Par déclaration du 13 juin 2022, Mme [M] [Aa] épouse [Ab] a relevé appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 16 décembre 2022, Mme [M] [Aa] épouse [Z] demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris
- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes.
A défaut
- condamner Mme [R] à lui payer la somme de 8 579.90 euros et à défaut celle de 2 863.30 euros au titre de sa contribution au coût de la réparation du mur mitoyen.
- fixer la part contributive des indivisaires à 5 % concernant [P] [T], [Cadastre 7],5 % concernant [M] [Ab] née [T] et [F], [A], [X] [N]
ensemble celle de 47,5 %.
- dire n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre,
- condamner Mme [R] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Laurent Bertin, avocat sur son affirmation de droit.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 2 février 2023, Mme [P] [T], assistée de son curateur, demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris,
- condamner Mme [R] à rembourser la moitié du montant des travaux de réfection du mur mitoyen,
- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes, à titre principal ou à titre subsidiaire, et notamment de ses demandes au titre d'un prétendu trouble de jouissance et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et des dépens,
- statuer ce que de droit sur la demande de Mme [M] [Z] en fixation de la part contributive des indivisaires au titre des travaux,
- condamner Mme [R], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [R], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 29 novembre 2022, Mme [R] demande à la cour de:
- confirmer le jugement,
- débouter Mme [Ab] et Mme [T] de leurs demandes de réformation du jugement du tribunal judiciaire du 3 mars 2022, et de condamnation de Mme [R], fins et conclusions ;
Y ajoutant
- condamner les consorts [T], co-indivisaires, à lui verser la somme de 3.000 €, et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner les consorts [T], co-indivisaires, aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise et ceux d'appel.
A titre subsidiaire
si la cour réformait le jugement dont appel sur la demande de condamnation à réaliser
les travaux sur le fondement des dispositions de l'
article 1244 du code civil🏛,
- juger que les consorts [T], co-indivisaires, sont responsables d'un trouble anormal du voisinage en raison des désordres causés par l'effondrement du mur leur appartenant au préjudice de Mme [R].
En conséquence,
- condamner les consorts [T], co-indivisaires, à devoir faire procéder aux travaux de réfection du mur leur appartenant, outre la réfection de la partie basse du mur appartenant à Mme [R] en raison des dégradations consécutives à ce défaut d'entretien,
- condamner les consorts [T], co-indivisaires, à lui verser la somme de 3.000 € et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [T], co-indivisaires, aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise et ceux d'appel.
MM [F] et [A] [N], et Mme [Ae] [N] n'ont pas constitué avocat.
La déclaration d'appel et les conclusions leur ont été signifiées respectivement les 9, 7 et 2 septembre 2022.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la propriété du mur séparatif
Mme [Z] soutient que le mur séparatif entre les propriétés des consorts [Aa] et de M et Mme [Ad] est mitoyen. Elle fait notamment valoir que:
- le statut du mur devant être fixé au regard de l'usage qu'en font les propriétaires des fonds contigus, doit être pris en compte le fait que Mme [R] a ancré sur le mur un appentis lui appartenant.
- si le mur séparatif est la propriété exclusive des propriétaires du fonds [T], il doit être présumé que le mur est mitoyen dans sa totalité,
- le défaut d'entretien ne peut être imputable aux seuls propriétaires du fonds [T] alors que le mur, mitoyen, est dégradé du seul côté de Mme [R].
Mme [P] [T] soutient également que le mur est mitoyen. Elle fait notamment valoir que:
- les parties s'accordent sur la mitoyenneté du mur de clôture, la question étant de savoir si sa surélévation est mitoyenne,
- aucun élément objectif ne permet de démontrer la non-mitoyenneté.
Mme [R] soutient que le mur séparatif est la propriété des consorts [T] en sa partie supérieure à l'héberge du toit de son appentis. Elle fait notamment valoir que:
- l'expert a retenu une mitoyenneté uniquement sur la partie basse du mur, jusqu'au faîte du toit de son appentis,
- le mur dégradé, au dessus de cet appentis, est un mur de construction du bâtiment [T] et pas seulement un mur de clôture,
- il existe une marque de non-mitoyenneté qui est caractérisée lorsque la sommité du mur est droite et à plomb de son parement d'un côté et inclinée de l'autre côté, ainsi que l'
article 654 du code civil🏛 l'énonce,
- elle est propriétaire du mur de clôture, mais les désordres ne concernent que la partie haute, considérée par l'expert comme propre à l'indivision, notamment au regard de la sommité du mur dont le pan est incliné du côté de leur propriété,
- peu importe la discussion relative au caractère mitoyen ou propre de la base du mur.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les
articles 653 et 654 du code civil🏛 ont retenu :
- que s'agissant de la partie inférieure au sommet de la toiture de l'appentis situé sur la parcelle de Mme [R] et qui prend ancrage dans le mur, il y a lieu de faire application de la présomption de mitoyenneté jusqu'à l'héberge, énoncée à l'article 653 du code civil, ce dont les parties conviennent,
- que s'agissant de la partie supérieure, située au delà de l'héberge, il convient de rechercher les indices d'un intérêt exclusif ou commun de ce mur, lesquels résultent du fait que le toit du bâtiment édifié sur la parcelle des consorts [T] prend appui sur le mur, les poutres de ce bâtiment venant jusqu'au mur et étant prises dans ce mur, ainsi qu'il a été constaté par l'expert judiciaire.
