Jurisprudence : Cass. civ. 3, 15-05-2002, n° 00-18541, publié au bulletin, Cassation partielle.



CIV.3
N.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 mai 2002
Cassation partielle
Mlle FOSSEREAU, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° D 00-18.541
Arrêt n° 836 FS P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Gestion immobilière Rhône-Alpes Geira, société anonyme, dont le siège est Lyon,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 mai 2000 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit

1°/ du Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Hameaux de Val-d'Isère Val-d'Isère, représenté par son syndic en exercice la société CIS Immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est Bourg-Saint-Maurice,

2°/ de la société civile immobilière (SCI) Les Hameaux de Val-d'Isère, dont le siège est Paris,

3°/ de M. Henri W, demeurant Barby,

4°/ de la société Chapel Reprographie, société anonyme, dont le siège est Barby,

5°/ de la Société savoisienne d'exploitation de chauffage (SSEC), société à responsabilité limitée, dont le siège est Barby Chambéry,

6°/ de M. Rémi T, domicilié Bassens, pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société Empereur frères,

7°/ de M. Jean-Claude R, domicilié Bassens, pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société Empereur frères,

8°/ de la Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM), dont le siège est Paris Paris,

9°/ de la société Cofratherm, société à responsabilité limitée, dont le siège est Choisy-le-Roi,

10°/ de M. Jean-Claude UR, demeurant Paris,

11°/ de la société Pegaz et Pugeat, société en nom collectif, dont le siège est Chambéry,

12°/ de la société Fougerolle entreprise, société anonyme, dont le siège est Vélizy-Villacoublay,

13°/ de la société Bureau Véritas, société anonyme, venant aux droits de la société Contrôle et prévoyance (CEP), dont le siège est Courbevoie et son établissement Division Paris,

