Jurisprudence : CJCE, 04-07-2000, aff. C-387/97, Commission des Communautés européennes c/ République hellénique

CJCE, 04-07-2000, aff. C-387/97, Commission des Communautés européennes c/ République hellénique

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Cour de justice des Communautés européennes

4 juillet 2000

Affaire n°C-387/97

Commission des Communautés européennes
c/
République hellénique



61997J0387

Arrêt de la Cour
du 4 juillet 2000.

Commission des Communautés européennes contre République hellénique.

Manquement d'Etat - Arrêt de la Cour constatant un manquement - Inexécution - Article 171 du traité CE (devenu article 228 CE) - Sanctions pécuniaires - Astreinte - Déchets - Directives 75/442/CEE et 78/319/CEE.

Affaire C-387/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-5047

1 Recours en manquement - Arrêt de la Cour constatant le manquement - Manquement à l'obligation d'exécution de l'arrêt - Recours introduit au titre de l'article 171, paragraphe 2, du traité (devenu article 228, paragraphe 2, CE) - Recevabilité - Conditions

(Traité CE, art. 171, § 2 (devenu art. 228, § 2, CE))

2 Environnement - Élimination des déchets - Directives 75/442 et 78/319 - Respectivement articles 4 et 5 - Obligation des États membres d'assurer l'élimination des déchets et de prendre les mesures appropriées pour les déchets toxiques et dangereux - Portée - Nécessité des mesures à prendre - Marge d'appréciation - Limites

(Directives du Conseil 75/442, art. 4, et 78/319, art. 5)

3 Environnement - Élimination des déchets - Directives 75/445 et 78/315 - Respectivement articles 4 et 5 - Obligation des États membres d'assurer l'élimination des déchets et de prendre les mesures appropriées pour les déchets toxiques et dangereux - Portée identique dans les directives 75/442, modifiée, et 91/689

(Directives du Conseil 75/445, art. 4, et 78/319, art. 5, et 91/689)

4 États membres - Obligations - Manquement - Justification - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

5 Actes des institutions - Directives - Exécution par les États membres - Directive prévoyant l'obligation d'établir un programme donné en vue d'atteindre certains objectifs - Mise en oeuvre d'actions matérielles partielles ou de réglementations fragmentaires - Obligation non satisfaite - Plans et programmes prévus par les directives 75/442 et 78/319 relatives aux déchets

(Traité CE, art. 189, al. 3 (devenu art. 249, al. 3, CE); directives du Conseil 75/442, art. 6, et 78/319, art. 12)

6 Recours en manquement - Arrêt de la Cour constatant le manquement - Délai d'exécution

(Traité CE, art. 171 (devenu art. 228 CE))

7 Recours en manquement - Arrêt de la Cour constatant le manquement - Effets - Obligations de l'État membre défaillant - Exécution de l'arrêt - Manquement - Sanctions pécuniaires - Modalités de calcul - Faculté pour la Commission d'adopter des lignes directrices - Proposition soumise à la Cour - Incidence

(Traité CE, art. 171, § 2, al. 1 et 2 (devenu art. 228, § 2, al. 1 et 2, CE))

8 Recours en manquement - Arrêt de la Cour constatant le manquement - Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt - Sanctions pécuniaires - Astreinte - Détermination du montant - Critères

(Traité CE, art. 171, § 2, al. 3 (devenu art. 228, § 2, al. 3, CE))

1 Le recours en manquement introduit par la Commission au titre de l'article 171, paragraphe 2, du traité (devenu article 228, paragraphe 2, CE), visant à faire constater qu'un État membre en n'ayant pas pris les mesures indispensables que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour constatant le manquement de cet État, a manqué aux obligations qui lui incombent et à voir condamné cet État au paiement d'une astreinte, est recevable dès lors que toutes les phases de la procédure précontentieuse, et notamment la lettre de mise en demeure, sont intervenues après l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne. (voir point 42)

