Jurisprudence : CJCE, 19-02-2002, aff. C-309/99, Price Waterhouse Belastingadviseurs BV c/ Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten

CJCE, 19-02-2002, aff. C-309/99, Price Waterhouse Belastingadviseurs BV c/ Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten

A0074AYE

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CJCE, 19-02-2002, aff. C-309/99, Price Waterhouse Belastingadviseurs BV c/ Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1083365-cjce-19022002-aff-c30999-price-waterhouse-belastingadviseurs-bv-c-algemene-raad-van-de-nederlandse-o
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Abstract

Par un arrêt du 19 février 2002, la Cour européenne de Justice a décidé que la réglementation néerlandaise interdisant la collaboration intégrée entre avocats et experts-comptables était conforme au droit européen.





ARRÊT DE LA COUR

19 février 2002 (1)

"Ordre professionnel - Ordre national d'avocats - Réglementation par l'Ordre de l'exercice de la profession - Interdiction des collaborations intégrées entre avocats et experts-comptables - Article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) - Association d'entreprises - Restriction de concurrence - Justifications - Article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) - Entreprise ou groupement d'entreprises - Articles 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE) - Applicabilité - Restrictions - Justifications"

Dans l'affaire C-309/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Raad van State (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

J. C. J. Wouters,

J. W. Savelbergh,

Price Waterhouse Belastingadviseurs BV

et

Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten,

en présence de:

Raad van de Balies van de Europese Gemeenschap,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 3, sous g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous g), CE], 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE), ainsi que 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, M. Wathelet (rapporteur), R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Wouters, par Mes H. Gilliams et M. Wladimiroff, advocaten,

- pour M. Savelbergh et Price Waterhouse Belastingadviseurs BV, par Mes D. van Liedekerke et G. J. Kemper, advocaten,

- pour l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, par Mes O. W. Brouwer, F. P. Louis et S. C. van Es, advocaten,

- pour le Raad van de Balies van de Europese Gemeenschap, par Me P. Glazener, advocaat,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement danois, par M. J. Molde, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par MM. A. Dittrich et W.-D. Plessing, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mmes K. Rispal-Bellanger et R. Loosli-Surrans et M. F. Million, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Stix-Hackl, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement de la principauté de Liechtenstein, par M. C. Büchel, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils et B. Mongin, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Wouters, représenté par Me H. Gilliams, de M. Savelbergh et Price Waterhouse Belastingadviseurs BV, représentés par Mes D. van Liedekerke et G. J. Kemper, de l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, représenté par Mes O. W. Brouwer et W. Knibbeler, advocaat, du Raad van de Balies van de Europese Gemeenschap, représenté par Me P. Glazener, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. S. van den Oosterkamp, en qualité d'agent, du gouvernement allemand, représenté par M. A. Dittrich, du gouvernement français, représenté par M. F. Million, du gouvernement luxembourgeois, représenté par M. N. Mackel, en qualité d'agent, assisté de Me J. Welter, avocat, du gouvernement suédois, représenté par M. I. Simfors, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. W. Wils, à l'audience du 12 décembre 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 2001,

rend le présent

Arrêt

1. Par arrêt du 10 août 1999, parvenu à la Cour le 13 août suivant, le Raad van State a posé, en application de l'article 234 CE, neuf questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 3, sous g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous g), CE], 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE), ainsi que 85, 86 et 90 du traité CE (devenus articles 81 CE, 82 CE et 86 CE). 2. Ces questions ont été soulevées à l'occasion de recours introduits notamment par des avocats contre le refus de l'Arrondissementsrechtbank te Amsterdam d'annuler des décisions du Nederlandse Orde van Advocaten (ordre néerlandais des avocats) refusant d'annuler des décisions de comités de surveillance des ordres des avocats des arrondissements d'Amsterdam et de Rotterdam leur interdisant d'exercer leur activité d'avocat en collaboration intégrée avec des experts-comptables. Le cadre juridique national

3. L'article 134 de la Constitution du royaume des Pays-Bas a trait à la création et au régime juridique des organismes publics. Il dispose:

"1. Des organismes publics à vocation professionnelle ou d'autres organismes publics peuvent être constitués et dissous par ou en vertu de la loi. 2. La loi détermine les missions et l'organisation de ces organismes publics, leur composition et les pouvoirs de leurs organes directeurs, ainsi que la publicité de leurs débats. Leurs organes directeurs peuvent se voir accorder un pouvoir réglementaire par ou en vertu de la loi. 3. La loi organise le contrôle de ces organes directeurs. Leurs décisions ne pourront être annulées que pour violation du droit ou de l'intérêt général."

