Jurisprudence : TA Grenoble, du 14-06-2024, n° 2102308

TA Grenoble, du 14-06-2024, n° 2102308

A81305IX

Référence

TA Grenoble, du 14-06-2024, n° 2102308. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108776952-ta-grenoble-du-14062024-n-2102308
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Abstract

► Le tribunal administratif de Grenoble est revenu dans un arrêt du 14 juin 2024 sur les conditions d'exonération d'impôt sur la plus-value immobilière en cas de départ de France.


Références

Tribunal Administratif de Grenoble

N° 2102308

7ème Chambre
lecture du 14 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 avril 2021, le 4 août 2022 et le 22 novembre 2022, la SCI Sambil, représentée par la SELARL Arcane Juris, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de l'imposition d'un montant total de 141 078 euros qui lui est réclamée résultant de l'application du régime fiscal des plus-values des particuliers non-résidents ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 141 078 euros assortie des intérêts moratoires ;

3°) de statuer sur les dépens.

Elle soutient que :

- la résidence doit être qualifiée de résidence principale au sens des dispositions de l'article 150 U II 1° du code général des impôts🏛 ;

- elle apporte la preuve des diligences effectuées pour sa mise en vente.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 septembre 2021, le 8 septembre 2022 et le 30 novembre 2022, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Sambil ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourion, première conseillère,

- les conclusions de M. Heintz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte du 14 juin 2008, la SCI Sambil a acquis une maison sise à Messery (74) pour un montant de 1 405 000 euros qu'elle a revendue par acte authentique du 29 août 2019 pour un montant de 2 180 000 euros. Une déclaration de plus-value immobilière a généré une imposition à l'impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux et à la taxe sur les plus-values immobilières élevées, d'un montant total de 141 078 euros, en application du régime fiscal des plus-values des particuliers non-résidents. La SCI Sambil sollicite la restitution de cette somme en invoquant le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 150 U II 1° du code général des impôts au motif que cette maison doit être qualifiée de résidence principale des deux associés de la SCI requérante.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. () les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. () / II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession () ". Sont considérés comme résidence principale au sens de ces dispositions, les immeubles qui constituent la résidence habituelle et effective du propriétaire au jour de la cession. Un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession, du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.

4. L'agence Lac et Frontière Immobilier a vendu pour la SCI Sambil le 29 août 2019 une maison d'habitation située à Messery (74) acquise le 14 juin 2008. Estimant que cette maison constituait la résidence principale de ses associés, la SCI requérante, qui entend bénéficier de l'exonération de la plus-value de cession, soutient avoir engagé des démarches nécessaires à la mise en vente de sa maison, tout d'abord de manière officieuse avec l'agence Lac et Frontière Immobilier dès janvier 2018, ensuite par le biais d'un mandat simple de vente, à Dubaï, deux mois après l'arrivée de ses associés sur le territoire le 5 mars 2018, et enfin le 30 janvier 2019 via un mandat de vente exclusif avec l'agence Lac et Frontière Immobilier en France. A supposer, ainsi que le soutient la SCI Sambil, que la mandataire installée à Dubaï, dont l'immatriculation de la société n'a pas été communiquée, soit habilitée à recevoir un mandat de vente simple, d'une part, le seul rapport de prospection de la mandataire sur six mois qui, sur une page, fait état, sans la détailler, de la mise en place d'une stratégie de vente orientée vers le Moyen-Orient dans un premier temps puis un élargissement vers l'Asie et l'Europe dès septembre 2018 et de deux rapports de visite et d'autre part, un teaser en langue arabe présentant la maison à vendre de la SCI, ne sauraient suffire à établir que la SCI requérante a accompli les diligences nécessaires pour une vente dans les meilleurs délais. Par ailleurs, eu égard aux caractéristiques du bien en cause dont la superficie et le coût sont atypiques, la SCI, en ne commençant à baisser son prix de vente initial de 2 800 000 euros manifestement surévalué au regard du prix de vente définitif, qu'en janvier 2019, soit un an après sa mise en vente initiale, et en ne souscrivant un mandat de vente exclusif en France qu'un an plus tard, le 30 janvier 2019, n'a pas accompli les diligences nécessaires pour une vente dans les meilleurs délais. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé à la SCI le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 150 U II 1° du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales🏛 : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / () / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. () ".

6. La SCI Sambil se prévaut du paragraphe 180 de l'instruction BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 12 septembre 2012 selon lequel : " Le logement doit être la résidence principale du cédant au jour de la cession. / Cette condition exclut de l'exonération les cessions portant sur des immeubles qui, bien qu'ayant été antérieurement la résidence principale du propriétaire, n'ont plus cette qualité au moment de la vente. Par suite, l'exonération ne s'applique pas aux cessions portant sur des immeubles qui, au jour de la cession, sont donnés en location, sont occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers, sont devenus vacants ou sont à la disposition du titulaire d'un logement de fonction (I-A-4 § 60). / L'exonération est également refusée lorsque l'occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière (sur la notion d'habitation principale effective, se reporter au I-A-2 § 40) ", et du paragraphe 190 de l'instruction BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 12 septembre 2012 selon lequel " Il est admis, lorsque l'immeuble a été occupé par le cédant jusqu'à sa mise en vente, que l'exonération reste acquise si la cession intervient dans des délais normaux et sous réserve que le logement n'ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers. / Aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne peut être fixé a priori. Il convient donc sur ce point de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal. / Dans un contexte économique normal, un délai d'une année constitue en principe le délai maximal. / Cependant, l'appréciation du délai normal de vente est une question de fait qui s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances de l'opération, notamment des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d'agences immobilières, etc.). / En tout état de cause, lorsque le délai excède la durée normale de vente, le seul fait que l'immeuble ait été mis en vente n'est pas considéré comme de nature à justifier l'exonération de la plus-value, notamment s'il apparaît que le prix demandé ne correspond pas aux prix pratiqués sur le marché immobilier local. ".

7. Elle fait valoir que le délai de 22 mois entre la mise en vente et la cession effective constitue, selon une étude produite par la SARL Carteron Expertises, le délai moyen de vente pour un bien d'une valeur de plus de deux millions d'euros sur le secteur du Chablais qui ressortit entre 18 et 24 mois pour des biens de la surface et du standing de la maison en litige. Toutefois, la SCI Sambil ne peut invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction précitée dès lors, d'une part, que le litige porte sur une demande d'exonération d'une imposition primitive et non sur un rehaussement d'une imposition antérieure et, d'autre part, qu'il n'apparaît pas que la doctrine évoquée ci-dessus comporterait une interprétation différente de la loi que celle dont il est fait application.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Sambil n'est pas fondée à demander la décharge de l'imposition d'un montant total de 141 078 euros résultant de l'application du régime fiscal des plus-values des particuliers non-résidents.

Sur les dépens :

9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative🏛 : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. ". En l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions de la requête présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Sambil est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Sambil et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. L'Hôte, président,

Mme Bourion, première conseillère,

M. Ruocco-Nardo, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.

La rapporteure,

I. BOURION

Le président,

V. L'HÔTELa greffière,

L. ROUYER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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