Jurisprudence : CJCE, 18-04-2002, aff. C-9/00,

CJCE, 18-04-2002, aff. C-9/00,

A8093AYE

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Cour de justice des Communautés européennes

18 avril 2002

Affaire n°C-9/00





ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)


18 avril 2002 (1)


"Rapprochement des législations - Directives 75/442/CEE et 91/156/CEE - Notion de 'déchet - Résidu de production - Carrière - Stockage - Utilisation de déchets - Absence de danger pour la santé et l'environnement - Possibilité de valorisation"


Dans l'affaire C-9/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par


Palin Granit Oy


et


Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32),


LA COUR (sixième chambre),


composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues juges,


avocat général: M. F. G. Jacobs,


greffier: M. R. Grass,


considérant les observations écrites présentées:


- pour le Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, par M. J. Keskitalo, directeur du contrôle sanitaire, et Mme L. Suonkanta, chef des affaires économiques,


- pour le gouvernement finlandais, par Mme E. Bygglin, en qualité d'agent,


- pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Støvlbaek, en qualité d'agent, assisté de Mme E. Savia, avocat,


vu le rapport du juge rapporteur,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 janvier 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 31 décembre 1999, parvenue à la Cour le 13 janvier 2000, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle principale et quatre sous-questions sur l'interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la "directive 75/442").


2.


Ces questions ont été posées dans le cadre d'un recours contre une autorisation d'environnement délivrée par le Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus (syndicat intercommunal de Vehmassalo, ci-après le "syndicat intercommunal") à l'entreprise Palin Granit Oy (ci-après "Palin Granit") pour l'exploitation d'une carrière de granit. Il ressort en effet de la législation finlandaise que la délivrance d'une autorisation d'environnement concernant une déchargen'est pas de la compétence des autorités communales, de sorte que l'issue de la procédure au principal dépend de la qualification ou non de déchets des débris de pierre résultant de l'exploitation de la carrière.


La réglementation communautaire


3.


L'article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442 définit le déchet comme "toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire".


4.


L'article 1er, sous c), de la même directive définit le "détenteur" comme le "producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession".


5.


L'annexe I de la directive 75/442, intitulée "Catégories de déchets", mentionne, à son point Q 11, les "[r]ésidus d'extraction et de préparation des matières premières (par exemple résidus d'exploitation minière ou pétrolière, etc.)" et, à son point Q 16, "[t]oute matière, substance ou produit qui n'est pas couvert par les catégories ci-dessus".


6.


L'article 1er, sous a), second alinéa, de la directive 75/442 confie à la Commission la tâche d'établir "une liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l'annexe I". En vertu de cette disposition, la Commission a arrêté, par la décision 94/3/CE, du 20 décembre 1993, établissant une liste des déchets en application de l'article 1er point a) de la directive 75/442 (JO 1994, L 5, p. 15), un "catalogue européen des déchets" (ci-après le "CED") dans lequel figurent notamment les "[d]échets provenant de l'exploration et de l'exploitation des mines et des carrières, et de la préparation et du traitement ultérieur de minerais". La note préliminaire de l'annexe de la décision 94/3 précise que cette liste "s'applique à tous les déchets, qu'ils soient destinés à des opérations d'élimination ou de valorisation" et qu'elle est "une liste de déchets harmonisée et non exhaustive, c'est-à-dire une liste qui fera l'objet d'un réexamen périodique", mais que, toutefois, "le fait qu'une matière y figure ne signifie pas qu'elle soit un déchet dans tous les cas" et que "[l]'inscription sur cette liste n'a d'effet que si la matière répond à la définition des déchets".


7.


Les articles 9 et 10 de la directive 75/442 précisent que tout établissement ou toute entreprise qui effectue des opérations d'élimination des déchets visées à l'annexe II A ou des opérations débouchant sur une possibilité de valorisation des déchets visées à l'annexe II B de la même directive doit obtenir une autorisation de l'autorité compétente.


8.