Dès lors, par confirmation du jugement, il convient de retenir que la partie du mur située au-dessus du sommet de la toiture de l'appentis de Mme [Ad] appartient aux consorts [T].
2. Sur la responsabilité au titre des bâtiments en ruine
Mme [Ab] et Mme [P] [T] soutiennent que leur responsabilité ne peut être retenue sur le fondement de la responsabilité au titre des bâtiments en ruine. Elles font notamment valoir que:
- l'article 1244 du code civil qui institue la responsabilité du fait des bâtiments en ruine n'est pas applicable dans les rapports entre les copropriétaires mitoyens,
- la preuve de la ruine du mur, qui se distingue d'un risque hypothétique de dommage, n'est pas rapportée,
- l'expert a uniquement constaté un enduit dégradé,
- aucune faute ne peut leur être reprochée alors même qu'il s'agit d'une responsabilité fondée sur le défaut d'entretien,
- seul l'usufruitier est tenu aux réparations d'entretien,
- compte tenu du caractère mitoyen du mur, Mme [R] doit supporter le coût de la moitié des dépenses de réparation.
Mme [Ab] soutient en outre que Mme [R] doit être condamnée à lui payer la somme de 8 579, 90 euros et à défaut celle de 2 863,30 euros au titre de sa contribution au coût de la réparation du mur mitoyen. Elle fait notamment valoir que les réparations ont été réalisées suite au jugement, à titre conservatoire, et elle a réglé 50% de la facture de l'entreprise mandatée paAf M. [N].
Mme [P] [T] demande que Mme [R] soit condamnée à rembourser la moitié du montant des travaux de réfection du mur.
Mme [R] soutient que la responsabilité des consorts [T] est engagée. Elle fait notamment valoir que:
- la ruine du mur est établie par les photos et a été constatée par l'expert,
- la partie basse, qui lui appartient, a subi des dégradations du fait du défaut d'entretien de la partie haute par consorts [T],
- les dispositions de l'article 1244 du code civil sont applicables du fait du caractère non mitoyen du mur en sa partie supérieure à l'héberge du toit de son appentis,
- il s'agit d'un régime de responsabilité sans faute,
-à titre subsidiaire, la responsabilité des consorts [T] est engagée sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les termes de l'article 1244 du code civil ont retenu :
- que la responsabilité est attachée à la qualité de propriétaire, tous les propriétaires indivis répondant in solidum des dommages causés par le bâtiment en ruine, dès lors que la ruine est arrivée par un défaut d'entretien ou par un vice de sa construction, les propriétaires ne pouvant s'exonérer de leur responsabilité qu'en démontrant l'existence d'une cause étrangère,
- qu'il résulte des photographies et des constatations de l'expert judiciaire que des éléments de construction du mur, à savoir des pans d'enduit, sont tombés de la partie supérieure du mur et qu'en l'absence de travaux, de nouvelles chutes de matériaux se produiront, ce qui caractérise une ruine de la partie supérieure du mur,
- qu'il résulte des constations de l'expert judiciaire que la ruine du bâtiment provient d'un défaut d'entretien, le mur en pisé ayant été déstructuré par les intempéries et les insectes en l'absence de toute protection,
- que la circonstance que ce défaut d'entretien ait commencé du vivant de [K] [T] est sans incidence sur la responsabilité des propriétaires actuels, qui sont seuls tenus de répondre des dommages causés par la ruine du bâtiment,
- qu'il résulte des constatations de l'expert judiciaire que le défaut d'entretien de la partie haute du mur l'a exposé aux intempéries, de sorte que l'humidité s'est infiltrée à l'intérieur du mur jusqu'à sa partie inférieure, ainsi qu'à l'action des insectes, qui se sont déplacés à l'intérieur du mur, de sorte que le dommage est établi et doit conduire les appelants à réparer tant la partie haute que la partie basse du mur.
