TA Rennes, du 31-05-2024, n° 2402721
A45325EL
Référence
► Le candidat à l'attribution d'un marché public doit réaliser la visite du site prévue dans le règlement de consultation.
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, la société Metalsport International, représentée par la Selas Fidal, demande au juge des référés :
1°) d'annuler, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛, la décision du 3 mai 2024 par laquelle la communauté de communes du Pays de Landivisiau a rejeté l'offre qu'elle a présentée dans le cadre du marché public relatif à l'acquisition de machines de fitness-musculation, de cardio-training, de matériel pédagogique et d'entraînement pour la piscine, espace sports et loisirs du pays de Landivisiau ;
2°) d'enjoindre à la communauté de communes du Pays de Landivisiau de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Landivisiau la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'un candidat évincé en raison de l'éventuelle irrégularité de son offre conserve son intérêt à agir à l'encontre de la procédure de passation dans le cadre du référé précontractuel ;
- la communauté de communes du Pays de Landivisiau a commis une erreur manifeste d'appréciation en qualifiant son offre d'irrégulière au regard des critères et des sous-critères de sélection des offres : aucune visite de la salle de sport n'était prévue dans le règlement de la consultation, lequel ne mentionnait aucune sanction en l'absence de visite et si cette visite était attendue, elle correspondait uniquement à un sous-critère du critère de la valeur technique noté sur 5 points et son absence ne pouvait entraîner l'éviction automatique du candidat ;
- les documents de la consultation sont imprécis sur les conséquences de l'absence de visite du site : le règlement de la consultation ne mentionne aucune visite obligatoire à peine d'irrégularité de l'offre et il ne ressort pas de la formulation des dispositions de l'article 9 du cahier des clauses techniques particulières que l'absence de visite de la salle entraînait l'irrégularité automatique de l'offre ; en outre, elle a sollicité la prise d'un rendez-vous auprès des services compétents afin d'effectuer cette visite ou le report de la date de clôture de la consultation afin d'organiser une telle visite, demande qui lui a été refusée ;
- le caractère utile de la visite du site n'est pas démontré par l'acheteur dès lors que le site correspond à une salle de sport vide dont la localisation, la configuration et les dimensions étaient connues des candidats, que le marché est un marché de fourniture sans intervention en site occupé ni prescription technique particulière et d'ailleurs cette visite n'était pas prévue dans le cadre de la première procédure déclarée sans suite par courrier du 4 avril 2024, outre qu'elle possède une expérience confirmée dans le domaine de telle sorte que l'absence de visite n'a eu aucune influence sur la présentation et la qualité de son offre ;
- elle avait une chance sérieuse de remporter le marché au regard tant du montant de son offre que de ses caractéristiques techniques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2024, la communauté de communes du Pays de Landivisiau, représentée par la Selarl Le Roy, Gourvennec, Prieur conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Metalsport International la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le règlement de la consultation faisait expressément mention de la nécessité de produire une attestation de visite du site et la société requérante n'a jamais sollicité de rendez-vous auprès de la direction de la piscine dont les coordonnées étaient notées dans le règlement de la consultation pour effectuer cette visite ;
- le sous-critère de la valeur technique intitulé " visite de la salle actuelle " ne servait pas à noter sur une échelle de 0 à 5 le fait d'avoir procédé à cette visite mais de noter l'appréciation portée dans leur mémoire technique par les candidats du besoin ;
- l'offre de la société n'a pas été appréciée au regard des critères et sous-critères mais par rapport à son contenu tel que précisé par le règlement de la consultation ;
- la visite prévue était utile : le plan fourni dans le cadre de la consultation était sommaire et ne pouvait permettre au candidat une représentation fidèle des lieux, de leur configuration et de leur aménagement, notamment s'agissant de l'insertion du projet dans son environnement visuel ;
- en l'absence de classement des candidats, il est impossible à ce stade d'évaluer les chances de la société requérante de pouvoir remporter le marché.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du Tribunal a désigné Mme Plumerault, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 mai 2024 :
- le rapport de Mme Plumerault,
- les observations de Me Rouchon, représentant la société Metalsport International, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu'il développe, expose qu'une première procédure ayant le même objet a été déclarée sans suite, que dans le cadre de cette procédure, aucune visite des lieux n'avait été prévue et que les besoins entre les deux procédures n'ont que peu évolué, souligne l'imprécision des documents de la consultation dès lors que si le règlement de la consultation prévoit qu'un certificat de visite devait être fourni, ni ce règlement ni le cahier des clauses administratives et techniques particulières n'indique que cette absence de visite conduirait à une irrégularité de l'offre alors même que cinq points sont attribués à cette visite des lieux pour la notation du critère de la valeur technique des offres, insiste sur le fait que la visite des lieux ne présentait en l'espèce aucune utilité, le site ne présentant aucune spécificité particulière, qu'un plan de la salle était fourni et qu'il ne s'agissait que du renouvellement de matériel ;
- les observations de Me Plunier, représentant la communauté de communes du Pays de Landivisiau qui reprend les mêmes termes que les écritures qu'elle développe, expose que la société Metalsport International n'a pas pu réaliser la visite des lieux qui était obligatoire uniquement parce qu'elle n'a pris connaissance du lancement de la seconde procédure que tardivement, fait valoir que cette visite des lieux était nécessaire pour apprécier les besoins et que cette visite n'est manifestement pas dépourvue d'utilité.
