Jurisprudence : CJCE, 04-05-1999, aff. C-262/96, Sema Sürül c/ Bundesanstalt für Arbeit

CJCE, 04-05-1999, aff. C-262/96, Sema Sürül c/ Bundesanstalt für Arbeit

A8065AYD

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CJCE, 04-05-1999, aff. C-262/96, Sema Sürül c/ Bundesanstalt für Arbeit. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1092840-cjce-04051999-aff-c26296-sema-surul-c-bundesanstalt-fur-arbeit
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Cour de justice des Communautés européennes

4 mai 1999

Affaire n°C-262/96

Sema Sürül
c/
Bundesanstalt für Arbeit



61996J0262

Arrêt de la Cour
du 4 mai 1999.

Sema Sürül contre Bundesanstalt für Arbeit.

Demande de décision préjudicielle: Sozialgericht Aachen - Allemagne.

Accord d'association CEE-Turquie - Décision du conseil d'association - Sécurité sociale - Principe de non-discrimination en raison de la nationalité - Effet direct - Ressortissant turc autorisé à résider dans un Etat membre - Droit aux allocations familiales dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat.

Affaire C-262/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-2685

1 Accords internationaux - Accords de la Communauté - Effet direct - Conditions - Décision n° 3/80 du conseil d'association institué par l'accord d'association CEE-Turquie relative à la sécurité sociale des travailleurs migrants - Principe de non-discrimination en raison de la nationalité

(Décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 3, § 1)

2 Accords internationaux - Accord d'association CEE-Turquie - Sécurité sociale des travailleurs migrants - Travailleur - Notion au sens de la décision n° 3/80 du conseil d'association

(Decision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 1er)

3 Accords internationaux - Accord d'association CEE-Turquie - Sécurité sociale des travailleurs migrants - Allocations familiales - Octroi subordonné à des conditions d'autorisation de séjour non exigées des ressortissants nationaux - Discrimination en raison de la nationalité - Inadmissibilité

(Décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 3, § 1)

4 Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limites - Sécurité juridique - Pouvoir d'appréciation de la Cour

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

1 A l'instar des dispositions des accords conclus par la Communauté avec des pays tiers, les dispositions arrêtées par un conseil d'association, institué par un accord d'association pour assurer la mise en oeuvre de ses dispositions, doivent être considérées comme étant d'application directe lorsque, eu égard à leurs termes ainsi qu'à leur objet et à leur nature, elles comportent une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur.

Si ces conditions ne sont pas remplies par celles des dispositions de la décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, qui nécessitent des mesures complémentaires pour leur mise en oeuvre, il en va différemment de l'article 3, paragraphe 1, de la décision, qui énonce la règle de l'assimilation aux nationaux de l'État membre d'accueil des personnes relevant du champ d'application de la décision et résidant dans cet État membre par l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité des intéressés et résultant de la réglementation de l'État membre concerné. Cette disposition établit, en effet, dans le domaine d'application de la décision, un principe précis, inconditionnel et suffisamment opérationnel pour être appliqué par un juge national et, dès lors, susceptible de régir la situation juridique des particuliers. L'effet direct qu'il convient donc de reconnaître à cette disposition implique que les justiciables auxquels elle s'applique ont le droit de s'en prévaloir devant les juridictions des États membres.

2 A la qualité de travailleur au sens de la définition donnée à l'article 1er, sous b), de la décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, une personne qui est assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d'une assurance obligatoire ou facultative auprès d'un régime général ou particulier de sécurité sociale, mentionné à ladite disposition, et ce indépendamment de l'existence d'une relation de travail. La couverture de l'intéressé par une assurance pension légale ou une assurance légale contre les accidents du travail satisfait à cette condition.

3 L'article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, lequel énonce le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, doit être interprété en ce sens qu'il interdit à un État membre d'exiger d'un ressortissant turc qui relève du champ d'application de cette décision et qu'il a autorisé à résider sur son territoire, mais qui n'est titulaire dans cet État membre d'accueil que d'une autorisation provisoire de séjour, délivrée dans un but déterminé et pour une durée limitée, qu'il possède une autorisation de séjour ou un permis de séjour pour bénéficier d'allocations familiales pour son enfant qui habite avec lui dans ledit État membre, alors que les ressortissants de ce dernier sont à cet effet uniquement tenus d'y avoir leur résidence.

D'une part, en effet, la législation de l'État membre d'accueil ne saurait soumettre l'octroi d'un droit aux ressortissants turcs visés par ladite décision à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants. D'autre part, l'exigence d'une autorisation de séjour ou d'un permis de séjour pour bénéficier d'allocations familiales ne vise par nature, du fait qu'elle n'est pas susceptible d'être imposée aux ressortissants de l'État membre d'accueil, que les étrangers et son application aboutit à une inégalité de traitement exercée en raison de la nationalité.