Parmi les opérations d'élimination visées à l'annexe II A de la directive 75/442 figurent, au point D 1, le "[d]épôt sur ou dans le sol (par exemple mise en décharge, etc.)", au point D 12, le "[s]tockage permanent (par exemple placementde conteneurs dans une mine, etc.)" et, au point D 15, le "[s]tockage préalable à l'une des opérations de la présente annexe, à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production". Parmi les opérations de valorisation visées à l'annexe II B de la directive figure, au point R 13, le "[s]tockage de matériaux en vue de les soumettre à l'une des opérations figurant à la présente annexe, à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production".


9.


Une dispense d'autorisation est néanmoins prévue à l'article 11 de la directive 75/442, dont le paragraphe 1 est ainsi libellé:


"[...] peuvent être dispensés de l'autorisation visée à l'article 9 ou 10:


a) les établissements ou entreprises assurant eux-mêmes l'élimination de leurs propres déchets sur les lieux de production


et


b) les établissements ou entreprises qui valorisent des déchets.


Cette exemption ne peut s'appliquer que:


- si les autorités compétentes ont adopté des règles générales pour chaque type d'activité, fixant les types et quantités de déchets et les conditions requises pour que l'activité soit dispensée de l'autorisation


et


- si les types ou les quantités de déchets et les modes d'élimination ou de valorisation sont tels que les conditions de l'article 4 sont respectées".


10.


Ces "conditions de l'article 4" de la directive 75/442 sont l'absence de mise en danger de la santé de l'homme et l'absence de préjudice porté à l'environnement.


La réglementation nationale


11.


La directive 75/442 a été transposée en droit finlandais par la loi (1072/1993) sur les déchets, qui a pour objet de prévenir la production de déchets, de limiter leurs propriétés dangereuses et de favoriser leur valorisation.


12.


L'article 3, premier alinéa, point 1, de cette loi définit les déchets comme "tous produits ou substances dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire". Cette définition est complétée par une liste des substances ou produits classés comme déchets qui figure à l'annexe I du décret (1390/1993) sur les déchets. Parmi les 16 catégories que contient cette liste, lacatégorie Q 11 concerne les résidus d'extraction ou de préparation des matières premières tels que les résidus d'exploitation minière ou pétrolière.


13.


L'article 3, premier alinéa, points 10 et 11, de la loi (1072/1993) définit la valorisation comme "toute action ayant pour objet de récupérer et d'utiliser la substance ou l'énergie que contiennent les déchets" et le traitement comme "toute activité ayant pour objet de neutraliser et de stocker définitivement les déchets".


14.


Selon l'article 1er du décret (1390/1993), les dispositions de la loi (1072/1993) concernant l'autorisation de dépôt de déchets ne s'appliquent pas à l'exploitation ou au traitement au lieu d'extraction de déchets naturels non dangereux résultant de l'extraction de substances contenues dans le sol.


15.


La décision (867/1996) du ministre de l'environnement, prise en application de la loi (1072/1993) et portant énumération des déchets les plus communs et des déchets nocifs, comprend ceux résultant de la prospection des minéraux, de leur extraction, de leur enrichissement ou autre traitement, ainsi que de la transformation des pierres et de la production de gravier. D'après l'introduction à cette énumération, la terminologie employée repose sur le CED et l'énumération n'a qu'une valeur indicative. Un produit ou une substance figurant dans cette énumération n'est un déchet que s'il présente les caractéristiques visées à l'article 3, premier alinéa, point 1, de la loi (1072/1993).


16.


Aux termes de l'article 5 de la loi (735/1991) relative à la procédure d'autorisation d'environnement, telle que modifiée par la loi (61/1995), l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'environnement est soit l'autorité communale, soit le centre régional de l'environnement. L'article 1er, premier alinéa, du décret (772/1992) sur la procédure d'autorisation d'environnement, tel que modifié par le décret (62/1995), qui énumère les dossiers relevant de la compétence du centre régional de l'environnement, vise, à son point 14, les dossiers d'autorisation d'environnement concernant les décharges.


Le litige au principal


17.


