Jurisprudence : CE référé, 01-06-2024, n° 494703

CE référé, 01-06-2024, n° 494703

A84885E4

Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2024:494703.20240601

Identifiant Legifrance : CETATEXT000049654468

Référence

CE référé, 01-06-2024, n° 494703. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108207017-ce-refere-01062024-n-494703
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Abstract

► Un maire peut reporter à une date ultérieure l'organisation d'un mariage en cas de risque de troubles à l'ordre public avéré.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 494703⚖️


Séance du 01 juin 2024

Lecture du 01 juin 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, Juge des référés)


Vu la procédure suivante :

Mme A C et M. B D ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 mai 2024 par lequel le maire d'Autun a interdit le regroupement et la circulation de certaines catégories de véhicules sur certaines voies publiques de la commune du 31 mai au 2 juin 2024, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de la décision du 24 mai 2024 par laquelle le maire d'Autun a reporté à une date ultérieure l'organisation de leur mariage prévu le 1er juin 2024 et, en dernier lieu, d'enjoindre au maire d'Autun de célébrer ou de faire célébrer leur mariage le 1er juin 2024 à 14 heures sous astreinte de 10 000 euros par heure de retard.

Par une ordonnance n° 2401668 du 30 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif a, par les articles 1er et 2, fait droit à leurs conclusions à fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 mai 2024🏛🏛 et de la décision du 24 mai 2024, et par les articles 3 et 4 rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître leurs conclusions à fins d'injonction et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Autun demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C et M. D ;

3°) de mettre à la charge de Mme C et M. D la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, les futurs époux ont tardé à introduire leur demande alors qu'ils avaient connaissance du report de leur mariage dès le 18 mai 2024 et, d'autre part que, la seule proximité de la date de célébration de mariage ne saurait suffire à caractériser la condition d'urgence, les futurs époux ne justifiant pas de circonstances rendant impossible ou particulièrement difficile l'organisation de leur mariage à une date ultérieure ;

- il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale au droit de se marier et à la liberté d'aller et venir dès lors que le risque de troubles à l'ordre public est suffisamment établi pour justifier, d'une part, le report du mariage et, d'autre part, l'interdiction des cortèges liés à la célébration de mariage dans le centre-ville durant la période du 31 mai au 2 juin 2024 ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu l'exécution de la décision du 24 mai 2024 et de l'arrêté du 17 mai 2024 alors que le report du mariage et l'interdiction de circulation des véhicules de sport et de collection sont justifiés par un risque de troubles à l'ordre public établi par, en premier lieu, le comportement agressif et menaçant des futurs époux envers les parties présentes lors de la réunion de préparation du 18 mai 2024, en deuxième lieu, la confirmation par les futurs époux de la présence d'un cortège de voitures de sport avec l'intention de ne pas respecter les limitations de vitesse, en troisième lieu, les antécédents récents commis par des personnes invitées au mariage d'un membre de la famille de Mme C ayant donné lieu à des atteintes à la sécurité et à la tranquillité publiques et, en dernier lieu, la dégradation du véhicule du maire intervenue après les menaces de représailles de M. D.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2024, Mme A C et M. B D concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4500 euros soit mis à la charge de la commune d'Autun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune d'Autun et, d'autre part, Mme C et de M. D ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 1er juin 2024, à 10 heures 30 :

- Me Maman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune d'Autun

- M. le maire d'Autun ;

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C et M. D ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ".

2. Il résulte de l'instruction que, afin de prévenir le risque d'importants troubles à l'ordre public susceptibles de survenir à l'occasion de la célébration prévue le samedi 1er juin 2024 à 14 heures à la mairie d'Autun du mariage de Mme C et de M. D, le maire d'Autun a, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, adopté, d'une part, le 17 mai 2024, un arrêté interdisant, entre le 31 mai à 8 heures et le 2 juin à 20 heures, le regroupement ou la circulation de certaines catégories de véhicules sur certaines voies publiques de la commune et, d'autre part, le 24 mai 2024, une décision reportant temporairement l'organisation du mariage à une date ultérieure. La commune d'Autun relève appel de l'ordonnance du 30 mai 2024 par laquelle le juge du tribunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions présentées par Mme C et M. D aux fins de suspension de ces décisions. La requête doit être regardée, eu égard, à la teneur de son argumentation, comme dirigée contre les articles 1er et 2 de l'ordonnance qu'elle conteste.

