CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 juin 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 343 FS-B
Pourvoi n° C 22-23.803
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
1°/ M. [R] [Aa], domicilié [… …], [Localité 5],
2°/ M. [Ab] [Ac],
3°/ Mme [Ad] [Ae], épousAc [N],
tous deux domiciliés [Adresse 1], [Localité 4],
4°/ la société [Ac] agriculture, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
ont formé le pourvoi n° C 22-23.803 contre deux arrêts rendus les 25 mai et 5 octobre 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant à M. [Af] [S], domicilié [… …], [Localité 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Aa], M. et Mme [Ac] et de la société [Ac] agriculture, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Ag, Ah Ai, Aj, Proust, conseillers, Mmes Ak, Aldigé, M. Al, Ah Am, An, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Reims, 25 mai et 5 octobre 2022) et les productions, par acte du 9 août 2017, M. [Aa] a cédé, à titre d'échange, à M. et Mme [Ac], trois parcelles, louées par bail rural à M. [S], contre une parcelle, d'une superficie équivalente, en précisant que le preneur continuerait à exploiter les terres dont il est locataire.
2. Le 28 décembre 2017, M. [S] a formé opposition à l'acte d'échange.
3. Le 14 février 2018, M. [Aa] a donné à bail A à M. et Mme [Ac], ainsi qu'à leur fils, M. [Ao] [Ac], la parcelle avec eux échangée, laquelle a été mise à disposition de la société civile d'exploitation agricole [Ac] agriculture (la SCEA).
4. Le 10 février 2020, M. [S] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en demandant la poursuite de son bail sur la parcelle acquise parAaM. [I].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [Aa], M. et Mme [Ac], et la SCEA font grief à l'arrêt du 5 octobre 2022 d'ordonner que le bail consenti par M. [Aa] à M. [S] se poursuive sur la parcelle désormais propriété de M. [Aa], alors :
« 1°/ qu'en cas d'échange amiable d'immeubles ruraux, le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur n'a lieu qu'en l'absence de volonté contraire exprimée par les parties à l'acte d'échange ; qu'en présence d'une telle volonté contraire exprimée dans l'acte, le preneur – voyant ses droits maintenus sur les parcelles objet du bail – ne dispose d'aucune faculté d'opposition ; qu'en retenant néanmoins, pour considérer que le bail consenti par M. [Aa] à M. [S] se poursuivait sur la parcelle acquise en échange par M. [Aa], qu'en convenant seuls d'une absence de transfert du droit au bail à laquelle M. [S] aurait dû consentir, les échangistes – M. [Aa] et les époux [Ac] – auraient méconnu son droit au report des effets du bail sur la parcelle échangée, la cour d'appel a violé les
articles L. 124-1 et L. 123-15 du code rural et de la pêche maritime🏛🏛, ensemble les
articles 1702, 1707 et 1743 du code civil🏛🏛🏛 ;
2°/ que le locataire d'une parcelle faisant l'objet d'un échange amiable n'a le droit d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur que dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet de l'échange amiable ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le droit de M. [S] au report des effets du bail sur la parcelle échangée par M. [Aa] ne serait pas subordonnée à une diminution de sa jouissance par l'effet de l'échange amiable, la cour d'appel a violé les articles L. 124-1 et L. 123-15 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1702, 1707 et 1743 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon les
articles L. 121-1, L. 123-4, L. 123 15 et L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime🏛🏛, les échanges amiables d'immeubles ruraux, même en l'absence d'un périmètre d'aménagement, constituent un mode d'aménagement foncier rural, reposant sur le principe d'équivalence des attributions, et les coéchangistes ne peuvent déroger, sans l'accord du preneur, au report du bail rural sur les parcelles acquises par le bailleur.
7. En premier lieu, la cour d'appel a relevé qu'il résultait de l'acte notarié du 9 août 2017 que l'échange entre M. [Aa] et M. et Mme [Ac] était intervenu en application de l'article L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime, et a, à bon droit, retenu que ce type d'échange était assimilé à ceux réalisés par voie d'aménagement foncier, agricole et forestier, pour lesquels le preneur a le choix d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange, sans que celui-ci soit subordonné à une diminution de sa jouissance par l'effet de l'échange ou à la résiliation du bail sans indemnité.
8. En second lieu, elle a constaté que les parties à l'acte d'échange avaient stipulé que M. [S] continuerait à exploiter les terres dont il était locataire, sans qu'il ait consenti à cette disposition.
9. Elle en a exactement déduit que M. [S] était fondé à demander que le bail dont il était titulaire se poursuive sur la parcelle reçue en échange par M. [Aa], l'échange intervenu lui imposant une substitution de bailleur à laquelle il n'avait pas consenti.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CE MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Aa], M. et Mme [Ac] et la société civile d'exploitation agricole [Ac] agriculture aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Aa], M. et Mme [Ac] et la société civile d'exploitation agricole [Ac] agriculture et les condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.