CIV.3
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 27 mars 2002
Rejet
M. WEBER, président
Pourvoi n° W 00-21.685
Arrêt n° 600 FS P+B+R+I
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Bricorama France, anciennement déommée Bricorama, société anonyme, dont le siège est Roanne,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 octobre 2000 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre civile, section 2), au profit de la société civile Centre commercial de la Défense, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 février 2002, où étaient présents M. X, président, M. W, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, M. Toitot, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. V, conseiller référendaire, M. U, avocat général, Mlle T, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. W, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Bricorama France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société civile Centre commercial de la Défense, de Me Vuitton, avocat de la société Fiduciaire juridique de France, les conclusions de M. U, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 octobre 2000), que la société civile du Centre commercial de la Défense (SCCD), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la Société des négoces de la Défense, a notifié à sa locataire, le 27 octobre 1995, un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction ; que la société Bricorama, après avoir absorbé la Société des négoces de la Défense, a assigné la SCCD les 27 et 29 décembre 1995 afin d'obtenir paiement de l'indemnité d'éviction ; que suivant exploit en date du 9 décembre 1996, le bailleur a notifié à la société Bricorama une dénégation du statut pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
Attendu que la société Bricorama France, venant aux droits de la société Bricorama, fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas le droit à une indemnité d'éviction, alors, selon le moyen
1°/ que le droit à indemnité d'éviction reconnu au preneur prend sa source dans le préjudice qu'il subit par suite du refus du propriétaire de renouveler le bail ; que c'est à la date de ce refus qu'il convient de se placer pour savoir si le locataire remplit ou non les conditions exigées par la loi pour avoir droit à cette indemnité et s'il justifie ainsi de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, cette condition devant encore se vérifier à la date d'échéance du bail ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que tant à la date de la demande de renouvellement émanant de la Société des négoces de la Défense, Ie 3 août 1995 ; qu'à la date du refus de renouvellement assorti d'une offre d'indemnité d'éviction, le 27 octobre 1995, ainsi qu'à Ia date d'expiration du bail, la Société des négoces de la Défense était régulièrement immatriculée pour le fonds qu'elle exploitait dans le Centre commercial "Les Quatre temps" ; qu'en déniant néanmoins à la société Bricorama France, venant aux droits de la société Bricorama, qui avait conclu un trait de fusion-absorption avec la Société des négoces de la Défense, le droit au paiement d'une indemnité d'éviction au motif qu'à la suite de la radiation effectuée le 13 mars 1996, soit au cours de la procédure en fixation du montant de l'indemnité d'éviction, par cette société, après son absorption par la société Bricorama, celle-ci n'avait elle-même procédé à l'immatriculation secondaire de ce même établissement que le 25 janvier 1997, postérieurement à la dénégation de statut qui lui avait été signifiée le 9 décembre 1996, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1, L. 145-12 et L. 145-14 du nouveau Code de commerce ;
2°/ que si le défaut d'immatriculation principale prive le preneur du droit de se prévaloir de la qualité de commerçant et, par conséquent, des dispositions des articles L. 145-1 et suivants du nouveau Code de commerce, I'absence de mention d'une inscription complémentaire relative à l'acquisition d'un nouvel établissement secondaire par l'effet d'une convention de fusion-absorption approuvée par les actionnaires de la société absorbante postérieurement au refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction notifié par la société bailleresse, n'est pas de nature à faire perdre à la société absorbante le bénéfice du droit à l'indemnité d'éviction dès lors que, antérieurement à la signification de ce refus de renouvellement, la société bailleresse a été expressément informée du traité de fusion-absorption ; qu'en énonçant que l'information fournie dès le 25 juillet 1995 à la société bailleresse de ce que le fonds exploité par la société SNDD allait être transféré à la société Bricorama, société absorbante régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, en vertu de la convention de fusion-absorption que ces deux sociétés s'apprétaient à conclure, ne dispensait pas la société Bricorama de l'accomplissement des formalités requises par les articles 9, 22 et 23 du décret du 30 mai 1984, sous peine de perdre tout droit à indemnité d'éviction, alors même que ces formalités devaient s'analyser comme des mesures de publicité édictées à peine seulement d'inopposabilité et auxquelles il pouvait être suppléé dès lors qu'il était établi que la société bailleresse avait eu, préalablement au refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction, connaissance du transfert du fonds qui allait s'opérer dans le patrimoine de la société Bricorama, régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé les articles L. 123-9 et L. 145-14 du nouveau Code de commerce, ensemble les articles 9, 22, 23 et 66, alinéa 3, du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés ;
3°/ que l'interruption momentanée de l'inscription d'un établissement secondaire durant la période de maintien dans les lieux, justifiée par une opération de restructuration telle une fusion-absorption qui rend nécessaire la radiation de l'immatriculation prise au nom de la société absorbée et la réinscription de cet établissement au nom de la société absorbante, ne peut entraîner la déchéance du droit à l'indemnité d'éviction dès lors que le preneur est régulièrement immatriculé au jour où le juge statue ; qu'en décidant que la société Bricorama France ne pouvait prétendre à une indemnité d'éviction alors même qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'avant même que le juge statue, la société Bricorama, en sa qualité de société absorbante, avait fait procéder à la ré-immatriculation de l'établissement secondaire après que la société absorbée ait elle-même fait procéder au préalable à sa radiation au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9 et L. 145-14 du nouveau Code de commerce, ensemble les articles 9, 22, 23 et 24 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, que les conditions d'application du statut, et notamment l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, devaient être remplies à la date de délivrance du congé ou de la demande de renouvellement et pendant toute la procédure de renouvellement ou de fixation de l'indemnité d'éviction sauf si, renonçant au droit au maintien dans les lieux prévu par l'article 20 du décret du 30 septembre 1953, le locataire décide de restituer les lieux dans les conditions qui l'affranchissent de toutes obligations contractuelles ou statutaires, et ayant constaté que si la Société des négoces de la Défense était immatriculée au registre du commerce au jour du refus de renouvellement du bail, elle en avait été radiée après son absorption par la société Bricorama intervenue au cours de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction tandis que la société Bricorama n'avait procédé à une immatriculation secondaire pour l'établissement exploité dans les locaux loués seulement après la dénégation du statut signifiée par le bailleur, la cour d'appel en a déduit exactement que la société Bricorama, qui ne saurait utilement se prévaloir de l'information fournie à la bailleresse du transfert du fonds, ne pouvait prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bricorama France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Bricorama France à payer à la société civile Centre commercial de la Défense la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille deux.