CIV.3
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 juillet 2002
Cassation partielle
M. WEBER, président
Pourvoi n° C 00-20.909
Arrêt n° 1252 FS P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. François Le Z, demeurant Lannion,
2°/ Mme Yvonne Le Z, épouse Z Z, demeurant Lannion,
3°/ la société Des Plages, société à responsabilité limitée, dont le siège est Brest,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 2000 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre civile), au profit de la société Artda au nom commercial Oz Garden, société à responsabilité limitée, dont le siège est Gouesnou,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juin 2002, où étaient présents M. W, président, Mme V, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, Assié, conseillers, MM. Betoulle, Jacques, conseillers référendaires, M. U, avocat général, Mme T, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme V, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des époux Z Z et de la société Des Plages, de la SCP Gatineau, avocat de la société Artda au nom commercial Oz Garden, les conclusions de M. U, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Vu l'article 1er du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L. 145-1 du Code de commerce ;
Attendu que les dispositions relatives au statut des baux commerciaux s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 juin 2000), que les époux ... ont acquis, en septembre 1993, le fonds de commerce de discothèque exploité dans des locaux appartenant alors aux époux Z Z ; qu'ils ont été déclarés en liquidation judiciaire en octobre 1996 ; que M. ..., ès qualités de liquidateur judiciaire a, par acte extrajudiciaire du 5 juin 1997, demandé le renouvellement du bail, tacitement reconduit depuis le 1er janvier 1997 ; qu'il a, le 11 juin suivant, vendu le fonds de commerce à la société Artda en cours d'immatriculation ; que, par acte extrajudiciaire du 25 août 1997, les époux Z Z ont signifié leur refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes ; que, par exploit du 11 décembre 1997, la société Artda les a assignés pour leur demander paiement d'une indemnité d'éviction ; que les bailleurs lui ont dénié le bénéfice du statut pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés à la date de leur congé du 25 août 1997 portant refus de renouvellement du bail ; que la société Des Plages, qui a acquis l'immeuble loué, est intervenue à la procédure ;
Attendu que, pour accueillir la demande d'indemnité d'éviction de la société Artda, l'arrêt retient que c'est à la date de la demande de renouvellement du bail qu'il y a lieu de se placer pour apprécier si la condition d'immatriculation est remplie, qu'à cette date, le 5 juin 1997, le fonds n'avait pas encore été cédé à la société Artda, que le liquidateur judiciaire des cédants, alors inscrits au registre du commerce, n'avait demandé le renouvellement du bail que pour pouvoir céder ce fonds, et qu'admettre devoir se placer à la date du congé portant refus de renouvellement du bail pour apprécier si la condition d'immatriculation était remplie à l'égard du cessionnaire permettrait de contourner le droit du liquidateur de céder le bail à une société en formation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'immatriculation du locataire au jour de la délivrance du congé portant refus de renouvellement conditionne son droit au renouvellement du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Artda avait droit à une indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 28 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Artda aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Artda à payer aux époux Z Z et à la société Des Plages, ensemble, la somme de 1 900 euros ; rejette la demande de la société Artda ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille deux.