Jurisprudence : Cass. crim., 23-01-2001, n° 00-80.600, Cassation

Cass. crim., 23-01-2001, n° 00-80.600, Cassation

A2816AYX

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 23 Janvier 2001
Cassation
N° de pourvoi 00-80.600
Président M. Cotte

Demandeur Djoulizibaritch Gilles
Rapporteur M. Le Y.
Avocat général M. Di Guardia.
Avocat la SCP Piwnica et Molinié.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par Djoulizibaritch Gilles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 13 janvier 2000, qui, pour infraction à la législation sur le démarchage à domicile, l'a condamné à 10 000 francs d'amende.

LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L 121-21 et suivants du Code de la consommation, 388 et 591 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'adage, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué à déclaré Gilles Z coupable de démarchage à domicile et l'a condamné de ce chef à une amende de 10 000 francs ;
" aux motifs propres et adoptés que, si les délits d'abus de confiance et d'escroquerie par abus de qualité vraie ne sont pas établis, faute de volonté initiale chez le prévenu de détourner les fonds, en revanche le délit de démarchage à domicile est caractérisé dès lors que Gilles Z, en sa qualité d'avocat, s'est déplacé à l'hôpital pour proposer une prestation de services, sous forme d'un contrat de mandat, sans s'être renseigné au préalable sur la date de sortie de la malade et alors qu'aucune urgence ne le dispensait d'utiliser les règles de déontologie habituelles aux fins de l'inviter à se rendre à son cabinet ; que cette démarche constitue une opération de démarchage prohibée pour un avocat, selon les termes de l'article L 121-21 du Code de la consommation, l'incrimination étant retenue même si la démarche a été précédée d'une demande de l'intéressé ;
" alors que le juge pénal ne peut statuer sur des faits nouveaux non relevés dans l'acte qui le saisit, que si le prévenu a accepté le débat sur ces faits distincts de ceux initialement visés à la prévention ; qu'en l'espèce, Gilles Z a été poursuivi du chef d'abus de confiance pour avoir conservé une somme de 12 000 francs remise par une cliente, au titre d'honoraires, et avoir refusé de restituer cette somme avant le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile ; que la cour d'appel, faisant siennes les énonciations des premiers juges, a reconnu que la volonté frauduleuse du prévenu n'était pas caractérisée lors de la remise des fonds et qu'en tout état de cause, ceux-ci avaient été postérieurement remboursés à la cliente ; qu'elle l'a cependant déclaré coupable de démarchage à domicile pour s'être déplacé à l'hôpital pour proposer une prestation de services, sous forme d'un contrat de mandat, à une future cliente, et ce, à défaut de toute urgence et qu'en se saisissant ainsi de faits pour être jugé à raison de faits pour lesquels il n'était pas poursuivi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L 121-21 et suivants du Code de la consommation, 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 et 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972 modifié par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale, violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles Z coupable de démarchage à domicile et l'a condamné de ce chef à une amende de 10 000 francs ;
" aux motifs propres et adoptés que le délit de démarchage à domicile est caractérisé dès lors que Gilles Z, en sa qualité d'avocat, s'est déplacé à l'hôpital pour proposer une prestation de services, sous forme d'un contrat de mandat, sans s'être renseigné au préalable sur la date de la sortie de la malade et alors qu'aucune urgence ne le dispensait d'utiliser les règles de déontologie habituelles aux fins de l'inviter à se rendre à son cabinet ; que cette démarche constitue une opération de démarchage prohibée pour un avocat, selon les termes de l'article L 121-21 du Code de la consommation, l'incrimination étant retenue même si la démarche a été précédée d'une demande de l'intéressé ;
" alors que, selon les dispositions de l'article L 121-22 du Code de la consommation, sont exclues de la réglementation sur les ventes à domicile prévue par les articles L 121-21, L 121-23 à L 121-29 de ce même code, les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation prévue par un texte législatif particulier ; que la prohibition des actes de démarchage en matière de consultations juridiques est prévue par les articles 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 et 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972 modifié par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; que, dès lors, à supposer que le comportement du prévenu soit punissable, l'acte de démarchage prévu et défini par les articles L 121-21 et suivants du Code de la consommation ne peut être retenu à l'encontre d'un avocat