Jurisprudence : CJCE, 28-05-1998, aff. C-7/95, John Deere Ltd c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 28-05-1998, aff. C-7/95, John Deere Ltd c/ Commission des Communautés européennes

A8056AYZ

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Cour de justice des Communautés européennes

28 mai 1998

Affaire n°C-7/95

John Deere Ltd
c/
Commission des Communautés européennes



61995J0007

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 28 mai 1998.

John Deere Ltd contre Commission des Communautés européennes.

Pourvoi - Recevabilité - Question de droit - Question de fait - Concurrence - Système d'échange d'informations - Restriction à la concurrence - Refus d'exemption.

Affaire C-7/95P.

Recueil de Jurisprudence 1998 page I-3111

1 Pourvoi - Moyens - Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal - Appréciation erronée des faits - Irrecevabilité - Rejet

(Traité CE, art. 168 A; statut de la Cour de justice CE, art. 49 et 51; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

2 Pourvoi - Moyens - Appréciation erronée des faits - Irrecevabilité - Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve - Exclusion sauf cas de dénaturation

(Traité CE, art. 168 A; statut de la Cour de justice CE, art. 51)

3 Recours en annulation - Décision de la Commission prise sur la base de l'article 85, paragraphe 1, du traité - Appréciation économique complexe - Contrôle juridictionnel - Limites

(Traité CE, art. 85, § 1, et 173)

4 Pourvoi - Moyens - Moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi - Irrecevabilité

(Statut de la Cour de justice CE, art. 51)

5 Concurrence - Ententes - Atteinte à la concurrence - Accord n'ayant pas d'objet anticoncurrentiel - Appréciation au niveau des effets sur le marché - Critères - Absence de preuve des effets réels - Absence d'incidence compte tenu de la possibilité de retenir des effets purement potentiels

(Traité CE, art. 85, § 1)

6 Concurrence - Ententes - Pratique concertée - Notion - Critères de coordination et de coopération - Interprétation

(Traité CE, art. 85, § 1)

7 Concurrence - Ententes - Atteinte à la concurrence - Accord créant un système d'échange d'informations - Inadmissibilité sur un marché oligopolistique - Conditions

(Traité CE, art. 85, § 1)

1 Il résulte de l'article 168 A du traité, de l'article 51 du statut de la Cour de justice et de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à critiquer l'arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

Le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. La Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 168 A du traité, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal.

2 Pas plus qu'elle n'est compétente, dans le cadre d'un pourvoi, pour constater les faits, la Cour n'a de compétence, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

3 Si le juge communautaire exerce de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité se trouvent ou non réunies, le contrôle qu'il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

4 Un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour doit être rejeté comme irrecevable. En effet, permettre à une partie de soulever dans ce cadre un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui.

5 En l'absence d'objet anticoncurrentiel, un accord ne peut être incriminé qu'au titre de ses effets. Dans cette hypothèse, il convient d'apprécier ses effets anticoncurrentiels éventuels par référence au jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux.

Or, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne limite pas une telle appréciation aux seuls effets actuels mais celle-ci doit également tenir compte des effets potentiels de l'accord sur la concurrence dans le marché commun. Un accord échappe toutefois à la prohibition de l'article 85 lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante.

Dès lors, la circonstance que la Commission ne serait pas en mesure d'établir l'existence d'un effet anticoncurrentiel réel est sans influence sur la solution du litige portant sur l'accord concerné.

6 Les critères de coordination et de coopération constitutifs d'une pratique concertée, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle.

S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché.

7 Sur un marché oligopolistique fortement concentré, un accord prévoyant un système d'échange d'informations entre les entreprises de ce marché atténue ou supprime le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et est de nature à altérer la concurrence entre les opérateurs économiques dès lors que les informations échangées

- sont des secrets d'affaires et permettent aux entreprises parties à l'accord de connaître les ventes effectuées par leurs concessionnaires en dehors et à l'intérieur du territoire attribué, ainsi que celles des autres entreprises concurrentes et de leurs concessionnaires parties à l'accord

- sont diffusées selon une périodicité rapprochée et de manière systématique, et

- sont diffusées entre les principaux offreurs, au seul profit de ceux-ci, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs.

Dans l'affaire C-7/95 P,

John Deere Ltd, société de droit écossais, établie à Édimbourg (Royaume-Uni), représentée par Mes Hans-Jörg Niemeyer et Rainer Bechtold, avocats à Stuttgart, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre) du 27 octobre 1994, Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de M. Nicholas Forwood, QC, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 3 juillet 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre 1997,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 janvier 1995, John Deere Ltd, société de droit écossais, a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 27 octobre 1994, Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957, ci-après l'"arrêt entrepris"), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision 92/157/CEE de la Commission, du 17 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange, JO L 68, p. 19, ci-après la "décision litigieuse").

