N° E 13-85.478 F D N° 5141
CI1 22 OCTOBRE 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Eric Z,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 4 juillet 2013, qui, sur renvoi après cassation ( Crim., 23 janvier 2013, pourvoi no 1287136), l'a renvoyé devant la cour d'assises de Paris sous l'accusation d'assassinat, recel et infraction à la législation sur les armes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-3, 221-1 et 221-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de M. Z et a ordonné son renvoi devant la cour d'assises de Paris, des chefs d'assassinat et délits connexes ;
"aux motifs que si l'exposé des faits, tel qu'il résulte de l'ordonnance entreprise, ne fait pas l'objet de contestation, les conseils de M. Z ont fait valoir que dans la discussion des charges et de leur analyse juridique, toutes les conséquences n'étaient pas tirées de l'énoncé de ces faits ; qu'en conséquence, son conseil aux termes de ses mémoires étant "appelant de l'ordonnance de mise en accusation rendue à son encontre le 22 octobre 2010" sollicite un non-lieu au bénéfice de M. Z ; qu'à sa décharge, il convient de prendre en compte les propres dénégations constantes de M. Z au cours de l'information ainsi que les variations apparues dans les déclarations de M. ... et de M. ... décrites ci-avant, ce dernier n'ayant pu être réentendu en raison de son suicide mettant fin à l'action publique à son encontre ; que les armes et le combustible utilisé pour tuer la victime et faire disparaître les traces n'ont pu être déterminés avec certitude ; qu'il doit être rappelé que les mises en accusation de M. ... et de M. ... du chef de complicité du crime d'homicide volontaire commis avec préméditation sur la personne de M. ..., dont il n'a été interjeté appel que par le ministère public, n'ont fait l'objet d'aucune discussion ou contestation ; que le juge d'instruction avait relevé que M. ..., dont le nom apparaissait déjà dans les renseignements collectés par les policiers était en contact régulier avec M. ... et M. Z, reconnaissant la location de véhicules à la demande de M. ..., en particulier un véhicule utilitaire, du 7 au 15 janvier 2003, qui lui était restitué au domicile de M. ..., en présence de M. Z, le 15 janvier 2003 à l'heure du déjeuner ; qu'il est ainsi établi que le jour des faits, il retrouvait MM. ... et Z ; qu'il ressort des éléments de l'enquête et des déclarations notamment de M. ... qu'il était au courant du projet de corriger M. ... ; que M. ... a indiqué qu'il avait été invité à participer à la correction de M. ... par MM. ..., Z et ... ; que le magistrat instructeur relevait que l'implication de M. ... ressortait suffisamment dans les actes préparatoires de l'assassinat, alors même qu'il assurait selon ses propres déclarations, le lien entre plusieurs participants et qu'il avait été chargé de repérer M. ... ; qu'il avait contacté M. ... le 9 janvier 2003, évoquant alors une "grande salope" qu'il fallait "niquer" ; que les renseignements anonymes et les surveillances policières établissent sa présence sur les lieux de l'assassinat le jour des faits ; qu'il a encore été observé se rendant avec ses complices dans un magasin de bricolage, selon ses propres déclarations, ensuite rétractées, pour acheter un outil à fin d'enterrer le cadavre ; que les explications de M. ... sur le mobile et les circonstances de l'assassinat sont corroborées par des écoutes téléphoniques, des témoignages et des dénonciations ; qu'il convient de rappeler que M. ... était considéré par les services de police comme susceptible de communiquer des "informations dignes d'intérêt" ; que la veille de son assassinat, il avait rencontré un fonctionnaire de police ; qu'il est ainsi plausible que les mis en cause aient su, ainsi que plusieurs l'ont reconnu, qu'il risquait de dénoncer leurs activités criminelles, que la découverte de drogue, d'armes, de véhicules volés et de cagoules suffisait à établir ; que les auditions des policiers de divers services et des témoins sont corroborés par le message téléphonique enregistré sur le répondeur de M. ... le 9 janvier 2003, où il est question, de "niquer" 'la grande salope", M. ... soutenant toutefois qu'il s'agissait seulement de corriger et non d'assassiner un indicateur ; que M. ... a confirme qu'il s'agissait de "foutre une raclée" à M. ... ; que le juge d'instruction souligne encore que M. ... son ami, Mme ... sa compagne et M. ... son fils ont