Jurisprudence : Cass. soc., 06-02-2002, n° 00-60.488, FS-P, Rejet.



SOC.
ELECTIONSN.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 6 février 2002
Rejet
M. BOUBLI, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° Y 00-60.488
Arrêt n° 553 FS P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par

1°/ Mme Michèle Z, épouse Z, demeurant Nice,

2°/ M. Alain Y, demeurant Nice,

3°/ M. Michel X, demeurant Nice,

4°/ M. Michel X, demeurant Nice,

5°/ M. Mario W, demeurant Nice,

6°/ le Comité d'établissement du Crédit commercial de France (CCF) de Nice, dont le siège est Nice,
en cassation d'un jugement rendu le 11 décembre 2000 par le tribunal d'instance de Paris 8e (élections professionnelles), au profit

1°/ du Crédit commercial de France (CCF), dont le siège est Paris,

2°/ de Mme Patricia V, demeurant Meulan,

3°/ de M. Gérard U, demeurant Nice,

4°/ de Mme Evelyne T, demeurant Arnouville,

5°/ de M. Yves S, demeurant Mareil-Marly,

6°/ de la Fédération banques CFDT, dont le siège est Paris,

7°/ de la Fédération banques FO, dont le siège est Paris,

8°/ de la Fédération des secteurs financiers CGT, dont le siège est Paris Montreuil Cedex,

