Jurisprudence : CJCE, 08-03-2001, aff. C-397/98, 410/98) c/ Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General

CJCE, 08-03-2001, aff. C-397/98, 410/98) c/ Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General

A8088AY9

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CJCE, 08-03-2001, aff. C-397/98, 410/98) c/ Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1092863-cjce-08032001-aff-c39798-41098-c-commissioners-of-inland-revenue-et-hm-attorney-general
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Cour de justice des Communautés européennes

8 mars 2001

Affaire n°C-397/98

410/98)
c/
Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General



61998J0397

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 8 mars 2001.

Metallgesellschaft Ltd et autres (C-397/98), Hoechst AG et Hoechst (UK) Ltd (C-410/98) contre Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General.

Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division - Royaume-Uni.

Liberté d'établissement - Libre circulation des capitaux - Paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés au titre des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère - Société mère ayant son siège dans un autre Etat membre - Violation du droit communautaire - Action en restitution ou action en réparation - Intérêts.

Affaires jointes C-397/98 et C-410/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page 0000

1 Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôts sur les sociétés - Législation nationale réservant la possibilité de bénéficier d'un régime d'imposition de groupe aux seules sociétés résidentes, filiales de sociétés mères ayant leur siège sur le territoire national - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE) et art. 58 (devenu art. 48 CE))

2 Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôts sur les sociétés - Sociétés filiales résidant dans un État membre de sociétés mères ayant leur siège dans un autre État membre soumises à l'obligation de s'acquitter de cet impôt par anticipation - Possibilité pour les filiales résidentes de sociétés mères résidentes d'échapper à cette obligation - Violation du droit communautaire - Obligation de réparer le préjudice causé par le paiement anticipé - Remboursement ou dédommagement de la perte financière subie - Versement d'intérêts - Modalités de la restitution ou de la réparation - Application du droit national - Condition - Respect du principe de l'effectivité du droit communautaire

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE) et art. 58 (devenu art. 48 CE))

3 Droit communautaire - Droits conférés aux particuliers - Violation par un État membre - Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers - Action en restitution ou en réparation - Modalités - Application du droit national - Limites - Cas d'espèce

1 L'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) s'oppose à la législation fiscale d'un État membre qui accorde aux sociétés filiales résidant dans cet État membre la possibilité de bénéficier d'un régime d'imposition de groupe leur permettant de verser des dividendes à leur société mère sans être assujetties au paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés lorsque leur société mère réside également dans cet État membre et le leur refuse lorsque leur société mère a son siège dans un autre État membre.

(voir point 76, disp. 1)

2 Lorsqu'une société filiale résidant dans un État membre a été soumise à l'obligation d'acquitter par anticipation l'impôt sur les sociétés au titre des dividendes versés à sa société mère ayant son siège dans un autre État membre alors que, dans des circonstances similaires, les filiales de sociétés mères résidant dans le premier État membre ont pu opter pour un régime d'imposition les faisant échapper à cette obligation, l'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) exige que les filiales résidentes et leurs sociétés mères non résidentes bénéficient d'une voie de recours effective pour obtenir le remboursement ou le dédommagement de la perte financière qu'elles ont subie au profit des autorités de l'État membre concerné à la suite du paiement anticipé de l'impôt par les filiales.

Le simple fait qu'un tel recours aurait pour seul objet le paiement des intérêts correspondant à la perte financière subie en raison de l'indisponibilité des sommes prématurément versées ne constitue pas un motif pour rejeter un tel recours, l'octroi d'intérêts représentant le "remboursement" de ce qui a été indûment versé et apparaissant indispensable au rétablissement de l'égalité de traitement garantie par l'article 52 du traité.

Si, en l'absence de réglementation communautaire, il appartient à l'ordre juridique interne de l'État membre concerné de régler les modalités procédurales de recours en restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire ou en réparation d'un préjudice causé par la violation du droit communautaire, en ce compris les questions accessoires, tel le versement éventuel d'intérêts, ces règles ne doivent pas rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

(voir points 87, 96, disp. 2)

3 Les demandes de particuliers introduites devant les juridictions d'un État membre en restitution de taxes nationales perçues en violation du droit communautaire ou en réparation du préjudice causé en violation du droit communautaire sont soumises aux règles nationales de procédure, qui peuvent en particulier imposer aux demandeurs d'agir avec une diligence raisonnable afin d'éviter le préjudice ou d'en limiter la portée.

