CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 537 F-B
Pourvoi n° U
21-23.216⚖️ R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024
1°/ M. [N] [W],
2°/ Mme [Aa] [Ab], épouse [W], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de M. [N] [W],
3°/ M. [Ac] [W],
tous trois domiciliés [Adresse 9],
4°/ Mme [H] [W], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de sa fille [P] [Y], née le … … …,
5°/ [P] [Y],
toutes deux domiciliées [Adresse 4],
6°/ Mme [M] [W], domiciliée [Adresse 9],
7°/ Mme [K] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° U 21-23.216 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [10], dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [Ad] [C], domicilié [… …],
3°/ à M. [A] [F], domicilié [… …],
4°/ à la caisse de mutualité sociale agricole de Saône-et-Loire, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à l'Etablissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de [Localité 8] [Localité 11], dont le siège est [Adresse 1],
6°/ au Centre de formation professionnelle et de promotion agricole [Localité 8] [Localité 11], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [N] [W], Mme [Aa] [Ab], épouse [W], en son nom personnel et en qualité de tutrice de M. [N] [W], M. [Ac] [W], Mme [H] [W], en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [P] [Y], [P] [Y], Mme [M] [W] et Mme [K] [X], épouse [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [10], de l'Etablissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de [Localité 8] [Localité 11] et du Centre de formation professionnelle et de promotion agricole [Localité 8] [Localité 11], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 juin 2021), M. [N] [W] (l'apprenti) a été victime d'un accident du travail le 15 novembre 2007 alors qu'il était en formation, en exécution de son contrat d'apprentissage, dans l'un des centres de formation professionnelle et de promotion agricole (le CFPPA) de l'Etablissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de [Localité 8] [Localité 11] (l'EPLEFPA).
2. L'apprenti a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable du CFPPA. Le maître d'apprentissage (l'employeur) a été appelé en la cause. Par arrêt du 5 mai 2017, une cour d'appel a dit que le CFPPA avait commis une faute inexcusable, dont devait répondre l'employeur.
3. L'apprenti, Mme [I] [W], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de ce dernier, Mme [M] [W], Mme [H] [W], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de sa fille [P] [Y], M. [Ac] [W] et Mme [O] (les demandeurs) ont saisi un tribunal de grande instance d'une demande d'indemnisation des préjudices non déjà réparés dirigée contre l'EPLEFPA, la société [10], son assureur (la [10]), le CFPPA, ainsi que les deux formateurs, MM. [F] et [C] (les formateurs), condamnés par un jugement correctionnel définitif du 14 novembre 2011 pour blessures involontaires sur la personne de l'apprenti.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, en tant qu'il concerne l'apprenti
Enoncé du moyen
5. L'apprenti et sa tutrice font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action, alors « que, selon l'
article L. 454-1 du code de la sécurité sociale🏛, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation sur les accidents du travail ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors refuser à la victime et ses ayants droit le droit de demander contre l'organisme de formation l'indemnisation de la part du préjudice non réparé par les organismes sociaux au prétexte que « le centre de formation ne saurait être considéré comme un tiers par rapport à l'employeur », tout en constatant qu'avait seul la qualité d'employeur, en l'espèce le maître d'apprentissage, ce dont elle aurait dû déduire que le centre de formation avait bien la qualité de tiers par rapport à l'employeur ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, elle a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation sur les accidents du travail.
7. L'arrêt constate que l'apprenti, durant sa formation au CFPPA, a fait une chute de grande hauteur alors qu'il était placé sous l'autorité de ses formateurs, salariés de l'EPLEFPA, qui étaient chargés de lui apprendre les techniques pour grimper aux arbres dans le cadre de sa formation d'élagueur. Il relève que cette formation s'effectuait tant en entreprise, auprès du maître d'apprentissage, qu'au CFPPA.
8. De ses constatations, dont elle a fait ressortir que le CFPPA, l'EPLEFPA dont il dépend, et les préposés de ce dernier ne pouvaient être considérés comme des tiers par rapport à l'employeur, la cour d'appel a exactement déduit que l'apprenti et sa tutrice n'étaient pas recevables à agir à leur encontre sur le fondement de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale.
9. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.
Et sur le second moyen
10. En l'état du rejet du premier moyen en tant qu'il concerne l'apprenti, le second moyen qui tend à une cassation par voie de conséquence, est, dès lors, sans objet.
Mais sur le moyen relevé d'office
11. Après avis donné aux parties conformément à l'
article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les
articles L. 434-7 à L. 434-14 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale🏛🏛 :
12. Il résulte des premiers de ces textes que l'expression d'ayant droit figurant au dernier vise uniquement les personnes énumérées par ceux-ci qui perçoivent des prestations en cas de décès de leur auteur.
13. Pour débouter Mme [I] [W], agissant en son nom personnel, Mme [M] [W], Mme [H] [W], agissant en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille [P] [Y], M. [Ac] [W] et Mme [Ab] de leur demande, l'arrêt retient que le CFPPA, l'EPLEFPA dont il dépend, et les préposés de ce dernier ne pouvaient être considérés comme des tiers par rapport à l'employeur.
14. En statuant ainsi, alors que ces demandeurs n'avaient pas la qualité d'ayants droit de l'apprenti, de sorte qu'ils pouvaient demander réparation de leurs préjudices selon les règles de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
15. La cassation sur le moyen relevé d'office, en tant qu'il concerne Mme [I] [W], agissant en son nom personnel, Mme [M] [W], Mme [H] [W], agissant en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille [P] [Y], M. [Ac] [W] et Mme [Ab], entraîne par voie de conséquence, en application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation de l'arrêt en ce qu'il confirme le jugement qui déclare irrecevable l'action de ces derniers à l'encontre de la [10].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui déclare irrecevable l'action de M. [N] [W] et de Mme [Aa] [W], agissant en qualité de tutrice de ce dernier, à l'encontre de l'Etablissement public local d'enseignement et de formation professionnelles agricoles de [Localité 8] [Localité 11], du Centre de formation professionnelle et de promotion agricole de [Localité 8] [Localité 11], de la [10] et de MM. [F] et [C], l'arrêt rendu le 29 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'Etablissement public local d'enseignement et de formation professionnelles agricoles de [Localité 8] [Localité 11], le Centre de formation professionnelle et de promotion agricole de [Localité 8] [Localité 11], la [10] et MM. [F] et [C] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.