de la pénibilité en fonction des sujétions relatives aux " travaux pénibles, dangereux et salissants " détaillés avec les facteurs tenant au " port de charges lourdes ", aux " postures pénibles ", à l'" environnement bruyant ", aux " expositions aux agents chimiques dangereux ", aux " travaux salissants ", aux " travaux répétitifs ", aux " travaux insalubres ou en milieu confiné ", aux " températures extrêmes ", aux " travaux dangereux ", à une " exposition aux intempéries ", et aux " risques psychosociaux ". Ces derniers sont détaillés selon des facteurs mis en évidence dans le rapport Gollac établi en 2011 et qui renvoient au " contact avec du public (risque d'agression) ", à l'" exigence et intensité du travail ", aux " exigences émotionnelles (contact avec le public en difficulté) ", à l'" autonomie et marge de manœuvre ", aux " rapports sociaux et relations de travail " et aux " conflits de valeur " , ainsi qu'au " temps de travail et déplacements quotidiens " détaillés avec les facteurs " travail en horaires décalés dont week-end ", " travail de nuit ", " modulations importante du cycle de travail " et " déplacements quotidiens ", leur nombre pouvant être variable selon les métiers.

9. En premier lieu, la préfète du Val-de-Marne fait grief au département du

Val-de-Marne d'avoir accordé aux agents du département des réductions du temps de travail en se fondant notamment sur cinq des six facteurs de la sujétion " risques psychosociaux " et sur le facteur des " déplacements quotidiens " au sein de la sujétion " temps de travail et déplacements quotidiens ".

10. D'une part, les conditions d'exercice des fonctions de chaque métier ne sauraient, au seul motif qu'elles présentent des particularités propres, être systématiquement qualifiées de sujétions au sens des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale. Ainsi, l'exposition des agents à des risques psychosociaux, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne serait pas inhérente à l'exercice-même de l'activité du service des agents concernés, ne saurait être regardée comme une sujétion liée à la nature des missions exercées ou comme nécessitant une modulation des cycles de travail. Au surplus, la protection de la sécurité et de la santé des agents qui seraient confrontés à de tels risques psychosociaux, qui incombe à la collectivité, conformément aux dispositions de l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique, peut être assurée par d'autres voies ou moyens que la réduction de la durée annuelle du temps de travail.

11. D'autre part, si le règlement du temps de travail des agents du conseil départemental du Val-de-Marne en litige prend en compte les " déplacements quotidiens " au titre des sujétions ouvrant droit à certains agents à des réductions du temps de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que les déplacements quotidiens pour les agents concernés que sont les agents techniques de la régie des fêtes, les chargés de valorisation des déchets de la direction logistique / restauration, les agents de maintenance et les chauffeurs-livreurs de la direction logistique / moyens généraux, les chauffeurs du service courrier, les techniciens informatiques postes de travail, collèges et techniciens réseaux et techniciens téléphonie de la DSI, ne constitueraient pas une simple particularité propre à ces fonctions inhérente à l'exercice-même de celles-ci, sans pour autant caractériser une sujétion particulière au sens des dispositions précitées de l'article 2 du décret du

12 juillet 2001.

12. En deuxième lieu, la préfète du Val-de-Marne fait grief au département du

Val-de-Marne de ne pas justifier d'un lien suffisant entre certaines sujétions identifiées et la nature des missions exercées par les agents.

13. Le règlement du temps de travail des agents du conseil départemental du

Val-de-Marne en litige prend en compte au titre des sujétions donnant lieu à une réduction du temps de travail les " travaux salissants " pour les techniciens informatiques et téléphonie de la direction du système d'information, l'" exposition aux agents chimiques dangereux " pour les agents d'accueil de la direction de l'éducation et des collèges et les cuisiniers de cette direction et l'" environnement bruyant " pour les médecins de la direction de l'autonomie et MDPH. Le département du Val-de-Marne, qui se borne à souligner, sans autre précision, que les premiers peuvent être amenés à effectuer des travaux de perçage ou de câblage et que les seconds peuvent être amenés à effectuer du nettoyage, sans apporter d'explication relative à la sujétion pour environnement bruyant retenue au bénéfice des médecins, ne démontre pas, ainsi que le soutient la préfète du Val-de-Marne, le lien entre la nature intrinsèque des missions de ces agents et les sujétions retenues.

14. En troisième et dernier lieu, la préfète du Val-de-Marne fait grief au département du Val-de-Marne d'avoir attribué à certains agents des réductions de temps de travail en vertu de sujétions qui revêtent un caractère redondant et donc, de ne pas avoir justifié de la quotité de réduction de temps de travail ainsi accordée.

15. Il ressort des termes de l'annexe 1 du règlement du temps de travail en litige que les égoutiers et chefs d'équipe des égoutiers, les électromécaniciens et chefs d'équipe des électromécaniciens, les techniciens réseaux, maintenance, travaux électromécaniques, patrimoine et les contrôleurs de travaux se voient attribuer une quotité de jours de réduction de temps de travail à la fois au titre des " travaux salissants " et des " travaux insalubres ou en milieu confiné ". De même, les travailleurs sociaux et référents insertion de l'équipe MNA, les responsables enfance et responsables enfance adjoints, les responsables et responsables adjoints équipe MNA, les agents administratifs en EDS, antennes de placement et responsables de placements familiaux, les psychologues, les inspecteurs enfance et collaborateurs CRIP se voient attribuer une quotité de réduction du temps de travail sur les critères cumulatifs du " contact avec du public " et du " contact avec du public en difficulté ". Dès lors que ces quotités de réduction de temps de travail sont injustifiées au regard de leur caractère redondant ainsi que, de surcroît, les variations de quotité de réduction accordée pour chaque catégorie d'emploi, la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que le département du Val-de-Marne ne justifie pas la quotité de réduction de temps de travail accordée pour chacune des catégories d'emplois concernées au regard des contraintes et de la nature des missions exercées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que la délibération contestée du 17 octobre 2022, en tant qu'elle a adopté les dispositions figurant au point 4. du règlement du temps de travail intitulé " les jours de réduction d'horaires liés à la pénibilité et aux contraintes d'organisation " et à son annexe 1, méconnaît les dispositions de l'article 2 du décret du 12 juillet 2001. Par conséquent, la délibération sera, dans cette mesure, annulée.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le département du Val-de-Marne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention des syndicats CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne et UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne est admise.

Article 2 : La délibération du conseil départemental du Val-de-Marne n° 2022-6-1.13.13 du 17 octobre 2022, en tant qu'elle approuve le point 4. du règlement du temps de travail relatif aux " jours de réduction d'horaires liés à la pénibilité et aux contraintes d'organisation " et l'annexe 1 de ce règlement, est annulée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Val-de-Marne au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la préfète du Val-de-Marne, au département du

Val-de-Marne, au syndicat CGT actifs et retraités du conseil départemental du Val-de-Marne et au syndicat UGICT-CGT du conseil départemental du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonneau-Mathelot, présidente,

Mme Réchard, première conseillère,

Mme Luneau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

La rapporteure,

J. RECHARD

La présidente,

S. BONNEAU-MATHELOT La greffière,

S. SCHILDER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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