CIV. 1
C.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 mai 2002
Rejet
M. LEMONTEY, président
Pourvois n° A 00-12.144 V 99-10.741JONCTION
Arrêt n° 752 FS P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
I - Sur le pourvoi n° V 99-10.741 formé par la société Burkinabe des ciments et matériaux (CIMAT), dont le siège est BP 1930, Ouagadoudou, Burkina Faso,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 novembre 1998 par la cour d'appel de Paris (1e chambre, section C), au profit de la Société des ciments d'Abidjan (SCA), dont le siège est BP 3751 10, Abidjan, Côte-d'Ivoire,
défenderesse à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° A 00-12.144 formé par la société Burkinabe des ciments et matériaux (CIMAT),
en cassation d'un arrêt rendu le 25 novembre 1999 par la cour d'appel de Paris (1e chambre, section C), au profit de la Société des ciments d'Abidjan (SCA),
défenderesse à la cassation ;
La société Burkinabe des ciments et matériaux (CIMAT), demanderesses aux pourvois, invoque à l'appui de chacun de ses recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 avril 2002, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Pluyette, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, Gridel, conseillers, Mmes Barberot, Catry, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pluyette, conseiller, les observations de Me Pradon, avocat de la société Burkinabe des ciments et matériaux (CIMAT), de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la Société des ciments d'Abidjan (SCA), les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° V 99-10.741 et A 00-12.144 ;
Sur le premier moyen des deux pourvois, pris en leurs diverses branches
Attendu que la société burkinabé des Ciments et matériaux (CIMAT) a, par contrat du 23 mars 1988, confié à la société tchèque Pragoinvest la conception et l'installation d'une unité de production de ciment à Ouagadougou ; que la société Pragoinvest, déclarée en liquidation, a, par contrat du 6 mai 1992, cédé à la Société ivoirienne des ciments d'Abidjan (SCA) "les créances et autres droits" résultant du contrat conclu avec la CIMAT ; que la SCA, se prévalant de la clause d'arbitrage stipulée dans le contrat initial, et réclamant divers paiements à la CIMAT, a saisi la CCI ; que, par une première sentence du 25 octobre 1996, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent, rejetant le moyen d'absence de convention d'arbitrage tiré par la CIMAT de l'invalidité de la cession intervenue entre Pragoinvest et SCA ; que, par une seconde sentence du 17 août 1998, le tribunal arbitral a condamné la CIMAT au paiement envers SCA ; que les recours en annulation contre ces deux sentences ont été rejetés par la cour d'appel ;
Attendu que la CIMAT fait grief aux arrêts attaqués (Paris, 17 novembre 1998 et 25 novembre 1999) d'avoir rejeté le moyen d'annulation fondé sur l'absence de convention d'arbitrage, déduite du fait que SCA n'était pas partie au contrat initial, conclu avec Pragoinvest intuitu personae, ce qui interdisait la transmission de la convention d'arbitrage, au moyen d'une cession de droit de plus irrégulière ; qu'il est reproché à la cour d'appel de s'être faussement fondée sur l'autonomie de la clause d'arbitrage, sans avoir égard à la nullité ou à l'inexistence de la cession de droits réalisée par Pragoinvest au profit de SCA, et au caractère intuitu personae du contrat initial ;
Mais attendu qu'en matière internationale, la clause d'arbitrage, juridiquement indépendante du contrat principal, est transmise avec lui, quelle que soit la validité de la transmission des droits substantiels ; que la cour d'appel, qui a souverainement relevé que la convention d'arbitrage stipulée dans le contrat initial n'avait pas été contractée par la CIMAT en considération de la personne de la société Pragoinvest - ce qui eût pu faire obstacle à sa transmission à un tiers - a légalement justifié ses décisions sur ce point ;
Et sur le second moyen des mêmes pourvois, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés
Attendu qu'après avoir relevé que le tribunal arbitral avait, dans sa première sentence, réservé sa décision sur le point litigieux de l'éventuelle obligation de l'Etat du Burkina Faso, la cour d'appel a jugé que le tribunal arbitral avait statué sur ce point dans la sentence finale, en déclarant irrecevable toute demande dirigée contre l'Etat du Burkina Faso à défaut de mise en cause de cet Etat dans l'instance arbitrale ; qu'ainsi, sans dénaturation et en répondant aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'avait pas, pour se prononcer sur le recours en annulation, à rechercher "la loi applicable à la sentence", a, sur ce point encore, légalement justifié sa décision ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société CIMAT aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société SCA ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille deux.