L'Advocatenwet

4. En application de cette disposition a été adoptée la loi du 23 juin 1952 créant l'ordre néerlandais des avocats et fixant le règlement d'ordre intérieur et les règles disciplinaires applicables aux avocats et aux procureurs (ci-après l'"Advocatenwet"). 5. Aux termes de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de cette loi:

"1. L'ensemble des avocats inscrits aux Pays-Bas constitue l'ordre néerlandais des avocats, qui est un organisme de droit public au sens de l'article 134 de la Constitution, établi à La Haye. 2. L'ensemble des avocats inscrits auprès d'un même tribunal constitue l'ordre des avocats de l'arrondissement concerné."

6. Les articles 18, paragraphe 1, et 22, paragraphe 1, de l'Advocatenwet disposent que l'ordre néerlandais des avocats et les ordres des arrondissements sont dirigés respectivement par l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten (Conseil général de l'ordre néerlandais des avocats, ci-après le "Conseil général") et par les raden van toezicht van de Orden in de arrondissementen (comités de surveillance des ordres des arrondissements, ci-après les "comités de surveillance"). 7. Les articles 19 et 20 de l'Advocatenwet organisent l'élection des membres du Conseil général. Ceux-ci sont élus par le College van Afgevaardigden (ci-après le "Collège des délégués"), dont les membres sont eux-mêmes élus dans le cadre de réunions des ordres des arrondissements. 8. Aux termes de l'article 26 de l'Advocatenwet:

"Le Conseil général et les comités de surveillance veillent à l'exercice correct de la profession et sont habilités à prendre toute mesure de nature à y contribuer. Ils défendent les droits et les intérêts des avocats en tant que tels, veillent au respect des obligations de ceux-ci et accomplissent les missions qui leur sont imparties par voie de règlement."

9. L'article 28 de l'Advocatenwet dispose:

"1. Le Collège des délégués peut arrêter des règlements dans l'intérêt de l'exercice correct de la profession, y compris des règlements en matière de soins aux avocats atteints par l'âge ou par une incapacité professionnelle totale ou partielle, ainsi qu'aux proches parents d'avocats décédés. Le Collège arrête en outre les règlements nécessaires en matière d'administration et d'organisation de l'ordre néerlandais des avocats. 2. Les propositions de règlement sont soumises au Collège des délégués par le Conseil général ou par cinq délégués au moins. Le Conseil général peut inviter les comités de surveillance à donner leur avis sur un projet de règlement avant de le soumettre au Collège des délégués. 3. Les règlements sont communiqués dès leur adoption au ministère de la Justice et publiés au journal officiel."

10. L'article 29 de l'Advocatenwet précise:

"1. Les règlements lient les membres de l'ordre national et les avocats visiteurs [...]. 2. Ils ne peuvent contenir aucune disposition afférente à des points réglés par ou en vertu de la loi, ni concerner des matières qui, en raison de la diversité des situations dans chaque arrondissement, ne se prêtent pas à des dispositions générales. 3. Les dispositions des règlements traitant d'un sujet réglé par ou en vertu de la loi cessent de plein droit de produire leurs effets."

11. Il ressort des articles 16b et 16c de l'Advocatenwet qu'il faut entendre par "avocats visiteurs" les personnes qui ne sont pas inscrites comme avocat aux Pays-Bas, mais qui sont autorisées à exercer leur activité professionnelle dans un autre État membre de l'Union européenne sous le titre d'avocat ou sous un titre équivalent. 12. L'article 30 de l'Advocatenwet dispose:

"1. Les décisions du Collège des délégués, du Conseil général ou des autres organes de l'ordre néerlandais des avocats peuvent être suspendues ou annulées par arrêté royal dans la mesure où elles sont contraires au droit ou à l'intérêt général. 2. La suspension ou l'annulation s'opère dans un délai de six mois à compter de la communication visée à l'article 28, paragraphe 3, ou, lorsqu'il s'agit d'une décision du Conseil général ou d'un autre organe de l'ordre néerlandais des avocats, dans les six mois de sa notification au ministre de la Justice, par arrêté motivé fixant, le cas échéant, la durée de la suspension. 3. La suspension interrompt immédiatement l'effet des dispositions suspendues. La durée de la suspension ne peut excéder un an, même après prolongation. 4. Si l'annulation n'est pas prononcée par arrêté royal dans le délai fixé pour la suspension, la décision suspendue est réputée valable. 5. L'annulation emporte l'annulation de tous les effets annulables des dispositions annulées, sauf décision contraire par arrêté royal."