4 L'interprétation que la Cour donne d'une règle de droit communautaire, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies.

Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi, cette limitation ne pouvant être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée.

Étant donné, d'une part, que la Cour n'a pas encore été amenée à se prononcer sur l'effet direct de l'article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, lequel énonce le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, et que, d'autre part, sa jurisprudence antérieure sur l'effet direct de cette décision a raisonnablement pu créer une situation d'incertitude quant à la faculté pour les particuliers de se prévaloir devant une juridiction nationale de la disposition précitée, des considérations impérieuses de sécurité juridique empêchent de remettre en cause des relations juridiques définitivement liquidées avant le prononcé de l'arrêt constatant l'effet direct de la disposition précitée, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le financement des systèmes de sécurité sociale des États membres.

C'est pourquoi, il convient pour la Cour de décider que l'effet direct de l'article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 ne peut être invoqué à l'appui de revendications relatives à des prestations afférentes à des périodes antérieures à la date dudit arrêt, sauf en ce qui concerne les personnes qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

Dans l'affaire C-262/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Sozialgericht Aachen (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Sema Sürül

Bundesanstalt für Arbeit,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de certaines dispositions de la décision 3/80 du conseil d'association, du 19 septembre 1980, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J.-P. Puissochet, G. Hirsch et P. Jann, présidents de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, D. A. O. Edward, H. Ragnemalm, L. Sevón et R. Schintgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Mme Sürül, par Me Rainer M. Hofmann, avocat à Aachen,

- pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder et Bernd Kloke, respectivement Ministerialrat et Oberregierungsrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mmes Catherine de Salins et Anne de Bourgoing, respectivement sous-directeur et chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement autrichien, par M. Wolf Okresek, Ministerialrat à la Chancellerie, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de Mme Eleanor Sharpston, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Peter Hillenkamp et Pieter van Nuffel, conseillers juridiques, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Sürül, représentée par Me Rainer M. Hofmann, du gouvernement allemand, représenté par M. Claus-Dieter Quassowski, Regierungsdirektor au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par Mme Kareen Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. Marc Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme Eleanor Sharpston, et de la Commission, représentée par M. Peter Hillenkamp, à l'audience du 25 novembre 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 février 1998,

vu l'ordonnance de réouverture des débats du 23 septembre 1998,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Sürül, représentée par Me Rainer M. Hofmann, du gouvernement allemand, représenté par M. Claus-Dieter Quassowski, du gouvernement français, représenté par Mme Anne de Bourgoing, du gouvernement néerlandais, représenté par M. Marc Fierstra, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. John E. Collins, assisté de M. Mark Hoskins, barrister, et de la Commission, représentée par M. Peter Hillenkamp, à l'audience du 11 novembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 24 juillet 1996, parvenue à la Cour le 26 juillet suivant, le Sozialgericht Aachen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles sur l'interprétation de certaines dispositions de la décision 3/80 du conseil d'association, du 19 septembre 1980, relative à l'application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Sürül, ressortissante turque, à la Bundesanstalt für Arbeit au sujet du refus de cette dernière de lui verser des allocations familiales à compter du 1er janvier 1994.

L'association CEE-Turquie

3 L'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la république de Turquie, d'une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d'autre part, et a été conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l'"accord").

4 Conformément à son article 2, paragraphe 1, l'accord a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes. A cet effet, l'accord comporte une phase préparatoire permettant à la république de Turquie de renforcer son économie avec l'aide de la Communauté (article 3), une phase transitoire consacrée à la mise en place progressive d'une union douanière et au rapprochement des politiques économiques (article 4) et une phase définitive qui est fondée sur l'union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques (article 5).

5 L'article 6 de l'accord est libellé comme suit:

"Pour assurer l'application et le développement progressif du régime d'association, les Parties contractantes se réunissent au sein d'un Conseil d'association qui agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par l'accord."

6 Aux termes de l'article 8, inséré dans le titre II intitulé "Mise en oeuvre de la phase transitoire", de l'accord,

"Pour la réalisation des objectifs énoncés à l'article 4, le Conseil d'association fixe, avant le début de la phase transitoire, et selon la procédure prévue à l'article premier du protocole provisoire, les conditions, modalités et rythmes de mise en oeuvre des dispositions propres aux domaines visés par le traité instituant la Communauté qui devront être pris en considération, notamment ceux visés au présent titre, ainsi que toute clause de sauvegarde qui s'avérerait utile."

7 L'article 9, faisant partie du même titre II, dispose ensuite:

"Les Parties contractantes reconnaissent que dans le domaine d'application de l'accord, et sans préjudice des dispositions particulières qui pourraient être établies en application de l'article 8, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite en conformité du principe énoncé dans l'article 7 du traité instituant la Communauté."

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