3. Il résulte de l'instruction que, pour prendre les décisions contestées, le maire d'Autun s'est fondé sur l'ensemble des éléments recueillis au cours de la préparation du mariage en cause depuis le mois de janvier 2024, y compris une réunion préparatoire qui s'est tenue en mairie le 18 mai 2024 en présence des services de la commune et de la gendarmerie nationale et qui a donné lieu à des échanges particulièrement tendus avec les intéressés, qui ont eux-mêmes conclu la réunion sur un constat de désaccord en en claquant la porte. Ceux-ci ont à l'occasion de cette réunion, comme l'établissent plusieurs attestations et comme ils ne le contestent d'ailleurs pas, protesté avec virulence contre l'interdiction de circulation faite aux voitures de sport, motivée par le maire au regard des multiples infractions commises par de tels véhicules dans des circonstances comparables à l'occasion d'un précédent mariage d'un membre de la famille de la mariée célébré en septembre 2023. Il n'est pas sérieusement contesté que cette réunion a donné lieu à des menaces explicites. Il résulte également de l'instruction que, alors même que leur imputabilité n'est pas à ce stade établie, plusieurs incendies volontaires de véhicules ont été commis dans la commune dans la nuit du 18 au 19 mai 2024, y compris un début d'incendie volontaire de la voiture du maire, contribuant ainsi au climat de forte tension dans lequel le maire a pris la décision du 24 mai relative à l'organisation du mariage, qui ne saurait avoir que des effets très temporaires strictement nécessités par les exigences de la préservation de l'ordre public.

4. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et nonobstant la circonstance que les intéressés ont signé la " charte de bonne conduite lors des cérémonies de mariage civil " et versé des cautions de 1000 euros et 400 euros, et en dépit de leurs arguments selon lesquels un simple renforcement de la présence de la police suffirait à remédier aux risques de débordement, la commune d' Autun est fondée à soutenir que des risques suffisamment avérés de troubles graves à l'ordre public, également confirmés par à ce jour par l'intervention d'un arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 30 mai 2024, sont de nature à justifier l'arrêté du 17 mai 2024 relatif à la circulation des véhicules et la décision du 24 mai 2024 relative à l'organisation du mariage à la date envisagée. Ces deux mesures apparaissent en effet proportionnées aux nécessités de l'ordre public, un renforcement ponctuel de la présence des forces de police, à supposer qu'il soit possible, n'apparaissant pas de nature à y remédier. Par suite, les mesures contestées apparaissent légalement justifiées par les circonstances de l'espèce et ne portent aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et à la liberté de se marier, et les conclusions tendant à leur suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il appartiendra en toute hypothèse aux intéressés de se rapprocher de la commune d'Autun et à celle-ci de prendre toutes les dispositions pour que le mariage puisse être célébré dans des conditions satisfaisantes dès que les exigences de l'ordre public le permettront, le mariage devant, comme l'a relevé sans ambiguïté la commune représentée par son maire à l'audience, pouvoir se tenir dès que possible, y compris dans les heures qui viennent si les intéressés et la commune peuvent en convenir, et en toute hypothèse dans les jours qui viennent.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'appréciation de la situation d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la commune d'Autun est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions à fins de suspension de l'arrêté du 17 mai 2024 et de la décision du 24 mai 2024.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C et M. D la somme de 1500 euros chacun à verser à la commune d'Autun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que la somme demandée à ce titre par Mme C et M. D soit mise à la charge de la commune d'Autun, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'ordonnance du 30 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C et M. D devant ce tribunal et tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 mai 2024🏛 par lequel le maire d'Autun a interdit le regroupement et la circulation de certaines catégories de véhicules sur certaines voies publiques de la commune du 31 mai au 2 juin 2024 et de la décision du 24 mai 2024 par laquelle le maire d'Autun a reporté à une date ultérieure l'organisation de leur mariage prévu le 1er juin 2024 sont rejetées.

Article 3 : Mme C et M. D verseront à la commune d'Autun une somme de 1500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C et M. D au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune d'Autun ainsi qu'à Mme A C et M. B D.

Fait à Paris, le 1er juin 2024

Signé : Jean-Philippe Mochon

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