La Samenwerkingsverordening 1993

13. En vertu de l'article 28 de l'Advocatenwet, le Collège des délégués a arrêté la Samenwerkingsverordening 1993 (règlement de 1993 sur la collaboration). 14. L'article 1er de la Samenwerkingsverordening 1993 définit la notion de "lien de collaboration" comme "toute collaboration dans le cadre de laquelle les participants exercent leur profession pour leur compte collectif et en partageant les risques, ou en se partageant, à cet égard, la direction ou la responsabilité finale."

15. L'article 2 de la Samenwerkingsverordening 1993 prévoit:

"1. L'avocat n'est pas autorisé à contracter ou à faire perdurer des obligations pouvant porter atteinte à sa liberté et à son indépendance dans l'exercice de sa profession, y compris la défense de l'intérêt partisan et la relation de la confiance entre l'avocat et son client qui en est le corollaire. 2. La disposition du paragraphe 1 est également applicable à l'avocat qui ne travaille pas dans un lien de collaboration avec des confrères ou des tiers."

16. Aux termes de l'article 3 de la Samenwerkingsverordening 1993:

"L'avocat n'est autorisé à contracter ou à faire perdurer un lien de collaboration qu'à la condition que la profession de chacun des participants ait pour principal objet l'exercice de la pratique du droit."

17. L'article 4 de la Samenwerkingsverordening 1993 dispose:

"L'avocat n'a le droit de conclure ou de laisser perdurer une collaboration qu'avec:

a) d'autres avocats inscrits aux Pays-Bas;

b) d'autres avocats non inscrits aux Pays-Bas, dans le respect des dispositions de l'article 5;

c) des membres d'une autre catégorie professionnelle agréée à cet effet par le Conseil général conformément à l'article 6."

18. Aux termes de l'article 6 de la Samenwerkingsverordening 1993:

"1. L'agrément visé à l'article 4 sous c) peut être octroyé à condition:

a) que les membres de cette autre catégorie professionnelle exercent une profession libérale; et

b) que l'exercice de cette profession soit subordonné à la possession d'un diplôme de l'enseignement universitaire ou assimilé; et

c) que les membres de cette autre catégorie professionnelle soient soumis à des règles disciplinaires comparables à celles imposées aux avocats; et

d) que le fait de contracter un lien de collaboration avec des membres de cette autre catégorie professionnelle ne soit pas contraire aux dispositions des articles 2 et 3. 2. L'agrément peut aussi être octroyé à une branche d'une catégorie professionnelle. Dans ce cas, les conditions énumérées au paragraphe 1, sous a) à d), sont applicables mutatis mutandis, sans préjudice du pouvoir du Conseil général de fixer des conditions supplémentaires. 3. Le Conseil général consulte le Collège des délégués avant de prendre une décision telle que visée aux paragraphes précédents du présent article."

19. L'article 7, paragraphe 1, de la Samenwerkingsverordening 1993 dispose:

"L'avocat évite, dans ses contacts avec l'extérieur, de présenter de manière inexacte, trompeuse ou incomplète toute forme de collaboration à laquelle il participe, y compris un lien de collaboration."

20. En vertu de l'article 8 de la Samenwerkingsverordening 1993:

"1. Tout lien de collaboration doit obligatoirement porter un nom collectif pour tous les contacts avec l'extérieur. 2. Le nom collectif ne peut être de nature à induire en erreur. [...]

3. L'avocat qui participe à un lien de collaboration est tenu de fournir, sur demande, une liste mentionnant le nom des participants au lien de collaboration en question, leur profession et leur lieu d'établissement. 4. Tout document écrit émanant d'un lien de collaboration doit mentionner le nom, la qualité et le lieu d'établissement du signataire de ce document."

21. Enfin, aux termes de l'article 9, paragraphe 2, de la Samenwerkingsverordening 1993:

"L'avocat ne coopère ni à l'établissement ni à la modification d'une collaboration avant que le comité de surveillance n'ait déterminé si les modalités d'établissement ou de modification de la collaboration, y compris son mode de représentation extérieure, satisfont aux dispositions prises par ou en vertu du présent règlement."

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