La clôture de l'instruction a été différée à l'issue de l'audience au mercredi 29 mai 2024 à 16 heures.
Des pièces, produites par la société Metalsport ont été enregistrées le 29 mai 2024 à 9 h 45 et 10 h 49.
Une note en délibéré, produite par la communauté de communes du Pays de Landivisiau, a été enregistrée le 29 mai 2024.
1. Par un avis de marché adressé à la publication le 8 avril 2024, la communauté de communes du Pays de Landivisiau a lancé une consultation en vue de la passation, selon une procédure adaptée, d'un marché portant sur l'acquisition de machines de fitness-musculation, de cardio-training, de matériel pédagogique et d'entraînement pour la piscine, espace sports et loisirs du pays de Landivisiau. La société Metalsport International, qui s'est portée candidate, a été informée par un courrier du 3 mai 2024 reçu le 7 mai suivant de ce que son offre était irrégulière. Elle demande, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette décision et d'enjoindre à la communauté de communes du Pays de Landivisiau de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres.
Sur l'application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique / () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code🏛 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ". Selon l'article L. 551-10 du même code🏛 : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
3. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique🏛 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".
4. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions et l'administration ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut s'affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d'utilité pour l'appréciation de l'offre, et il appartient à la juridiction saisie d'une contestation du marché de rechercher si le défaut de production d'une pièce pouvait justifier le rejet de l'offre en prenant en compte l'utilité de cette pièce pour l'appréciation de l'offre.
5. Aux termes de l'article 5.2 du règlement de la consultation, le sous-dossier offre doit notamment comprendre " l'attestation de visite du site émargée ". L'article 9 du cahier des clauses administratives et techniques particulières relatif à l'état des lieux dispose que " Une visite de la salle, sur prise de rendez-vous auprès de la direction de la piscine, doit être effectuée par les candidats afin de mesurer le besoin existant " et comporte les coordonnées du service à contacter. L'article 7.2 du règlement de la consultation prévoit par ailleurs deux critères de jugement des offres, la valeur technique et le prix des prestations, respectivement pondérés à 65 % et 35% et précise que le critère de la valeur technique est apprécié à partir de huit sous-critères, dont " visite de la salle actuelle ", noté sur 5 points.
6. Il résulte clairement de ces dispositions que la visite du site était obligatoire, contrairement à ce qui est soutenu par la société Metalsport International. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction qu'elle aurait interrogé le pouvoir adjudicateur sur le caractère obligatoire ou non de cette visite en raison d'une quelconque ambiguïté mais lui a au contraire adressé le 26 avril 2024 un courrier lui demandant expressément, dès lors qu'elle n'avait pris connaissance de l'appel d'offres que le 25 avril 2024, d'être soit dispensée de cette visite soit de voir la date limite de remise des offres, fixée au 29 avril, repoussée. La société Metalsport International ne peut davantage se prévaloir de ce que le sous-critère du critère de la valeur technique intitulé " visite de la salle actuelle " serait imprécis ou aurait été irrégulièrement mis en œuvre, dès lors que ce manquement est en tout état de cause sans rapport direct avec son éviction, qui résulte de la seule irrégularité de son offre au regard des exigences du règlement de la consultation.
7. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la visite du site imposée par le règlement de consultation devait permettre à l'ensemble des soumissionnaires d'avoir une connaissance précise du lieu d'exécution du marché pour leur permettre d'apporter une réponse la plus adéquate possible aux besoins du pouvoir adjudicateur. Si un plan du rez-de-chaussée de l'espace sportif et de loisirs ainsi qu'un plan coté de la salle de fitness-musculation ont été portés à la connaissance des candidats, ceux-ci se contentaient d'indiquer les dimensions de la salle à équiper mais ne comportait aucune information sur les branchements électriques, la luminosité, les vues sur et depuis l'extérieur et plus généralement sur l'environnement de cette salle. Dans ces conditions, la visite obligatoire prévue n'était manifestement pas dépourvue d'utilité pour l'examen des offres. La société Metalsport n'allègue pas avoir déjà une connaissance approfondie du site et de ses contraintes, qui aurait été de nature à lui permettre d'être dispensée de cette visite. Par suite, dès lors qu'elle n'a pas effectué cette visite obligatoire, le pouvoir adjudicateur était tenu d'écarter son offre comme étant irrégulière.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions d'aucune des parties à l'instance, tendant au versement à leur profit de sommes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de la société Metalsport International est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes du Pays de Landivisiau présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Metalsport International et à la communauté de communes du Pays de Landivisiau.
Fait à Rennes, le 31 mai 2024.
Le juge des référés,
signé
F. Plumerault La greffière d'audience,
signé
A. Gauthier
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Article, L551-1, CJA Candidat évincé Erreur d'appréciation Caractère utile Localisation Dimension Prescriptions techniques Chances sérieuses Mise en concurrence Pouvoirs adjudicateurs Prestation de service Intérêt public Prescriptions imposées Appréciation des offres Défaut de production