pu rapporter des propos de M. ... quant à sa participation aux faits et à leur déroulement ; que la crédibilité de M. ... est évidente en ce qui concerne les déclarations qu'il a pu faire aux enquêteurs pour leur indiquer la carrière où seront découverts les restes du corps de M. ..., même si ensuite, lors du transport certaines incohérences sont apparues, en particulier sur le fait qu'il ait pu rester à l'extérieur et voir l'incendie du véhicule ; que la confirmation du rendez-vous par M. ..., lors de son appel téléphonique du 15 janvier 2003, à 14 h 05, pour procéder à cette "correction" corrobore également les aveux de M. ... ; que les incohérences relevées par le conseil de M. ... ne remettent pas en cause la crédibilité de ces déclarations, mais révèlent plutôt que M. ... a tenté de minimiser sa participation, ne reconnaissant pas notamment qu'il était armé, ainsi qu'il ressort des déclarations de plusieurs de ses proches ; que la participation de M. Z aux faits d'assassinat (ressort suffisamment des éléments retenus par le juge d'instruction ; QU'il a lieu de relever que des traces de sang de M. ... ont été retrouvées à l'intérieur d'un véhicule Audi S9 qu'il utilisait et qui était garé dans un box à Paris dont la clef a été saisie lors e la perquisition de son domicile ; que les enquêteurs ont pu constater qu'il avait rejoint M. ... vers midi, soit très peu de temps avant l'appel de M. ... confirmant le rendez-vous avec M. ... ; qu'en outre, ce dernier a mis en cause M. Z, dans la relation des faits qu'il a pu faire à M. ... et à M. ... ; que l'enquête a permis d'établir que le lieu où ont été retrouvés les restes du corps de M. ... était u ne carrière constituée d'environ 600 kilomètres de galeries ; que M. ... a déclaré que seuls M. Z, ses fils Eric et Didier et un certain M. ... peuvent évoluer dans cette carrière, même si quelques spéléologues y viennent parfois ; qu'entendu le 4 février 2009, M. Z admettait connaître la carrière et confirmait que son père, un des meilleurs connaisseurs du site, disposait d'une carte des lieux, qu'il avait lui-même mise à jour ; que Mme ... a confirmé que M. Z connaissait cette "galerie désaffectée" où il avait l'habitude de se rendre avec son père ; que M. Z était manifestement la seule personne parmi celles impliquées ayant une connaissance assez précise des lieux pour pouvoir se rendre à l'endroit où a été dissimulée l'épave calcinée, à plus d'un kilomètre de l'entrée, par un chemin que le juge d'instruction décrit comme sinueux ; que M. ... avait précisé que l'incendie du véhicule avait eu lieu au moyen d'un combustible contenu dans un jerrican d'une vingtaine de litres et que les enquêteurs ont pu établir que la veille des faits, M. Z avait procédé à l'achat de deux bidons de vingt litres d'un combustible "Zibro Kristal", ainsi que de masques de combinaisons de bricolage, les paiements étant enregistrés au moyen d'une carte bancaire ; qu'il convient de relever qu'il ne s'agissait pas de sa propre carte mais de celle de sa mère ; que l'expertise effectuée par MM. ... et ... a permis de relever les traces d'un déversement de distillat de pétrole pouvant correspondre à du "Zibro Kristal" dans l'habitacle du véhicule ; que l'expertise complémentaire réalisée loin d'exclure cette hypothèse relève simplement que la composition de ce combustible variait suivant les fournisseurs et était proche de la composition du White spirit ; que les explications de M. Z sur l'objet de l'achat des masques et des combinaisons de bricolage ont été infirmées par sa compagne ; que les explications qu'il a données sur son emploi du temps ont été vérifiées et qu'il en ressortait que rien ne permettait d'infirmer sa participation aux faits d'assassinat ; que la chronologie des faits, telle qu'elle est établie par les surveillances policières, les déclarations de M. ... et les appels téléphoniques, permet de conclure que M. Z était nécessairement présent au moment de l'assassinat ; que si M. ... a déclaré le 8 octobre 2008 de manière assez contradictoire "Steger n'était pas du tout content de ce dénouement, ... ils se sont disputés, Steger n 'était peut-être pas au courant de ce dénouement ..." puis encore ultérieurement "il a également été surpris. Il n'était pas du tout content .... il n'était pas question de la mort de quelqu'un", M. ... avait déclaré initialement que MM. ... et Z se seraient "gargarisés "de ce qu'ils venaient de faire, se réjouissant du fait que "ce salaud" ne "balancera(it) plus personne" ; que l'achat de combustible la veille des faits et le fait que le choix d'une carrière peu connue et située à une vingtaine de kilomètres de l'aire d'autoroute utilisée comme lieu de rendez vous avec M. ... pour faire disparaître le corps indiquent que le projet initial connu de M. Z était bien d'éliminer M. ... considéré comme un informateur de la police et de faire disparaître le corps par crémation dans un endroit discret et très peu fréquenté ; qu'il existe ainsi des charges sur sa participation aux faits en qualité d'auteur ou de coauteur ;