9°/ de la Fédération banques CFTC, dont le siège est Paris,

10°/ de la Fédération banques CGC-SNB, dont le siège est Pantin Cedex,
défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2001, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Coeuret, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Bouret, Lanquetin, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Coeuret, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme Z et de MM. Y, X, X, W et du Comité d'établissement du Crédit commercial de France (CCF) de Nice, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme V et de la Fédération banques CFDT, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit commercial de France, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que, par requête en date du 6 octobre 2000, Mme Z, MM. Y, X, X, W et ... ... d'établissement du Crédit commercial de France de Nice ont saisi le tribunal d'instance afin de voir annuler les élections des administrateurs salariés du Crédit commercial de France (CCF) intervenues entre le 20 août et le 21 septembre 2000 et, subsidiairement, annuler l'élection de Mme Evelyne T et déclarer irrégulière la liste "indépendants 1" au motif que certaines irrégularités auraient été commises ;
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris, 11 décembre 2000) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen
1°/ que les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, sont exclus du droit d'être électeurs, quelle que soit l'institution représentative en cause ; que le tribunal d'instance, qui se contente d'affirmer, pour admettre l'égibilité du directeur de succursale, M. ..., que celui-ci n'a aucun pouvoir d'embauche, disciplinaire, ou de licenciement, sans s'expliquer sur l'existence et la portée de la délégation de pouvoirs en date du 23 juillet 1998, produite aux débats, par laquelle le directeur des affaires bancaire en France du CCF conférait au directeur de la succursale de Reims tous ses pouvoirs de direction, de contrôle, de discipline en matière de conditions de travail, de repos et de congés concernant le personnel relevant de son autorité, le tribunal d'instance a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966 ;
2°/ que, si l'affichage des listes électorales n'est pas une obligation d'ordre public de telle sorte qu'il est possible de prévoir dans un protocole d'accord préélectoral que les listes seront simplement "tenues à la disposition des électeurs", encore faut-il que le lieu et les modalités choisies permettent à tous les salariés d'avoir librement accès auxdites listes ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la contestation soulevée à ce sujet par les salariés électeurs, que les listes électorales avaient été tenues à la disposition des électeurs conformément aux dispositions du protocole d'accord préélectoral sans rechercher si le fait que ces listes ne puissent être consultées qu'à la direction des relations sociales du CCF, située à La Défense, n'empêchait pas les électeurs, notamment des établissements de province, d'exercer librement leur droit de consultation, le tribunal d'instance a privé de nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, ensemble l'article 28 du Code électoral ;
3°/ que les salariés faisaient valoir que la période de vote par correspondance ayant été fixée entre le 22 août et le 20 septembre 2000, les opérations électorales avaient ainsi débuté avant la date prévue pour l'établissement des listes électorales définitives, fixée au 6 septembre 2000 ; que le tribunal d'instance, qui n'a pas répondu à ce moyen de nature à établir l'existence d'une nouvelle irrégularité entâchant le scrutin, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4°/ que le vote par correspondance, en vertu des principes généraux du droit électoral, ne peut être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles ; que, pour valider en l'espèce l'organisation d'un vote par correspondance pour l'ensemble du personnel, prévue par le protocole d'accord préélectoral, le tribunal d'instance a retenu que ce procédé se justifiait par la nécessité de centraliser les résultats d'un scrutin intéressant pour près de 6 000 salariés dispersés sur le territoire en 40 établissements et 248 implantations géographiques ; qu'en se fondant sur de tels motifs qui ne caractérisent pas les circonstances exceptionnelles autorisant à recourir de façon généralisée à un système de vote dérogatoire, le tribunal d'instance a violé l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966 ;
5°/ que les salariés électeurs soutenaient, d'une part, que l'instauration d'un vote par correspondance pour l'ensemble du personnel avait entraîné une baisse de la participation électorale en comparaison des précédentes élections, d'autre part, que l'envoi dans le collège "technicien" de 119 enveloppes sans cartes d'émargement ou avec une carte non signée, sur un nombre de 1864 votants, et dans le collège "cadres" de 59 enveloppes sans carte d'émargement, avait eu une incidence sur les résultats du scrutin aussi bien dans le 1er collège où l'une des listes de présence avait obtenu un élu pour un écart de 26 voix que dans le second collège où un siège avait été attribué avec un écart de 8 voix ; que le tribunal d'instance, qui écarte la possibilité que l'utilisation du vote par correspondance ait pu fausser les résultats du scrutin, sans s'expliquer sur le faible écart existant entre les suffrages recueillis par les listes en présence, a, encore une fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
6°/ qu'enfin, en vertu des principes généraux du droit électoral applicables aux élections des administrateurs salariés dans les sociétés anonymes, le secret et la sincérité du scrutin sont garantis par le droit de contrôle reconnu aux électeurs, seuls chargés de veiller au bon déroulement des opérations de vote et de participer au dépouillement des votes ; qu'en décidant néanmoins que la mise en place, au siège d'une société de prestataires de services privés et sous la seule présence des bureaux de vote et d'une "Commission d'élection", d'un système de dépouillement automatique des votes était licite, le tribunal d'instance a violé l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, ensemble l'article 65 du Code électoral ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 513-1 du Code du travail que seuls les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise, une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise, sont exclus de l'électorat et de l'éligibilité aux fonctions de représentants du personnel pour la durée d'exercice de cette délégation particulière ; que, dès lors, le tribunal d'instance, qui a relevé que M. ... n'était responsable que d'une succursale et qu'il n'avait pas de pouvoir d'embaucher, de sanctionner ni de licencier, a pu décider qu'il pouvait être valablement électeur et éligible ;
Attendu, ensuite, que le tribunal d'instance a justement relevé que les électeurs avaient été mis à même de consulter les listes électorales ;
1. AAttendu, encore, que le tribunal d'instance, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes, après avoir constaté qu'il n'était pas contesté que les listes électorales avaient été tenues à la disposition des électeurs conformément aux dispositions du protocole d'accord électoral, a retenu que l'utilisation du vote par correspondance, qui avait été prévu par ledit protocole adopté à l'unanimité, se justifiait par la nécessité de centraliser de la façon la plus sûre les résultats d'un scrutin intéressant près de six mille électeurs dispersés sur tout le territoire national en quarante établissements et deux cent quarante-huit implantations géographiques et que le matériel utilisé garantissait le secret du vote ;
2.
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que les votes et spécialement les opérations d'émargement et de dépouillement avaient eu lieu sous le contrôle effectif de deux bureaux de vote composés d'électeurs et d'une commission électorale comprenant les représentants de chaque liste en présence, que toutes les garanties prévues par le protocole préélectoral avaient été respectées, le tribunal d'instance a pu décider que l'intervention d'un tiers, chargé d'opérations purement matérielles n'avait affecté ni la sincérité ni la loyauté des élections ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit commercial de France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, prononcé et signé par M. ..., conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du six février deux mille deux.

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