Pour confirmer le jugement ayant retenu la responsabilité des consorts [T] sur le fondement de l'article 1244 du code civil, la cour ajoute que:
- il a été précédemment retenu que la partie du mur située au-dessus du sommet de la toiture de l'appentis de Mme [Ad] appartient aux consorts [T], de sorte que le moyen qu'ils invoquent, selon lequel les dispositions de l'article 1244 du code civil seraient inapplicables dans les rapports entre les copropriétaires mitoyens, est inopérant,
- l'expert ayant constaté, photographies à l'appui, que « le mur litigieux, sur sa partie haute surélevée pour réaliser l'appentis propriété de l'indivision, est en pisé de terre de piètre facture. Son enduit est tombé et continue à tomber par plaques chez Mme [R], faute de protection par un débord de toiture et sous l'effet des insectes qui y font des galeries. L'humidité apportée par les pluies battantes fait gonfler le pisé de terre qui sous l'effet de la sécheresse en été accélère son décompactage jusqu'à aller à sa ruine faute d'entretien », l'état de ruine est établi,
- si le régime de responsabilité de l'article 1244 du code civil est fondé sur le défaut d'entretien, il ressort des constatations de l'expert que la ruine de la partie supérieure du mur a entraîné un affaiblissement de sa partie inférieure, de sorte que c'est le mur dans son intégralité qui doit être réparé, les travaux de réparation consistant en un piquage de toutes les parties destructurées, de les reconstituer par des matériaux sains se mariant avec le pisé de terre et de refaire un enduit à la chaux, ce qui aux termes des trois devis qui ont été présentés, représente un coût allant de 8 594 euros à 11.995 euros, réévalué par l'expert à la somme de 17.000 euros. Les réparations en cause consistent donc en de grosses réparations, au sens de l'
article 605 du code civil🏛, dont les propriétaires sont tenus, étant précisé que l'alinéa 2 de ce texte prévoit que lorsque ces réparations ont été occasionnées par un défaut d'entretien, l'usufruitier en est tenu avec les propriétaires, ce qui n'est donc pas de nature à les exonérer, contrairement à ce qu'ils prétendent,
- il ressort des constatations de l'expert judiciaire que c'est la partie haute du mur, propriété exclusive des consorts [T], qui est à l'origine de la ruine du mur dans son intégralité, de sorte qu'ils sont seuls tenus aux réparations, quand bien même le mur serait mitoyen dans sa partie basse.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement ayant retenu la responsabilité des consorts [T] sur le fondement de l'article 1244 du code civil et les a condamnés, sous astreinte, à faire procéder aux travaux de réfection du mur séparant la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 7] de la parcelle voisine cadastrée section B n°[Cadastre 8] sur la commune de [Localité 11], hors partie habitable et hors mur de clôture, du sol jusqu'au sommet du mur.
Mme [Ab] et Mme [P] [T] sont, par voie de conséquence, déboutées de leur demande tendant à voir condamner Mme [R] à leur payer une contribution au coût de la réparation du mur.
3. Sur le règlement de la succession et le partage de responsabilité entre indivisaires
Mme [Z] soutient, en premier lieu, que s'agissant de la répartition entre les indivisaires, le jugement doit être annulé, en ce qu'il a statué sur les droits des consorts [T] dans la succession alors que cela ne lui était pas demandé.
Elle soutient, en second lieu, qu'il appartient à la cour de statuer sur le partage de responsabilité entre les coindivisaires en fixant la quote-part devant rester à la charge de chacun, en retenant qu'elle gardera à sa charge avec les consorts [N] 47,5 % du coût des travaux et Mme [P] [T] 5% compte tenu de la valeur de l'usufruit fiscal.
Mme [P] [T] demande que la cour apprécie la demande en fixation de la part contributive des indivisaires au titre des travaux.
Réponse de la cour
En premier lieu, à défaut pour Mme [Z] de demander l'annulation du jugement dans le dispositif de ses conclusions, la cour n'est pas saisie de cette demande.
En second lieu, s'agissant de la part contributive de chacun des co indivisaires, celle-ci doit être fixée en proportion de leurs droits dans la succession.
Mme [P] [T] dispose, en sa qualité de conjoint survivant, en application de l'
article 767 du code civil🏛, dans sa rédaction en vigueur au 26 novembre 1999, de l'usufruit sur le quart de la succession, ce qu'elle ne conteste pas.
Par ailleurs, il n'est pas plus contesté que Mme [Ab], d'une part, les consorts [Af], qui viennent en représentation dans les droits de leur mère décédée, d'autre part, disposent chacun de 3/8ème en pleine propriété et 1/8ème en nue propriété.
Dès lors, il convient, par infirmation du jugement, de faire droit à la demande de Mme [Z] et de fixer la part contributive des indivisaires comme suit:
- 5% (25% X 20%) concernant Mme [P] [T],
- 47,5% concernant Mme [Ab],
- 47,5% concernant les consorts [Af].
4. Sur les autres demandes
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont condamné Mme [P] [T], Mme [Ab] et les consorts [Af] à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [R], en appel. Mme [P] [T] et Mme [Z] sont condamnées à lui payer à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [Ag] [T] et Mme [Ab], qui succombent en leurs demandes principales.