Jurisprudence : Cass. civ. 1, 03-04-2002, n° 00-12.932, FS-P, Cassation.

Cass. civ. 1, 03-04-2002, n° 00-12.932, FS-P, Cassation.

A4275AYY

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CIV. 1
N.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 avril 2002
Cassation
M. LEMONTEY, président
Pourvoi n° H 00-12.932
Arrêt n° 556 FS P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Larousse-Bordas, société anonyme, dont le siège est Paris ,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 janvier 2000 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section A), au profit de Mme Claude Y, épouse Y, demeurant Paris,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 février 2002, où étaient présents M. X, président, M. W, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, conseillers, Mmes Barberot, Catry, conseillers référendaires, M. V, avocat général, Mme U, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. W, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Larousse-Bordas, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme ..., les conclusions de M. V, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 1112 du Code civil ;
Attendu que Mme ... était collaboratrice puis rédactrice salariée de la société Larousse-Bordas depuis 1972 ; que selon une convention à titre onéreux en date du 21 juin 1984, elle a reconnu la propriété de son employeur sur tous les droits d'exploitation d'un dictionnaire intitulé "Mini débutants" à la mise au point duquel elle avait fourni dans le cadre de son contrat de travail une activité supplémentaire ; que, devenue "directeur éditorial langue française" au terme de sa carrière poursuivie dans l'entreprise, elle en a été licenciée en 1996 ; que, en 1997, elle a assigné la société Larousse-Bordas en nullité de la cession susévoquée pour violence ayant alors vicié son consentement, interdiction de poursuite de l'exploitation de l'ouvrage et recherche par expert des rémunérations dont elle avait été privée ;
Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient qu'en 1984, son statut salarial plaçait Mme ... en situation de dépendance économique par rapport à la société Éditions Larousse, la contraignant d'accepter la convention sans pouvoir en réfuter ceux des termes qu'elle estimait contraires tant à ses intérêts personnels qu'aux dispositions protectrices des droits d'auteur ; que leur refus par elle aurait nécessairement fragilisé sa situation, eu égard au risque réel et sérieux de licenciement inhérent à l'époque au contexte social de l'entreprise, une coupure de presse d'août 1984 révélant d'ailleurs la perspective d'une compression de personnel en son sein, même si son employeur ne lui avait jamais adressé de menaces précises à cet égard ; que de plus l'obligation de loyauté envers celui-ci ne lui permettait pas, sans risque pour son emploi, de proposer son manuscrit à un éditeur concurrent; que cette crainte de perdre son travail, influençant son consentement, ne l'avait pas laissée discuter les conditions de cession de ses droits d'auteur comme elle aurait pu le faire si elle n'avait pas été en rapport de subordination avec son cocontractant, ce lien n'ayant cessé qu'avec son licenciement ultérieur ;

Attendu, cependant, que seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, que lors de la cession, Mme ... était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme ... ;
Dit que sur les diligences du Pocureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille deux.

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