2 S'agissant des faits qui sont à l'origine du présent pourvoi, il ressort de l'arrêt entrepris:

"1 L'Agricultural Engineers Association Limited (ci-après 'AEA') est un groupement professionnel ouvert à tous les constructeurs ou importateurs de tracteurs agricoles opérant au Royaume-Uni. A la date des faits, elle comprenait environ 200 membres, dont notamment Case Europe Limited, John Deere Limited, Fiatagri UK Limited, Ford New Holland Limited, Massey-Ferguson (United Kingdom) Limited, Renault Agricultural Limited, Same-Lamborghini (UK) Limited, Watveare Limited.

a) La procédure administrative

2 Le 4 janvier 1988, l'AEA a notifié à la Commission, en vue d'obtenir, à titre principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une déclaration d'exemption, un accord concernant un système d'informations basé sur des données relatives aux immatriculations de tracteurs agricoles, détenues par le ministère des Transports du Royaume-Uni, intitulé 'UK Agricultural Tractor Registration Exchange'(ci-après 'première notification'). Cet accord d'échange d'informations se substituait à un accord antérieur, datant de 1975 qui, quant à lui, n'avait pas été notifié à la Commission. Ce dernier accord avait été porté à la connaissance de celle-ci en 1984, à l'occasion d'investigations effectuées à la suite d'une plainte dont elle avait été saisie, pour entraves aux importations parallèles.

3 L'adhésion à l'accord est ouverte à tous les fabricants ou importateurs de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, qu'ils aient ou non la qualité d'adhérent à l'AEA. Celle-ci assure le secrétariat de l'accord. Le nombre d'adhérents à l'accord a varié au cours de la période d'instruction de l'affaire, au gré des mouvements de restructuration qui ont affecté la profession; à la date de la notification, huit constructeurs, dont la requérante, participaient à l'accord. Les parties à cet accord sont les huit opérateurs économiques cités au point 1 ci-dessus, qui détiennent, selon la Commission, 87 à 88 % du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, plusieurs petits constructeurs se partageant le reste du marché.

4 Le 11 novembre 1988, la Commission a adressé une communication des griefs à l'AEA, à chacun des huit adhérents concernés par la première notification, ainsi qu'à Systematics International Group of Companies Limited (ci-après 'SIL'), société de service informatique chargée du traitement et de l'exploitation des données contenues dans le formulaire V55 (voir, ci-après, point 6). Le 24 novembre 1988, les participants à l'accord ont décidé sa suspension. Au cours d'une audition devant la Commission, la requérante a fait valoir, en se prévalant notamment d'une étude réalisée par le Pr Albach, membre du Berlin Science Center, que les informations transmises avaient une influence bénéfique sur la concurrence. Le 12 mars 1990, cinq membres de l'AEA - dont la requérante - ont notifié à la Commission un nouvel accord (ci-après 'seconde notification') de diffusion d'informations, appelé 'UK Tractor Registration Data System'(ci-après 'Data System'), en s'engageant à ne pas appliquer le nouveau système avant d'avoir obtenu la réponse de la Commission à leur notification.

...

b) Le contenu de l'accord et son contexte juridique

6 Pour être admis à circuler sur la voie publique au Royaume-Uni, tout véhicule doit, selon la loi nationale, être immatriculé, auprès du Department of Transport. La responsabilité de ces immatriculations incombe aux Local Vehicles Licensing Offices (ci-après 'LVLO'), au nombre d'environ 60. L'immatriculation des véhicules fait l'objet d'instructions ministérielles d'ordre procédural, intitulées 'Procedure for the first licensing and registration of motor Vehicles'. Selon ces instructions, un formulaire spécial, le formulaire V55, doit être utilisé pour présenter la demande d'immatriculation du véhicule. En vertu d'un arrangement conclu avec le ministère des Transports du Royaume-Uni, celui-ci transmet à la SIL certaines des informations recueillies par lui, à l'occasion de l'immatriculation des véhicules."

3 Au point 7 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a constaté que les parties étaient en désaccord sur un certain nombre de questions de fait relatives aux informations figurant sur le formulaire V55 et à leur utilisation. Ces désaccords sont résumés aux points 8 à 18 de l'arrêt entrepris.

4 Dans la décision litigieuse, la Commission a exposé son appréciation juridique, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'accord, d'une part, tel qu'il était appliqué avant la notification et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988 (la première notification) et, d'autre part, tel qu'il a été notifié le 12 mars 1990 (la seconde notification).

5 S'agissant de l'accord ayant fait l'objet de la première notification, la Commission a examiné, en premier lieu, aux points 35 à 52 de la décision litigieuse, la partie du système d'échange d'informations qui permet d'avoir connaissance des ventes de chaque concurrent. Elle a tenu compte de la structure du marché, de la nature des renseignements fournis, du caractère détaillé des informations échangées et des réunions régulières des parties à l'accord au sein du comité de l'AEA. La Commission a considéré que l'accord avait pour effet de restreindre la concurrence, d'une part, en augmentant la transparence sur un marché fortement concentré et, d'autre part, en renforçant les obstacles à l'accès au marché de non-membres.

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