Toutefois, le droit communautaire s'oppose à ce qu'une juridiction d'un État membre rejette ou réduise une demande introduite devant elle par une société filiale résidant dans cet État membre et sa société mère non résidente, afin d'obtenir le remboursement ou le dédommagement de la perte financière qu'elles ont subie à la suite du paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés par la filiale, au seul motif qu'elles n'ont pas demandé à l'administration fiscale à bénéficier du régime d'imposition qui aurait fait échapper la filiale à l'obligation de paiement anticipé et n'ont donc pas utilisé les voies de droit à leur disposition pour contester les décisions de rejet de l'administration fiscale, en invoquant la primauté et l'effet direct des dispositions juridiques communautaires, alors que la législation nationale refusait en tout état de cause le bénéfice de ce régime d'imposition aux filiales résidentes et à leurs sociétés mères non résidentes.

(voir points 102, 107, disp. 3)

Dans les affaires jointes C-397/98 et C-410/98,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Metallgesellschaft Ltd e.a. (C-397/98),

Hoechst AG,

Hoechst (UK) Ltd (C-410/98)

Commissioners of Inland Revenue,

HM Attorney General,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 6 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 43 CE), 58 du traité CE (devenu article 48 CE) et/ou 73 B du traité CE (devenu article 56 CE),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Metallgesellschaft Ltd e.a., par MM. J. Gardiner, QC, et F. Fitzpatrick, barrister, mandatés par Slaughter and May, solicitors,

- pour Hoechst AG et Hoechst (UK) Ltd, par M. M. Barnes, QC, mandaté par Slaughter and May, solicitors,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de MM. D. Wyatt, QC, et R. Singh, barrister,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch et Mme T. Pynnä, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal, Mmes H. Michard et M. Patakia, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Metallgesellschaft Ltd e.a., représentées par MM. J. Gardiner et F. Fitzpatrick, de Hoechst AG et Hoechst (UK) Ltd, représentées par M. M. Barnes, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme G. Amodeo, en qualité d'agent, assistée de M. D. Wyatt, du gouvernement allemand, représenté par Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par M. S. Seam, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. A. Fierstra, et de la Commission, représentée par M. R. Lyal et Mme H. Michard, à l'audience du 25 mai 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par deux ordonnances du 2 octobre 1998, parvenues à la Cour respectivement les 6 novembre (C-397/98) et 17 novembre (C-410/98) suivants, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), cinq questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 6 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 43 CE), 58 du traité CE (devenu article 48 CE) et/ou 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant, dans l'affaire C-397/98, Metallgesellschaft Ltd, Metallgesellschaft AG, Metallgesellschaft Handel & Beteiligungen AG et The Metal and Commodity Company Ltd (ci-après "Metallgesellschaft e.a.") et, dans l'affaire C-410/98, Hoechst AG et Hoechst (UK) Ltd (ci-après "Hoechst e.a.") aux Commissioners of Inland Revenue à propos de l'obligation faite aux sociétés résidant au Royaume-Uni de payer de manière anticipée l'impôt sur les sociétés au titre des dividendes versés à leurs sociétés mères.

Le cadre juridique national

3 En vertu des dispositions de la partie I de l'Income and Corporation Taxes Act 1988 (loi de 1988 relative aux impôts sur le revenu et les sociétés, ci-après l'"ICTA"), les bénéfices réalisés au cours d'un exercice comptable par toute société résidant au Royaume-Uni ainsi que par toute société ne résidant pas au Royaume-Uni mais y exerçant une activité commerciale par l'intermédiaire d'une succursale ou d'une agence sont soumis à l'impôt sur les sociétés ("corporation tax").

4 Conformément à l'article 12 de l'ICTA, l'exercice comptable comporte, en règle générale, douze mois. Pour les exercices comptables clos avant le 1er octobre 1993, l'impôt sur les sociétés était exigible, au choix du contribuable, soit neuf mois après la date de clôture, soit un mois après l'émission de l'avis d'imposition relatif à cette période. Pour les exercices comptables clos après le 1er octobre 1993, l'impôt sur les sociétés est exigible neuf mois et un jour après la clôture de l'exercice.

