Jurisprudence : Cass. civ. 2, 20-06-2002, n° 00-11916, publié au bulletin, Rejet.

Cass. civ. 2, 20-06-2002, n° 00-11916, publié au bulletin, Rejet.

A9510AYU

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Abstract

L'article 9-1 du Code civil dispose, dans son premier alinéa, que "chacun a droit au respect de la présomption d'innocence". Dans un arrêt du 20 juin 2002, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le fait de divulguer le nom d'une personne majeure inculpée ou mise en examen n'est interdit par aucun texte et qu'il est permis de rendre compte des affaires judiciaires en cours d'instruction dès lors que les journalistes n'assortissent la relation des faits d'aucun commentaire de nature à révéler un préjugé de leur part quant à la culpabilité de la personne en cause.



CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 juin 2002
Rejet
M. ANCEL, président
Pourvoi n° C 00-11.916
Arrêt n° 676 F P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par M. Gérard Z, demeurant Nice,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A civile), au profit de la Société nationale de télévision France 2, société anonyme, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2002, où étaient présents M. Ancel, président, M. Guerder, conseiller doyen rapporteur, M. Pierre, conseiller, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerder, conseiller doyen, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. Z, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société nationale de télévision France 2, les conclusions de M. Joinet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 décembre 1999, n° 864), rendu en référé, que la Société nationale de télévision France 2 (la société) a diffusé, dans son édition du journal de 20 heures, des propos mettant en cause M. Z, à l'occasion d'un reportage consacré aux développements d'une enquête judiciaire sur la vente de timbres de collection de la principauté de Monaco ; que M. Z, s'estimant victime d'une atteinte à la présomption d'innocence, a assigné la société en référé devant le président du tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article 9-1 du Code civil, aux fins d'insertion d'un communiqué ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen
1°/ que des journalistes de la presse audiovisuelle ne peuvent présenter, sans réserves, une personne mise en examen comme ayant commis des faits susceptibles d'être réprimés par la loi pénale, sauf à méconnaître la présomption d'innocence, de sorte qu'en rejetant la demande d'insertion de M. Z, tout en constatant que la Société nationale de télévision France 2 avait, lors du journal télévisé de 20 heures du 13 novembre 1998, déclaré "Ils sont mille deux cents à avoir placé leur argent sur des bouts de papier", "le rapport de synthèse de la gendarmerie établit les gains de Gérard Z à 232 millions de francs", "Gérard Z achète presque tout, il établit une cotation et fait miroiter un marché", les juges du fond ont violé les dispositions de l'article 9-1 du Code civil ;
2°/ que M. Z faisait valoir, dans ses conclusions, que les affirmations des journalistes s'appuyaient sur un rapport de synthèse de la gendarmerie qui "établissait" les gains de Gérard Z à 232 millions de francs sur 5 ans, si bien qu'en disant n'y avoir lieu à référé sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, de ce fait, les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le fait de divulguer le nom d'une personne majeure inculpée ou mise en examen n'est interdit par aucun texte et qu'il est permis de rendre compte des affaires judiciaires en cours d'instruction dès lors que les journalistes n'assortissent la relation des faits d'aucun commentaire de nature à révéler un préjugé de leur part quant à la culpabilité de la personne en cause ; qu'il y a atteinte à la présomption d'innocence lorsqu'un reportage n'est constitué que de témoignages à charge et présente la culpabilité de la personne comme certaine ; qu'il apparaît de l'examen du reportage que le commentateur se réfère au rapport de synthèse de la gendarmerie qui établit "les gains de Gérard Z à 232 millions de francs", décrit le mécanisme de l'opération sans en préciser la nature juridique, indique que "Gérard Z achète presque tout, il établit une cotation et fait miroiter un marché..." ; que ce commentaire ne saurait porter atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie M. Z en l'état de son caractère purement analytique dépourvu de préjugé de la part du journaliste ; que le fait de faire "miroiter un marché" n'est pas porteur d'une présomption de culpabilité mais relève du comportement commercial habituel de tout professionnel en matière d'objets d'art ou de collection ; que, par ailleurs, ce reportage est illustré d'extraits d'interviews d'un plaignant et de son avocat ainsi que de celui de M. Z ; qu'une telle émission, qui rend compte des faits et des réactions des personnes intéressées ou de leurs conseils, n'a donc pas consisté à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, la partie demanderesse poursuivie pénalement ; que l'expression "Ils sont mille deux cents à avoir placé leur argent sur des bouts de papier" s'insère dans les accusations proférées au journaliste par l'une des victimes, Mme ..., entendue en direct, et n'est donc pas pour le téléspectateur l'opinion du journaliste assénée sans précautions, ni l'expression personnelle de son préjugé sur la culpabilité de M. Z, mis en examen parmi d'autres dans le cadre d'une escroquerie aux complicités multiples, selon l'avocat de la plaignante, dont l'enquête de gendarmerie place l'Etat monégasque comme à l'origine de la vente des timbres sur le marché de la philatélie ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, répondant aux conclusions, l'absence d'atteinte à la présomption d'innocence de M. Z ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille deux.

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