14°/ de la compagnie d'assurances Groupe Zurich France, dont le siège est Paris,

15°/ de la société Axa courtage IARD, société anonyme, venant aux droits de la compagnie d'assurances UAP Incendie Accidents, dont le siège social est Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Hameaux de Val-d'Isère a formé, par un mémoire déposé au greffe le 9 avril 2001, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La société civile immobilière Les Hameaux de Val-d'Isère a formé, par un mémoire déposé au greffe le 9 avril 2001, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
M. UR a formé, par un mémoire déposé au greffe le 27 mars 2001, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La société Geira, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Hameaux de Val-d'Isère, demandeur au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La société civile immobilière Les Hameaux de Val-d'Isère, demanderesse au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
M. UR, demandeur au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 26 mars 2002, où étaient présents Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Chemin, conseiller rapporteur, MM. Villien, Cachelot, Martin, Mmes Lardet, Gabet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chemin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Gestion immobilière Rhône-Alpes Geira, de la SCP Christian et Nicolas Boullez, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Hameaux de Val-d'Isère, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM), de la SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle, avocat de la société civile immobilière (SCI) Les Hameaux de Val-d'Isère, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. UR, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Gestion immobilière Rhône-Alpes (société Geira) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. W, la société Chapel reprographie, la Société savoisienne d'exploitation de chauffage (SSEC), la société Cofratherm, la SNC Pegaz et Pugeat, la société Fougerolle entreprise, la société Bureau Véritas, la compagnie d'assurances Groupe Zurich, la société Axa courtage IARD, venant aux droits de la compagnie d'assurances UAP incendie accidents ;
Met hors de cause la Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM) ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Geira, et le moyen unique du pourvoi provoqué de la société civile immobilière Les Hameaux de Val-d'Isère, pris en sa première branche, réunis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 mai 2000), que la société civile immobilière Les Hameaux de Val-d'Isère (la SCI) a fait construire par tranches en l'état futur d'achèvement un groupe de cinq immeubles sous la maîtrise d'oeuvre de M. UR, architecte et avec le concours, pour le système de production et de distribution d'eau chaude sanitaire de la société Empereur frères, actuellement en liquidation de biens avec pour syndics MM. H et T, assurés auprès de la compagnie CIAM ; que les tranches A et B ont été réceptionnées le 11 janvier 1980, les tranches C et D le 26 janvier 1981 et la tranche E le 15 avril 1981 ; qu'après la vente des appartements et la constitution d'un syndicat de copropriétaires, les fonctions de syndic ont été exercées d'avril 1981 à décembre 1983 par le Cabinet immobilier loisirs (CIL) actuellement dissous, assuré auprès de la compagnie UAP incendie accidents aux droits de qui vient la société Axa courtage, et, ensuite, de décembre 1983 à 1989 par la société Geira ; que des désordres étant apparus sur l'installation d'eau chaude sanitaire, caractérisés par une corrosion des tuyauteries, le syndicat des copropriétaires (le syndicat) a assigné, en janvier 1990, la SCI, la société Geira et la société Empereur, et la SCI a appelé en garantie M. UR ;
Attendu que la société Geira et la SCI font grief à l'arrêt de déclarer la société Geira responsable envers le syndicat de l'ensemble des dommages affectant le système de production et de distribution d'eau chaude sanitaire pour les cinq bâtiments, de la condamner à payer 1 357 310,06 francs pour les bâtiments A et B, et de condamner la SCI, in solidum avec la société Geira à payer 1 393 006, 24 francs pour les bâtiments C, D, E, alors, selon le moyen
1°/ que si l'expert a considéré que les responsabilités propres de la SCI Les Hameaux de Val-d'Isère, vendeur d'immeuble à construire, et de M. UR, l'architecte de conception, étaient "de pur principe", il a relevé en revanche que la société Empereur frères avait mis en place une installation de distribution d'eau inadaptée et commis des fautes d'exécution, et que sa part de responsabilité était "sensible" ; qu'en retenant qu'il résultait de ce rapport que la responsabilité des constructeurs était "de pur principe", omettant ainsi la part de responsabilité significative imputée par l'expert à la société Empereur frères, la cour d'appel a dénaturé ce rapport, et violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer la portée d'un rapport d'expertise ; qu'en l'espèce, où l'expert judiciaire a retenu que les erreurs de construction à l'origine des désordres incombaient principalement à la société Empereur frères, la SCI n'ayant qu'une responsabilité de "pur principe", la cour d'appel, qui a retenu uniquement la responsabilité de la SCI, exonérant la société Empereur frères de toute responsabilité, a dénaturé la portée de l'expertise et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la responsabilité de la société Empereur était engagée envers le syndicat, la cour d'appel, qui n'a prononcé à son encontre aucune condamnation en raison de son état de liquidation ou à l'encontre de son assureur pour des raisons tenant à la date de souscription de la police, n'a pas dénaturé le rapport d'expertise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la SCI, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
Attendu, qu'ayant relevé que la SCI avait fait construire l'immeuble en vue de le vendre par lots et que les vices de construction avaient entraîné des dommages rendant cet immeuble impropre à sa destination au sens de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel a exactement retenu que, la responsabilité de la SCI étant engagée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792-2 du Code civil, il n'était point besoin que la preuve d'une faute soit rapportée à son encontre mais seulement celle de l'existence d'un vice de construction remplissant les conditions prévues par le texte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de M. UR, ci-après annexé
Attendu qu'ayant relevé que la SCI bénéficiait à l'encontre de M. UR de la garantie décennale des constructeurs en sa qualité de maître de l'ouvrage, en application des articles 1792 et suivants du Code civil, la cour d'appel, qui a retenu que l'absence de faute de l'architecte était sans incidence, n'était pas tenue de caractériser un manquement de l'architecte à son devoir de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de la société Geira
Vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu qu'indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la loi du 10 juillet 1965 ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le règlement d'administration publique prévu à l'article 47, d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale et d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ;
Attendu que, pour retenir la responsabilité de la société Geira, l'arrêt retient l'existence de différents manquements des syndics qui ont été en fonctions entre le début de l'occupation de l'immeuble et jusqu'à la désignation de la société Geremont gestion en février 1989 quant aux interventions qui auraient été nécessaires pour faire mettre en place un entretien régulier et un traitement du système d'eau chaude ainsi que l'absence de mise en place d'un contrat d'exploitation par le traitement des eaux de montagne, l'absence d'intervention après la constatation des premiers désordres dès 1982, l'absence de suite donnée à une proposition de la société Cofratherm en 1981 et 1982 de traitement des eaux, la consigne donnée de maintenir les ballons d'eau chaude à la température de quatre-vingt-cinq degrés, que le cabinet Geira, qui a succédé au Cabinet CIL, a exercé les fonctions de syndic durant presque six années et a manqué gravement à ses obligations de mandataire, alors qu'il résulte des procès-verbaux des assemblées générales que les questions de dysfonctionnement et de l'entretien du système étaient régulièrement abordées sans qu'une décision concrète soit soumise au vote des copropriétaires et que la société Geira ne peut s'exonérer en alléguant sans le prouver et alors que l'expert ne l'a pas indiqué que la totalité des dégâts résultaient de la seule gestion du Cabinet CIL, qui n'a duré que trois ans ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser les manquements de la société Geira à ses obligations, sans préciser à quelles obligations expresses de son mandat aurait manqué la société Geira au cours de la période d'exercice de ses fonctions, la cour d'appel, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué du syndicat des copropriétaires
Vu l'article L. 124-3 du Code des assurances ;
Attendu que l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action directe exercée par le syndicat contre la société Axa courtage, assureur du cabinet CIL, l'arrêt retient que la société Cabinet CIL n'a pas été appelée en la cause par le syndicat, que celui-ci ne justifie pas de l'impossibilité d'attraire cette partie, dont la personnalité morale subsiste tant que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la recevabilité de l'action directe n'est pas subordonnée à l'appel en la cause de l'assuré par la victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Geira responsable envers le syndicat des copropriétaires de l'ensemble des dommages affectant le système de production et de distribution d'eau chaude sanitaire pour cinq bâtiments, et l'a condamné à payer, d'une part, la somme de 1 357 310,06 francs pour les bâtiments A et B, et, d'autre part, in solidum avec la SCI la somme de 1 393 006,24 francs pour les bâtiments C, D, E, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action dirigée contre la SA Axa courtage, l'arrêt rendu le 24 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne, ensemble, M. UR et la SCI Les Hameaux de Val-d'Isère aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Les Hameaux de Val-d'Isère à payer au syndicat des copropriétaires Les Hameaux de Val-d'Isère la somme de 1 500 euros, et celle de 600 euros à la Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM) ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. UR, de la SCI Les Hameaux de Val-d'Isère et les autres demandes de la Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM) et du syndicat des copropriétaires Les Hameaux de Val-d'Isère ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du quinze mai deux mille deux, par Mlle ..., conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.

Agir sur cette sélection :