qui se déplacerait chez l'un de ses clients, les dispositions spéciales dérogeant à la disposition générale ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors que le démarchage réalisé en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes de même nature, prohibé par l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, selon la définition posée par l'article 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972, suppose que la démarche soit spontanée et ne peut être caractérisé si l'avocat se déplace chez un client qui l'a préalablement sollicité ; qu'en l'espèce, c'est sur demande du frère de Mlle ... ..., suivie d'un appel téléphonique de sa cliente hospitalisée, sollicitant une rencontre imminente, que Me Z s'est rendu à l'hôpital pour rencontrer sa cliente afin de s'entretenir du dossier pénal pour lequel elle se constituait partie civile de sorte que la démarche du conseil qui n'a pas été réalisée à son initiative, mais sur demande de sa cliente, ne constitue pas un acte de démarchage pénalement répréhensible ; qu'en statuant ainsi, les juges d'appel ont violé les textes susvisés ;
" alors qu'en tout état de cause, le démarchage répréhensible doit avoir pour finalité une opération de prestation de services juridiques autre que l'exercice des droits de la défense ; que, tel n'est pas le cas lorsque l'avocat, dans l'exercice des droits de la défense, se rend chez sa cliente pour s'entretenir d'un dossier pénal à raison duquel elle se constitue partie civile ; qu'en s'abstenant de prendre en considération, l'exercice de ce droit reconnu comme principe général du droit à valeur supra législative, la décision n'est pas légalement justifiée ;
" alors qu'en cas de conflit entre une incrimination délictuelle et une incrimination contraventionnelle sanctionnant un même comportement délictueux, décrit en des termes exactement similaires, le juge répressif ne peut se prononcer qu'au regard de la pénalité la moins sévère et retenir ainsi la qualification contraventionnelle ; que la présence de textes contradictoires crée une incertitude sur la pénalité encourue et provoque chez les justiciables une confusion qui doit être prise en compte pour le choix du texte d'incrimination ; que l'acte de démarchage en matière de consultation juridique est incriminé cumulativement, en des termes identiques, par l'article 5 du décret n° 72-785 du 25 août 1972 modifié par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et par l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 ; que, si l'article 5 du décret n° 72-785 du 25 août 1972 envisage une peine contraventionnelle d'amende de 10 000 francs, l'article 66-4 de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 prévoit une peine de 6 mois d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende ; que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable du délit prévu à l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 et en prononçant contre lui une peine d'amende de 10 000 francs, les juges d'appel ont méconnu les principes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, s'il appartient au juge de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification, il ne peut substituer des faits distincts à ceux de la prévention, à moins que le prévenu accepte expressément d'être jugé sur ces faits nouveaux ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt confirmatif attaqué que Gilles Z, avocat, s'est, à la demande de la famille de Carol ... ..., rendu dans un établissement où elle était hospitalisée ; qu'ayant perçu des sommes à titres d'honoraires et n'ayant pas accompli la prestation convenue, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'abus de confiance ;
Attendu que, déclaré coupable d'infraction à la législation sur le démarchage à domicile, Gilles Z a fait valoir devant les juges du second degré qu'il n'avait pas offert spontanément ses services à Carol ... ... ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu et confirmer le jugement entrepris, la cour d'appel énonce que le fait pour le prévenu de s'être déplacé, même à la demande de l'intéressée, à l'hôpital pour proposer une prestation de services, sous forme d'un contrat de mandat, est constitutif d'une opération de démarchage prohibé par un avocat, au sens de l'article L 121-21 du Code de la consommation ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi sans constater que le prévenu avait accepté de comparaître volontairement sous la nouvelle prévention de démarchage illicite prévue et réprimée par les articles L 121-21 et suivants du Code de la consommation et alors, au demeurant, que ces dispositions ne sont pas applicables au démarchage de l'avocat prévu et réprimé par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 13 janvier 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.

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