2 Si l'article 4 de la directive 75/442 relative aux déchets ne précisait pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises par les États membres pour assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans porter préjudice à l'environnement, il n'en reste pas moins qu'il liait les États membres quant à l'objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d'appréciation dans l'évaluation de la nécessité de telles mesures. Une dégradation significative de l'environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes révèle en principe que l'État membre concerné a outrepassé la marge d'appréciation que lui confère cette disposition. La même analyse peut être effectuée s'agissant de l'article 5 de la directive 78/319, relative aux déchets toxiques et dangereux. (voir points 55-57)

3 Les obligations résultant des articles 4 de la directive 75/442, relative aux déchets, et 5 de la directive 78/319, relative aux déchets toxiques et dangereux, étaient autonomes par rapport aux obligations plus spécifiques que comportaient les dispositions des articles 5 à 11 de la directive 75/442 en matière de planification, d'organisation et de contrôle des opérations d'élimination des déchets et de l'article 12 de la directive 78/319 en matière d'élimination des déchets toxiques et dangereux. Il en est également ainsi des obligations correspondantes sous l'empire de la directive 75/442, modifiée, et de la directive 91/689, relative aux déchets dangereux. (voir points 48-49, 58)

4 Un État membre ne saurait exciper de situations internes, telles les difficultés d'application apparues au stade de l'exécution d'un acte communautaire, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes du droit communautaire. (voir point 70)

5 S'agissant de l'obligation pour les États membres d'établir un programme global en vue d'atteindre certains objectifs, des actions matérielles partielles ou des réglementations fragmentaires ne peuvent satisfaire à cette obligation.

Ne sauraient être considérées comme des plans ou des programmes que les États membres sont tenus d'arrêter, en vertu de l'article 6 de la directive 75/442, relative aux déchets, et de l'article 12 de la directive 78/319, relative aux déchets toxiques et dangereux, une réglementation ou des mesures concrètes qui ne constituent qu'une série d'interventions normatives ponctuelles, non susceptibles de constituer un système organisé et articulé visant à l'élimination des déchets et des déchets toxiques et dangereux. (voir points 75-76)

6 Si l'article 171 du traité (devenu article 228 CE) ne précise pas le délai dans lequel l'exécution d'un arrêt constatant le manquement d'un État membre doit intervenir, l'intérêt qui s'attache à une application immédiate et uniforme du droit communautaire exige que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible. (voir point 82)

7 L'article 171, paragraphe 1, du traité (devenu article 228, paragraphe 1, CE) dispose que, si la Cour reconnaît qu'un État membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour. Si l'État membre concerné n'a pas pris ces mesures dans le délai fixé par la Commission dans son avis motivé adopté sur le fondement de l'article 171, paragraphe 2, premier alinéa, du traité, la Commission peut saisir la Cour. Aux termes de l'article 171, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité, la Commission indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'État membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances. À défaut de dispositions dans le traité à cet égard, il convient d'admettre que la Commission peut adopter des lignes directrices dont l'objectif est de fixer les modalités de calcul du montant des sommes forfaitaires ou des astreintes qu'elle entend proposer à la Cour, en particulier en vue d'assurer l'égalité de traitement entre les États membres. Si ces propositions de la Commission ne sauraient lier la Cour, elles constituent, toutefois, une base de référence utile. (voir points 81, 83-84, 89)

8 Aux termes de l'article 171, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité (devenu article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE), la Cour, si elle reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte. D'une part, comme l'objectif principal de l'astreinte est que l'État membre mette fin au manquement dans les plus brefs délais, il convient de fixer le montant de l'astreinte de telle sorte que celui-ci soit adapté aux circonstances et proportionné tant au manquement constaté qu'à la capacité de paiement de l'État membre concerné. D'autre part, le degré d'urgence de l'exécution des obligations de l'État membre concerné peut varier selon les cas de manquement. À cet effet, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de l'astreinte en vue de l'application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l'infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l'État membre en cause. Pour l'application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d'exécution sur les intérêts privés et publics et de l'urgence qu'il y a à amener l'État membre concerné à se conformer à ses obligations. (voir points 89-92)