Le paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés ("advance corporation tax")

5 Conformément à l'article 14 de l'ICTA, toute société résidant au Royaume-Uni qui procède à certaines distributions, tel le versement de dividendes à ses actionnaires, a l'obligation de procéder au paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés ("advance corporation tax", ci-après l'"ACT") calculé sur un montant égal au montant ou à la valeur de la distribution effectuée.

6 Il convient de relever que l'ACT n'est pas une somme retenue sur le dividende, lequel est versé dans son intégralité, mais qu'il a la nature d'impôt sur les sociétés à la charge de la société distributrice de dividendes, payé par anticipation et s'imputant sur l'impôt de base sur les sociétés ("mainstream corporation tax", ci-après le "MCT") dû au titre de chaque exercice comptable.

7 Toute société est tenue d'établir une déclaration, en principe trimestrielle, indiquant le montant de toute distribution effectuée au cours de cette période et le montant exigible au titre de l'ACT. L'ACT dû au titre d'une distribution doit être acquitté dans les quatorze jours suivant la fin du trimestre au cours duquel la distribution a été effectuée.

8 Conformément aux articles 239 et 240 de l'ICTA, l'ACT payé par une société au titre d'une distribution réalisée au cours d'un exercice comptable donné doit en principe, sous réserve du droit de renoncement de ladite société, soit être imputé sur le montant dont la société est redevable au titre du MCT pour cet exercice, soit être transféré aux filiales de cette société qui pourront l'imputer sur le montant dont elles-mêmes sont redevables au titre du MCT. Si la société n'est redevable d'aucun impôt sur les sociétés au titre de l'exercice comptable en cause (par exemple, parce que les bénéfices sont insuffisants), elle pourra soit imputer l'ACT sur l'impôt sur les sociétés dû au titre d'exercices comptables ultérieurs, soit demander que cette imputation porte sur des exercices antérieurs.

9 Alors que le MCT devient exigible neuf mois ou neuf mois et un jour après la clôture de l'exercice comptable, selon que cette clôture est antérieure ou postérieure au 1er octobre 1993, l'ACT doit être acquitté dans les quatorze jours suivant la fin du trimestre au cours duquel la distribution a été effectuée. Ainsi, l'ACT est toujours acquitté avant le moment où le MCT - sur lequel il s'impute normalement - devient exigible. La juridiction de renvoi souligne que l'ACT a donc pour effet, pour la société distributrice de dividendes, d'avancer de huit mois et demi (dans le cas d'une distribution effectuée le dernier jour d'un exercice) à un an et cinq mois et demi (lorsque la distribution a eu lieu le premier jour de l'exercice) la date du paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des dividendes versés.

10 L'ACT pouvant même être imputé sur les bénéfices réalisés au cours d'exercices comptables ultérieurs lorsqu'aucun MCT n'est dû pour l'exercice en cause, la juridiction de renvoi relève que, dans ce cas, l'avance est consentie pour une période plus longue, voire, dans certaines circonstances, pour une période indéterminée.

L'avoir fiscal ("tax credit")

11 Une société résidant au Royaume-Uni n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des dividendes reçus d'une société résidant également au Royaume-Uni (article 208 de l'ICTA). Dès lors, toute distribution de dividendes soumise à l'ACT par une société résidente à une autre société résidente donnera lieu à un avoir fiscal ("tax credit") au profit de la société qui reçoit les dividendes (article 231, paragraphe 1, de l'ICTA).

12 Cet avoir fiscal est égal au montant de l'ACT versé par la société distributrice de dividendes au titre de cette distribution (article 231, paragraphe 1, de l'ICTA).

13 Lorsqu'une société résidant au Royaume-Uni a reçu de sa filiale résidente une distribution ouvrant droit à l'avoir fiscal, elle peut déduire le montant de l'ACT acquitté par sa filiale du montant de l'ACT qu'elle-même doit payer lorsqu'elle effectue des distributions à ses propres actionnaires, en sorte qu'elle n'acquittera l'ACT que pour le surplus.

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