Jurisprudence : CJCE, 12-09-2000, aff. C-180/98, Pavel Pavlov e.a. c/ Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten

CJCE, 12-09-2000, aff. C-180/98, Pavel Pavlov e.a. c/ Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten

A5114AY3

Référence

CJCE, 12-09-2000, aff. C-180/98, Pavel Pavlov e.a. c/ Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1088601-cjce-12092000-aff-c18098-pavel-pavlov-ea-c-stichting-pensioenfonds-medische-specialisten
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Cour de justice des Communautés européennes

12 septembre 2000

Affaire n°C-180/98

Pavel Pavlov e.a.
c/
Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten



61998J0180

Arrêt de la Cour
du 12 septembre 2000.

Pavel Pavlov e.a. contre Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten.

Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Nijmegen - Pays-Bas.

Affiliation obligatoire à un fonds professionnel de pension - Compatibilité avec les règles de concurrence - Qualification en tant qu'entreprise d'un fonds professionnel de pension.

Affaires jointes C-180/98 à C-184/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-6451

1 Concurrence - Règles communautaires - Champ d'application matériel - Accords collectifs visant à atteindre des objectifs de politique sociale - Décision des membres d'une profession libérale d'instaurer un régime de pension complémentaire et de demander aux pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation au fonds - Inclusion - Accord au sein d'une profession libérale non soumis au même régime qu'une convention collective conclue entre partenaires sociaux

(Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE) et art. 118 et 118 B (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); accord sur la politique sociale conclu entre les États membres de la Communauté européenne à l'exception du Royaume-Uni, art. 1er et 4)

2 Concurrence - Règles communautaires - Entreprise - Notion - Médecins spécialistes indépendants - Inclusion - Contribution à un seul fonds professionnel de pension - Médecins agissant en tant qu'entreprises

(Traité CE, art. 85, 86 et 90 (devenus art. 81 CE, 82 CE et 86 CE))

3 Concurrence - Règles communautaires - Entreprise - Notion - Organisation professionnelle dotée d'un statut de droit public - Inclusion - Association de médecins spécialistes

(Traité CE, art. 85 (devenu art. 81 CE))

4 Concurrence - Ententes - Instauration d'un fonds professionnel de pension par les membres d'une profession libérale - Admissibilité - Décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation au fonds - Licéité

(Traité CE, art. 5 et 85 (devenus art. 10 CE et 81 CE))

5 Concurrence - Règles communautaires - Entreprise - Notion - Fonds de pension - Inclusion - Absence de but lucratif - Éléments de solidarité - Finalité sociale - Absence d'incidence

(Traité CE, art. 85 et suiv. (devenus art. 81 CE et suiv.))

6 Concurrence - Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs - Fonds de pension chargé de la gestion de certains services en matière d'assurance dans un secteur professionnel - Position dominante - Abus - Critères d'appréciation - Exclusion

(Traité CE, art. 86 et 90 (devenus art. 82 CE et 86 CE))

7 Concurrence - Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs - Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général - Fonds de pension chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire des membres d'une profession libérale

(Traité CE, art. 86 et 90 (devenus art. 82 CE et 86 CE))

1 Si des accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux destinés à améliorer les conditions d'emploi et de travail doivent être considérés, en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), une telle exclusion du champ d'application de cette disposition ne saurait être étendue à un accord qui vise à garantir un certain niveau de pension à tous les membres d'une profession et, partant, à améliorer l'une des conditions de travail de ces membres, à savoir leur rémunération, mais n'a pas été conclu dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux.

Le traité ne prévoit à cet égard aucune disposition encourageant, à l'instar des articles 118 et 118 B du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ainsi que 1er et 4 de l'accord sur la politique sociale conclu entre les États membres de la Communauté européenne à l'exception du Royaume-Uni, les membres de professions libérales à conclure des accords collectifs en vue d'améliorer les conditions d'emploi et de travail et envisageant que, à la demande des membres de ces professions, de tels accords soient rendus obligatoires par les pouvoirs publics pour tous les membres desdites professions. (voir points 67-69)

2 Exercent une activité économique et, partant, constituent des entreprises au sens des articles 85, 86 et 90 du traité (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE), sans que la nature complexe et technique de leurs services et la circonstance que l'exercice de leur profession est réglementé soient de nature à modifier une telle conclusion, les médecins spécialistes indépendants, qui fournissent, en leur qualité d'opérateurs économiques indépendants, des services sur un marché, celui des services médicaux spécialisés, et qui reçoivent de leurs patients une rémunération pour ces services et assument les risques financiers afférents à l'exercice de cette activité.

Par ailleurs, lorsque de tels médecins décident, au sein de leur association nationale, de contribuer conjointement à un seul fonds professionnel de pension, ils agissent en tant qu'entreprises au sens des articles 85, 86 et 90 du traité, et non en tant que consommateurs finals. (voir points 76-77, 82)

3 Le statut de droit public d'une organisation professionnelle ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85 du traité (devenu article 81 CE), lequel, selon ses propres termes, s'applique à des accords entre entreprises et à des décisions d'associations d'entreprises. Dès lors, le cadre juridique dans lequel est prise une décision d'une association ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par l'ordre juridique national sont sans incidence sur l'applicabilité des règles communautaires de la concurrence et notamment de l'article 85 du traité.