Le 25 novembre 1994, Palin Granit a sollicité du syndicat intercommunal une autorisation d'environnement pour établir une carrière de granit. Cette demande comportait un plan de gestion des débris de pierre et mentionnait la possibilité de valoriser ces derniers en les employant comme gravier ou matériau de remblai. Elle exposait également que les débris de pierre provenant de l'exploitation et représentant environ 50 000 m3 par an, soit 65 à 80 % du volume de pierre extrait, seraient stockés sur un site adjacent. Le syndicat intercommunal lui a accordé une autorisation d'environnement provisoire assortie de plusieurs conditions renforçant l'exigence d'un faible impact dommageable de l'exploitation sur la population et l'environnement.


18.


Saisi par le Turun ja Porin lääninhallitus (administration du département de Turku et Pori), le Turun ja Porin lääninoikeus (tribunal administratif départemental de Turku et Pori) a considéré que les débris de pierre étaient des déchets au sens de la loi (1072/1993) et que leur zone de stockage était une décharge au sens de la décision (861/1997) du Conseil des ministres sur les décharges. Constatant que la législation finlandaise donnait compétence au Lounais-Suomen ympäristökeskus (centre régional de l'environnement du Sud-Ouest de la Finlande, ci-après le "centre de l'environnement") pour accorder une autorisation d'environnement concernant une décharge, le lääninoikeus a annulé pour incompétence la décision du syndicat intercommunal.


19.


Contestant la qualification de déchets donnée aux débris de pierre, Palin Granit et le syndicat intercommunal ont formé un pourvoi auprès du Korkein hallinto-oikeus. Palin Granit a souligné que les débris, dont la composition minérale était identique à celle de la roche mère dont ils étaient issus, étaient stockés pour de courtes périodes dans un but d'utilisation ultérieure, sans qu'aucune mesure de valorisation ne soit nécessaire, et qu'ils ne comportaient aucun danger pour la santé de l'homme ou pour l'environnement. Ils se distingueraient en cela des sous-produits miniers qui n'ont pas été qualifiés de déchets par la législation et la jurisprudence nationales, en dépit de leur caractère nocif. De plus, selon l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, du décret (1390/1993), les déchets du sol non dangereux et traités au lieu d'extraction relèveraient de la loi (555/1981) sur les substances contenues dans le sol et non de la réglementation sur les déchets.


20.


Au contraire, le centre de l'environnement, rejoignant un avis du ministre de l'environnement, a fait valoir que les débris de pierre devaient être qualifiés de déchets tant que la preuve d'une réutilisation n'était pas apportée.


21.


Afin de déterminer l'autorité compétente pour accorder à Palin Granit l'autorisation d'environnement sollicitée, le Korkein hallinto-oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:


"Faut-il considérer des débris de pierre, provenant de l'exploitation d'une carrière, comme des déchets au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, compte tenu des circonstances énoncées ci-après sous a) à d)?


a) Quelle importance convient-il d'attribuer au fait que les débris soient stockés en attente d'utilisation ultérieure sur un terrain situé à proximité du lieu d'extraction? De manière générale, le fait que le stockage ait lieu sur le lieu d'extraction, sur un terrain situé à proximité ou plus loin a-t-il une incidence?


b) Quelle importance convient-il d'attribuer au fait que, de par leur composition minérale, ces débris sont identiques à la roche dont ils sontextraits et ne changent pas d'état physique quels que soient la durée ou le mode de leur conservation?


c) Quelle importance convient-il d'attribuer au fait que les débris ne comportent pas de danger pour la santé publique et l'environnement? En règle générale, dans quelle mesure faut-il tenir compte d'éventuelles incidences sanitaires ou écologiques pour qualifier un débris de déchet?


d) Quelle importance convient-il d'attribuer au fait qu'il soit envisagé de transférer les débris, en totalité ou partiellement, hors du lieu où ils sont entreposés, en vue de les utiliser, par exemple, comme moyen de comblement ou pour la construction de brise-lames, et au fait qu'ils soient valorisables en l'état, sans qu'il soit besoin de les soumettre à des mesures de transformation ou équivalentes? Dans quelle mesure à cet égard convient-il d'attacher de l'importance au degré de certitude des projets du détenteur des déchets quant à leur valorisation et à la plus ou moins grande rapidité de concrétisation de ces projets après que les déchets auront été déchargés sur l'aire de stockage?"

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