"1) alors que nul n'est responsable que de son propre fait et que la seule présence de M. Z sur les lieux, seule charge retenue par la chambre de l'instruction à son encontre, ne permet de caractériser ni l'élément matériel, ni l'élément intentionnel de l'homicide volontaire avec préméditation pour lequel il est mis en accusation ;
"2) alors qu'il résulte sans ambiguïté des déclarations de M. ..., d'une part que la victime a été tuée par arme à feu, d'autre part qu'elle a succombé sous les seuls coups de M. ... qui a fait feu soudain à plusieurs reprises sur elle et l'a achevée de plusieurs balles à bout portant, enfin que les coups ainsi portés avec intention homicide ont surpris M. Z qui ne s'est aucunement associé à cette action, laquelle l'a consterné ; que si la juridiction d'instruction apprécie souverainement les charges pesant sur la personne mise en examen, la Cour de cassation se bornant à vérifier que ces charges, à les supposer établies justifient la qualification permettant le renvoi devant la juridiction de jugement, c'est à la condition que la motivation ne soit pas entachée d'insuffisance et qu'elle réponde à l'argumentation péremptoire du mémoire déposé devant elle par la personne mise en examen ; qu'à défaut sa décision ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ; qu'en l'espèce, M. Z faisait valoir dans le mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction que M. ..., lors de l'interrogatoire en date du 8 octobre 2008 déclarait notamment " quand on est rentré dans la voiture Steger n'était pas du tout content de ce dénouement, ils se sont disputés, Steger n'était peut être pas au courant de ce dénouement... " (D 1937/4) et encore " Steger a été surpris comme moi ; je ne sais pas les raisons qu'on lui a donné (...) mais il a également été surpris ; il n'était pas du tout content (...) il n'était pas question de la mort de quelqu'un (D 1937/10) ; que M. Z en déduisait l'impossibilité de se fonder sur les déclarations de M. ... pour ordonner son renvoi et qu'en se bornant à faire état des variations dans les déclarations de M. ... qui n'a pu être réentendu en raison de son suicide sans répondre à cette argument péremptoire de M. Z ou mieux s'en expliquer, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
"3) alors que la circonstance, liminairement relevée par la chambre de l'instruction, que des traces de sang ont été retrouvées à l'intérieur du véhicule Audi S3 que M. Z utilisait et qui était garé dans un box à Paris dont la clé a été saisie lors de la perquisition à son domicile, ne saurait constituer une charge de nature à caractériser la participation de M. Z à une action homicide ;
"4) alors qu'aucune charge ne saurait être tirée de l'achat, au moyen d'une carte bancaire, d'un combustible dénommé ... Kristal ; que de même en s'abstenant de répondre à cet argument, fut-ce succinctement, la chambre de l'instruction a, derechef, méconnu les textes susvisés ;
"5) alors qu'il en va enfin de même de la circonstance selon laquelle M. Z, tout comme son père et ses frères, connaissait l'existence et la topographie de la carrière où ont été retrouvés les restes du véhicule incendié et le corps de la victime ; que M. Z faisait encore valoir dans son mémoire que la carrière de ... Leu est un lieu très fréquenté, qu'il la connaissait mal et que M. Didier Z avait déclaré que son frère (Eric Steger) était incapable de se déplacer à l'intérieur de cette carrière ; que, dès lors, sa prétendue connaissance de ce lieu ne pouvait constituer une quelconque charge" ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre M. Z pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation d'assassinat, recel et infraction à la législation sur les armes ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre
pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;