SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 octobre 2013
Cassation partielle
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1738 FS-P+B
Pourvoi no Y 12-14.237
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ Mme Sedef Z, épouse Z,
2o/ M. Vedat Z,
domiciliés Mulhouse,
contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2012 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale - section A), dans le litige les opposant
1o/ à M. Jean-Claude Y, domicilié Belfort, pris en qualité de mandataire liquidateur de l'entreprise Etoile,
2o/ à l'AGS CGEA de Nancy, dont le siège est Nancy cedex,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 septembre 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Hénon, conseiller référendaire rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, MM. Blatman, Chollet, Linden, Ballouhey, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, conseillers, Mme Mariette, M. Flores, Mmes Wurtz, Ducloz, M. David, conseillers référendaires, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat des époux Z, l'avis de Mme Taffaleau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z et Mme Z née Z ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la contestation de leur licenciement et à la fixation de leur créance, incluant également des reliquats de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés pour M. Z, à l'égard de M. Y liquidateur judiciaire de M. ..., exerçant sous l'enseigne entreprise Etoile ;
Sur le second moyen
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen
Vu les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Z à titre de rappel de salaire, l'arrêt retient que le salarié n'établit ni avoir fourni un travail dont le salaire est la contrepartie, ni s'être trouvé dans une situation en imposant le versement par l'employeur ;
Attendu cependant que l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel qui n'a pas constaté que l'employeur démontrait que le salarié avait refusé d'exécuter son travail ou ne s'était pas tenu à sa disposition, a inversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de rappel de salaire de M. Z à la liquidation judiciaire de M. ... à une certaine somme, l'arrêt rendu le 5 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. Y, en qualité de liquidateur judiciaire de M. ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y, ès qualités, à payer aux époux Z la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour les époux Z.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z de sa demande de fixation à la liquidation judiciaire de Monsieur ... des sommes de 40.993,04 euros au titre des rémunérations impayées et de 4.099,30 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE " Monsieur Z forme une demande en paiement au titre des salaires pour les mois de - octobre et novembre 2004, - janvier, février et avril 2005, - mai, juin, juillet, septembre, octobre et novembre 2006 ; qu'il produit aux débats (son annexe 15) son bulletin de salaire pour le mois de juillet 2006, mentionnant un salaire de base brut de 3.260,90 euros, porté à 3.726,64 euros par la prise en compte d'heures supplémentaires ; que concernant les autres mois pour lesquels il demande paiement d'un salaire, Monsieur Z ne produit aucun bulletin de salaire ; que par ailleurs, il ne peut se prévaloir ni de l'attestation ASSEDIC, ni du certificat de travail (ses annexes 3 et 4) tous deux établis sous la signature de Monsieur ... le 8 décembre 2006, alors que se trouvant en liquidation judiciaire, l'employeur était dessaisi de la gestion de son patrimoine, de sorte que ces documents sont sans valeur juridique ; que Monsieur Z n'établissant, ni avoir fourni un travail dont le salaire est la contrepartie, ni s'être trouvé dans une situation en imposant le versement par Monsieur ..., sera débouté de sa demande à ce titre, sauf en ce qui concerne le salaire du mois de juillet 2006 " ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter, soit la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli, soit la preuve de ce qu'aucun salaire n'était dû, faute pour le salarié d'avoir accompli une prestation de travail ; que dès lors, en déboutant Monsieur Z de sa demande portant sur le non-paiement d'arriérés de salaire au motif qu'il ne démontrait pas avoir fourni un travail, quand cette preuve incombait à Maître Y, en sa qualité de mandataire liquidateur de l'Entreprise ETOILE, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1315 du Code civil et L.3241-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART (et subsidiairement), QU'en déboutant Monsieur Z de sa demande de paiement d'arriérés de salaire pour les mois d'octobre et novembre 2004, janvier, février et avril 2005 et mai, juin, juillet, septembre, octobre et novembre 2006, au motif qu'il n'établissait pas avoir fourni un travail ou s'être trouvé dans une situation imposant le versement d'un salaire par son employeur, quand elle avait elle-même retenu, pour conclure à l'existence d'un contrat de travail, qu'une prestation de travail avait bien été fournie par l'intéressé et qu'il indiquait, sans être autrement contredit, qu'il avait poursuivi son activité jusqu'au 30 novembre 2006, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ensemble les articles L.1221-1 et L.3241-1 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QUE si la délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes qui y sont mentionnées, l'absence de remise de tels bulletins saurait encore moins le libérer de cette obligation ; qu'en retenant, pour débouter Monsieur Z de sa demande portant sur le non-paiement d'arriérés de salaire, qu'il ne produisait aucun bulletin de salaire pour les mois pour lesquels il affirmait ne pas avoir été payé, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, l'a privée de base légale au regard des articles L.3243-3 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité aux sommes respectivement de 5.000 et 2.500 euros les dommages et intérêts dus à Monsieur et à Madame Z au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE " Monsieur et Madame Z peuvent dès lors prétendre (...) au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui seront fixés, sur le fondement de l'article L.1235-5 du Code du travail à 5.000 euros pour Monsieur Z et 2.500 euros pour Madame Z, étant observé que Monsieur Z produit (ses annexes 5, 6, 7 et 9) les justificatifs de sa prise en charge par l'ASSEDIC au titre de l'aide au retour à l'emploi, notifiée le 23 janvier 2007, sans établir que son versement a ensuite été suspendu comme il l'affirme " ;
ALORS QUE le principe de la réparation intégrale impose aux juges de fonder leur décision sur l'importance réelle du dommage qu'ils sont tenus d'évaluer de manière précise et exhaustive afin de le réparer dans son intégralité ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a évalué aux sommes de 5.000 et 2.500 euros les dommages et intérêts devant être alloués à Monsieur Z et à son épouse, soit l'équivalent pour chacun d'un mois et demi de salaire ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que, les deux époux ayant été licenciés, ils ne disposaient plus d'aucune source de revenu, aucun membre de la famille ne pouvant suppléer leur carence en la matière et qu'aucune allocation chômage ne leur avait été versée dans la mesure où Maître Y avait déclaré à POLE EMPLOI qu'ils n'auraient pas été liés à l'Entreprise ETOILE par un contrat de travail, la cour a méconnu le principe ci-dessus visé et violé l'article L. 1235-5 du Code du travail.