Jurisprudence : Cass. civ. 1, 19-06-2024, n° 21-19.972, F-B, Rejet

Cass. civ. 1, 19-06-2024, n° 21-19.972, F-B, Rejet

A85795IL

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:C100350

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049774923

Référence

Cass. civ. 1, 19-06-2024, n° 21-19.972, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108777609-cass-civ-1-19062024-n-2119972-fb-rejet
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Abstract

Le contrat de vente met à la charge du vendeur professionnel une obligation d'information et de conseil, tenant compte des caractéristiques des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 juin 2024


Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 350 F-B

Pourvoi n° T 21-19.972


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2024


La société Doineau bois et matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-19.972 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [V], domicilié [… …],

2°/ à M. [N] [V],

3°/ à Mme [D] [V],

4°/ à Mme [Y] [V],

5°/ à Mme [C] [J], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur [X] [V],

tous quatre domiciliés [Adresse 4],

6°/ à Mme [M] [Aa] épouse [G], … [… …] (…),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Doineau bois et matériaux, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de MM. [R] [V], de Mmes [D] et [Y] [V], de Mme [Ab], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur [X] après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 mai 2021) après avoir commandé des planches de bois auprès de la société Doineau Bois et Matériaux (la société venderesse), [W] [V], avec l'aide d'un préposé de cette société, les a chargées sur une remorque attelée à son véhicule. Après avoir quitté les locaux du vendeur, ce véhicule, sous l'effet du déport de la remorque dans une descente, a heurté un véhicule arrivant en sens inverse, provoquant le décès des deux conducteurs.

2. Mme [Ab], agissant en son nom propre et ès qualités de représentante légale de son fils [X] [V], M. [N] [V] et son épouse, Mme [Ac] [V], Mme [M] [Aa] épouse [Ad] et M. [R] [V] (les consorts [V]), ont fait assigner la société venderesse en responsabilité et indemnisation, sur le fondement d'un manquement à son obligation de sécurité, d'information et de mise en garde tant sur le fondement de l'article 1134 du code civil🏛 que sur celui de l'ancien article L. 221-1 du code de la consommation🏛.


Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3.La société Doineau bois et matériaux fait grief à l'arrêt confirmatif de la condamner à payer à chacun des consorts [V] une certaine somme, alors « que la vente emporte transfert de la garde de chose achetée du vendeur vers l'acquéreur ; que l'obligation générale de sécurité du vendeur d'un produit ne s'étend pas au chargement du produit vendu, lequel est effectué sous la responsabilité de l'acheteur, devenu propriétaire et gardien de la chose achetée ; que l'absence de compétences personnelles du gardien de la chose à l'effet d'opérer le chargement des produits achetés sur une remorque destinée à son transport n'opère pas transfert de la garde au préposé du vendeur, venu l'assister pour y procéder ; qu'en retenant un manquement de la société Doineau Bois et Matériaux à son obligation de sécurité « pour permettre à M. [V] de circuler en toute sécurité », sans rechercher comme elle y était invité si, en l'absence de tout contrat de prestation de services conclu par M. [V] avec le vendeur pour effectuer ce chargement, M. [Aa] n'était pas demeuré seul gardien des planches dont il venait d'acquérir la propriété, le vendeur n'étant pas tenu à son égard d'une obligation de sécurité au titre d'un « service » d'aide au chargement de la chose vendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1384 (devenu 1242), alinéa premier du code civil🏛 et de l'article L. 221-1, alinéa premier (devenu L. 421-3) du code de la consommation. »


Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 221-1, alinéa premier, devenu L. 421-3, du code de la consommation, les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

5. Selon l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil🏛 le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution d'une obligation contractuelle.

6. Après avoir constaté qu'[W] [V] avait chargé sur sa remorque les 67 planches, longues chacune de 4,52 mètres, avec l'aide d'un préposé de la société venderesse, l'arrêt retient que l'acquéreur, simple consommateur profane, n'avait été informé du poids total des planches, ni par le préposé qui l'ignorait, ni par les factures qui ne le mentionnaient pas, et ce, quoique le vendeur ait été sensibilisé par une campagne de la fédération de négoce bois et matériaux en 2013 au problème de la surcharge des véhicules et à la nécessité de refuser de charger les matériaux en ce cas.

7. En l'état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que la société venderesse avait méconnu l'obligation d'information et de conseil, inhérente au contrat de vente, qui lui incombait au regard des caractéristiques de l'ensemble des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est pas fondé.


Et sur le moyen pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9.La société Doineau bois et matériaux fait le même grief à l'arrêt, alors « subsidiairement, que la faute commise par la victime emporte exonération partielle ou totale de la responsabilité de l'auteur du dommage, en fonction de la nature du manquement commis par la victime ; qu'en écartant la commission d'une faute par M. [Aa], de nature à diminuer ou exclure le droit à indemnisation de ses ayants-droits à l'encontre de la société Doineau bois et matériaux, après avoir pourtant constaté que M. [Aa] avait fait l'objet de deux contraventions au titre de l'accident litigieux, pour circulation en surcharge et défaut de maîtrise de son véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient légalement de ses constatations au regard des dispositions de l'article L. 221-1, alinéa premier (devenu L. 421-3) du code de la consommation ».

10. Ayant retenu que le déplacement anarchique de la remorque, dû à sa surcharge, constituait la cause exclusive de l'accident et que les deux contraventions relevées contre [W] [V] avaient la même origine dont la société venderesse était responsable, c'est à bon droit que la cour d'appel a dit qu'aucune faute ne pouvait être imputée à [W] [V] et que la société venderesse était entièrement responsable des conséquences de l'accident.


11. Le moyen n'est pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rejette le pourvoi ;

Condamne la société Doineau bois et matériaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [R] [V], M. [N] [V], Mme [D] [V], Mme [Y] [V], Mme [C] [J], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son enfant mineur [X] [V] la somme globale de 3 000 euros.


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.

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