Jurisprudence : Cass. crim., 27-02-2002, n° 01-85573, publié au bulletin, Rejet



CRIM.
N° K 01-85.573 F-P+F N° 1351
VD2 7 FÉVRIER 2002
M. PIBOULEAU, conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- ... Claude, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 17 mai 2001, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée pour escroquerie et tentative, abus de confiance, et vol, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction qui l'a condamné par ailleurs à 20 000 francs d'amende pour constitution de partie civile abusive et dilatoire ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 177-2, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu et d'amende civile en toutes ses dispositions ;
"aux motifs que le magistrat instructeur s'est livré à de sérieuses vérifications qui ont établi que l'on était à l'évidence en présence d'un mauvais payeur qui multipliait les incidents de procédure pour échapper au paiement de ses dettes ; à cet égard l'expertise très complète réalisée établit un compte sérieux entre les parties dans une affaire dont l'avocat de Claude ... reconnaît lui-même la "connotation évidemment civile" ; il sera sur ce point observé que les différentes demandes adressées par l'expert aux proches de Pierre Alberato (...) et la réintroduction dans les comptes, des divers versements effectués rétablissent la réalité d'une situation à laquelle Claude ... voulait abusivement donner une coloration pénale que sa qualité d'ancien auxiliaire de justice aurait dû inviter à vouloir en user avec plus de précaution ; cette attitude, qui viserait à interdire à un créancier de rentrer dans ses fonds dépasse la simple imprudence pour atteindre la mauvaise foi et doit être sanctionnée selon les modalités prévues par l'article 177-2 du Code de procédure pénale, le premier juge ayant en l'espèce fait une application modérée de ces dispositions ;
"alors, d'une part que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, se contenter de mentionner que la partie civile était un mauvais payeur et qu'elle avait abusivement voulu donner une coloration pénale aux faits sans préciser les chefs d'inculpation sur lesquels elle statuait, les textes dont elle devait vérifier l'application et les éléments constitutifs de l'infraction dont l'absence justifiait le non-lieu ; que, dès lors, l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentiellement de son existence légale ;
"alors, d'autre part, que dans un mémoire régulièrement déposé, l'appelant a développé une argumentation détaillée visant à démontrer que les conclusions de l'expertise ne prenaient pas en compte la totalité des sommes remboursées et que le prêteur tentait d'obtenir des fonds dont il ne pouvait pas ne pas savoir qu'il n'était pas le créancier ; qu'en se contentant de se référer aux "sérieuses vérifications effectuées par le juge" et aux "différentes demandes adressées par l'expert aux proches de Pierre Alberato", l'arrêt attaqué n'a pas répondu aux articulation essentielles du mémoire et ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, enfin, que, selon l'article 177-2 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer une amende civile par décision motivée ; que la mention explicite de l'obligation pour le juge de motiver sa décision implique que la motivation doit porter tant sur le caractère abusif ou dilatoire de la constitution de partie civile que sur le montant de l'amende infligée ; qu'en se bornant à constater d'une part que la partie civile avait abusivement voulu donner une coloration pénale aux faits et que cette attitude visait à interdire à un créancier de rentrer dans ses fonds et d'autre part que le juge d'instruction avait fait une application modérée de ces dispositions sans même mentionner, dans ses motifs, le montant de l'amende infligée, l'arrêt attaqué n'a justifié ni l'un ni l'autre de ces éléments et, privé de motif, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"et alors, en toute hypothèse que selon l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial qui statuera publiquement sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que l'amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire relevant de la matière pénale au sens dudit article, les garanties du procès équitable doivent s'appliquer ; que, en raison de l'absence d'impartialité du juge prononçant l'amende et du défaut de publicité de la procédure, les conditions du prononcé de l'amende ne satisfont pas à l'exigence d'un procès équitable ; dès lors l'arrêt attaqué qui a confirmé la condamnation du prévenu à une amende de 20 000 francs prononcée sans que soient respectées les garanties essentielles de la défense ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
Sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches ;
Attendu que, pour condamner Claude ... à une amende civile de 20 000 francs pour constitution de partie civile abusive et dilatoire, la chambre de l'instruction se prononce pas les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui, contrairement à ce qui est allégué, n'était pas tenue de motiver spécialement le montant de l'amende, a justifié sa décision au regard de l'article 177-2 du Code de procédure pénale ; qu'en outre le prononcé d'une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire n'entre pas dans les prévisions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur le moyen pris en ses deux premières branches ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits dénoncés, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction, en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen, irrecevable en ses deux premières branches, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. ... conseiller le plus ancien faisant fonction de président, en remplacement du président empêché, M. ... conseiller rapporteur, MM. Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général M. Davenas ;
Greffier de chambre Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Agir sur cette sélection :