Dans l'affaire C-387/97,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Condou-Durande, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

contre

République hellénique, représentée par Mmes A. Samoni-Rantou, conseiller juridique au service juridique spécial - section de droit européen du ministère des Affaires étrangères, et E.-M. Mamouna, auditeur au même service, et par M. G. Karipsiadis, collaborateur scientifique spécial au même service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Grèce, 117, Val Sainte-Croix,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas pris les mesures indispensables que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour du 7 avril 1992, Commission/Grèce (C-45/91, Rec. p. I-2509), et, en particulier, en n'ayant pas encore établi ni appliqué les plans et programmes nécessaires à l'élimination des déchets et des déchets toxiques et dangereux de la région concernée sans mettre en danger la santé de l'homme et sans porter préjudice à l'environnement, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 171 du traité CE (devenu article 228 CE), et de voir cette dernière condamner à verser à la Commission, sur le compte "ressources propres de la CE", une astreinte d'un montant de 24 600 écus par jour, pour chaque jour de retard dans l'exécution des mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt Commission/Grèce, précité, à compter de la communication du présent arrêt,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida, D. A. O. Edward, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm (rapporteur), M. Wathelet et V. Skouris, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 29 juin 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 novembre 1997, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 171 du traité CE (devenu article 228 CE), un recours visant à faire constater que, en n'ayant pas pris les mesures indispensables que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour du 7 avril 1992, Commission/Grèce (C-45/91, Rec. p. I-2509), et, en particulier, en n'ayant pas encore établi ni appliqué les plans et programmes nécessaires à l'élimination des déchets et des déchets toxiques et dangereux de la région concernée sans mettre en danger la santé de l'homme et sans porter préjudice à l'environnement, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 171 du traité CE (devenu article 228 CE), et à voir cette dernière condamner à verser à la Commission, sur le compte "ressources propres de la CE", une astreinte d'un montant de 24 600 écus par jour, pour chaque jour de retard dans l'exécution des mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt Commission/Grèce, précité, à compter de la communication du présent arrêt.

La réglementation communautaire

2 Dans leur version en vigueur à l'expiration du délai de deux mois fixé dans l'avis motivé ayant abouti au constat de manquement dans l'affaire Commission/Grèce, précitée, les directives 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), et 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux (JO L 84, p. 43), prescrivaient le rapprochement des législations nationales en matière d'élimination de certains déchets. Ainsi qu'il ressort, respectivement, du troisième considérant de la directive 75/442 et du quatrième considérant de la directive 78/319, ces directives visaient, notamment, à assurer la protection de la santé de l'homme et la sauvegarde de l'environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt de ces déchets.

3 En vue d'assurer la réalisation de cet objectif, les directives 75/442 et 78/319 imposaient aux États membres d'adopter certaines dispositions et de prendre certaines autres mesures.

4 Tout d'abord, en vertu de l'article 4 de la directive 75/442, les États membres devaient prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans porter préjudice à l'environnement, et notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air ou le sol ni pour la faune et la flore, sans provoquer d'incommodités par le bruit ou les odeurs et sans porter atteinte aux sites et aux paysages.

5 L'article 5, paragraphe 1, de la directive 78/319 prévoyait que les États membres devaient prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets toxiques et dangereux soient éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans porter préjudice à l'environnement, et notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air ou le sol, ni pour la faune et la flore, sans provoquer d'incommodités par le bruit ou les odeurs et sans porter atteinte aux sites et aux paysages. En vertu de l'article 5, paragraphe 2, de ladite directive, les États membres devaient prendre, notamment, les mesures nécessaires pour interdire l'abandon, le rejet, le dépôt et le transport incontrôlés de déchets toxiques et dangereux, ainsi que leur cession à des installations, établissements ou entreprises autres que ceux visés à l'article 9, paragraphe 1, de la même directive.

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