Le fait qu'une association de médecins spécialistes ait pour mission principale de défendre les intérêts de ces médecins, et notamment leurs revenus, au nombre desquels figurent les pensions complémentaires, dans le cadre des négociations avec les autorités publiques relatives au coût des services médicaux, n'est pas de nature à exclure cette organisation professionnelle du champ d'application de l'article 85 du traité. (voir points 85-86)

4 N'est pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE) la décision des membres d'une profession libérale d'instaurer un fonds professionnel de pension chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire et de demander aux pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation à ce fonds. En effet, la décision d'instaurer ledit fonds ne restreint pas sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun dans la mesure où le coût du régime de pension complémentaire n'exerce qu'une influence marginale et indirecte sur le coût final des services offerts par les membres de cette profession. En outre, la demande faite aux pouvoirs publics de rendre l'affiliation obligatoire s'inscrit dans le cadre d'un régime identique à celui existant dans plusieurs droits nationaux, qui concerne l'exercice du pouvoir réglementaire dans le domaine social. Un tel régime est destiné à promouvoir la constitution de pensions complémentaires relevant du deuxième pilier et comporte un nombre de sauvegardes. Dès lors, les articles 5 du traité (devenu article 10 CE) et 85 du traité ne s'opposent pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation audit fonds. (voir points 95, 97-101, disp. 1)

5 Un fonds de pension qui détermine lui-même le montant des cotisations et des prestations et fonctionne selon le principe de la capitalisation, qui a été chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire, instauré par une organisation représentative des membres d'une profession libérale, et auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les membres de cette profession, est une entreprise au sens des articles 85, 86 et 90 du traité (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE).

Ni l'absence de but lucratif d'un tel fonds ni la présence d'éléments de solidarité dans son fonctionnement ne suffisent à lui enlever sa qualité d'entreprise au sens des règles du traité relatives à la concurrence. Des contraintes, telles que la poursuite d'une finalité sociale, la présence desdits éléments de solidarité ainsi que de restrictions ou contrôles relatifs aux investissements réalisés par ledit fonds, n'empêchent pas de considérer l'activité exercée par un tel fonds comme une activité économique. (voir points 117-119, disp. 2)

6 Un fonds de pension qui détient un monopole légal de fourniture de certains services en matière d'assurance dans un secteur professionnel d'un État membre et, partant, sur une partie substantielle du marché commun doit, à ce titre, être considéré comme occupant une position dominante au sens de l'article 86 du traité (devenu article 82 CE).

Toutefois, le simple fait pour un État membre de créer une position dominante par l'octroi de droits exclusifs au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité (devenu article 86, paragraphe 1, CE) n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité. L'État membre n'enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus.

Une telle pratique abusive contraire à l'article 90, paragraphe 1, du traité existe, notamment, lorsque l'État membre confère à une entreprise un droit exclusif d'exercer certaines activités et crée une situation dans laquelle cette entreprise n'est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour ce genre d'activités. (voir points 126-127)

7 Les articles 86 et 90 du traité (devenus articles 82 CE et 86 CE) ne s'opposent pas à ce que les pouvoirs publics confèrent à un fonds de pension le droit exclusif de gérer le régime de pension complémentaire des membres d'une profession libérale. (voir point 130, disp. 3)

Dans les affaires jointes C-180/98 à C-184/98,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Kantongerecht te Nijmegen (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Pavel Pavlov e.a.

Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), D. A. O. Edward, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour la Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, par Mes E. H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau de Bruxelles, et C. J. J. C. van Nispen, avocat au barreau de La Haye,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, chef du service du droit européen au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement grec, par M. V. Kyriazopoulos, mandataire judiciaire au Conseil juridique de l'État, et Mme G. Alexaki, avocat au service spécial du contentieux communautaire du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. C. Chavance, conseiller des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils et H. van Vliet, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, du gouvernement néerlandais, du gouvernement grec et de la Commission à l'audience du 11 janvier 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par cinq ordonnances du 8 mai 1998, parvenues à la Cour le 15 mai suivant, le Kantongerecht te Nijmegen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre de cinq litiges opposant des médecins spécialistes, MM. Pavlov, Van der Schaaf, Kooyman, Weber et Slappendel (ci-après "M. Pavlov e.a."), à la Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten (Fonds de pension des médecins spécialistes, ci-après le "Fonds") à propos du refus de M. Pavlov e.a. d'acquitter leurs cotisations au Fonds, au motif, notamment, que l'affiliation obligatoire à celui-ci, en vertu de laquelle lesdites cotisations leur sont réclamées, serait contraire aux articles 85, 86 et 90 du traité.

La législation nationale

3 Le système de pension néerlandais est fondé sur trois piliers.

4 Le premier est constitué par une pension de base légale, accordée par l'État conformément à l'Algemene Ouderdomswet (loi instituant un régime général de pension de vieillesse) et à l'Algemene Nabestaandenwet (loi sur l'assurance généralisée des survivants). Ce régime légal obligatoire donne droit, à l'ensemble de la population, à une pension d'un montant réduit, indépendant du salaire effectivement perçu auparavant et calculé sur la base du salaire minimal légal.

5 Le deuxième pilier comprend les pensions complémentaires, fournies en relation avec une activité professionnelle, salariée ou indépendante, qui complètent, dans la majorité des cas, la pension de base. Ces pensions complémentaires sont généralement gérées dans le cadre de régimes collectifs s'appliquant à un secteur de l'économie, à une profession ou aux travailleurs d'une entreprise par des fonds de pension auxquels l'affiliation a été rendue obligatoire, notamment, comme dans les affaires au principal, en vertu de la Wet van 29 juni 1972 betreffende verplichte deelneming in een beroepspensioenregeling (loi néerlandaise du 29 juin 1972 sur l'affiliation obligatoire à un régime professionnel de pension, ci-après la "BprW").

6 Le troisième pilier est constitué par les contrats individuels d'assurance pension ou d'assurance vie qui peuvent être conclus sur une base volontaire.

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