Jurisprudence : Cass. civ. 3, 30-05-2024, n° 23-10.184, FS-B, Cassation

Cass. civ. 3, 30-05-2024, n° 23-10.184, FS-B, Cassation

A97715DA

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:C300277

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049641102

Référence

Cass. civ. 3, 30-05-2024, n° 23-10.184, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108039848-cass-civ-3-30052024-n-2310184-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte de la combinaison de l'article L. 145-60 du code de commerce et du principe selon lequel la fraude corrompt tout que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d'un bail commercial


CIV. 3

FC


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mai 2024


Cassation partielle


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 277 FS-B

Pourvoi n° V 23-10.184


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024


1°/ Mme [Aa] [S], … … … [… …],

2°/ la société Gabi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° V 23-10.184 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Ab] [Ac] épouse [R], domiciliée [Adresse 4], venant aux droits de [F] [G] et [Y] [G],

2°/ à M. [H] [G], domicilié … … [… …], venant aux droits de [F] [G] et [Y] [G],

3°/ à M. [D] [G], domicilié [Adresse 2], venant aux droits de [F] [G] et [Y] [G],

4°/ à M. [Ad] [Ac], domicilié résidence l'[Adresse 7], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [J] [G],

5°/ à Mme [Ae] [Ac] épouse [T], domiciliée [Adresse 5], venant aux droits de [J] [G],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [S] et de la société Gabi, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [V] et [K] [G], de MM. [H], [D] et [L] [G], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Af, Mme Ag, M. A, Mmes Ah et Pic, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Ai et Aj, MM. Pons et Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2022), Ak [Ab] et [K] [G] et MM. [H], [D] et [L] [G] (les bailleurs) sont propriétaires d'un local commercial donné à bail successivement à Mme [S], aux termes d'un bail précaire conclu le 15 novembre 2011 pour une durée de vingt-trois mois, à la société Yoni, selon un bail dérogatoire conclu le 9 octobre 2013 pour une durée de vingt-trois mois, et à la société Gabi aux termes d'un bail dérogatoire conclu le 2 septembre 2015 pour une durée de trente-six mois.

2. Le 13 septembre 2018, les bailleurs ont délivré à la société Gabi un congé aux fins de quitter les lieux, puis, le 9 octobre 2018, une sommation de déguerpir et enfin, le 12 octobre 2018, une assignation en référé aux fins d'expulsion.

3. Le 5 novembre 2018, Mme [S] et la société Gabi, invoquant une fraude des bailleurs, les ont assignés en reconnaissance d'un bail commercial au profit de Mme [S] et en indemnisation de leur préjudice.


Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sontt manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [S] et la société Gabi font grief à l'arrêt de rejeter les inscriptions de faux, de déclarer prescrites les demandes de requalification des baux conclus les 15 novembre 2011 et 9 octobre 2013 en baux commerciaux, de dire que les relations des parties sont régies par le bail du 2 septembre 2015 qui a pris fin le 14 septembre 2018, de rejeter les demandes de nullité des actes des 13 septembre, 9 octobre et 12 octobre 2018, d'ordonner leur expulsion et de rejeter toutes leurs demandes, alors « que la fraude suspend le délai de prescription pendant la durée du contrat ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été invitée, si la conclusion le 2 septembre 2015 d'un troisième « bail précaire à loyer commercial sans bénéfice de la propriété commerciale » avec la société Gabi, ayant pour président et actionnaire Mme [Aa] [S], avec effet à compter du 15 septembre 2015 soit dans la continuité du bail précédent conclu frauduleusement avec la société Yoni le 9 octobre 2013 avec effet le 15 octobre 2013, n'était pas lui-même entaché de fraude de sorte qu'aucune prescription ne pouvait être opposée par les consorts [Ac], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble l'article L. 145-5 du code de commerce🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les bailleurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait.

7. Cependant, Mme [S] et la société Gabi soutenaient explicitement devant la cour d'appel qu'en présence d'une fraude, celle-ci corrompant tout, le délai biennal de prescription s'était trouvé suspendu.

8. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 145-5, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et L. 145-60 du code de commerce🏛 et le principe selon lequel la fraude corrompt tout :

9. Selon le premier de ces textes, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut du bail commercial à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans. Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail statutaire.

10. Il résulte de la combinaison du second et du principe cité que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d'un bail commercial.

11. Pour déclarer prescrite l'action de Mme [S] et de la société Gabi en requalification des baux conclus les 15 novembre 2011 et 9 octobre 2013, l'arrêt retient qu'elle a été engagée plus de cinq années après la conclusion de ces contrats.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fraudes, dont l'existence était invoquée, n'étaient pas de nature à suspendre le délai de prescription, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation des dispositions de l'arrêt, déclarant irrecevables comme prescrites les actions en requalification des baux du 15 novembre 2011 et du 9 octobre 2013, disant que le bail du 2 septembre 2015 a pris fin le 14 septembre 2018 et que la société Gabi est occupante sans droit ni titre des locaux situés au [Adresse 3] à [Localité 6] depuis le 15 septembre 2018, et ordonnant son expulsion et celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant, si nécessaire, l'expulsion de Mme [S], de la société Gabi et de tout occupant de leur chef des lieux situés au deuxième étage du [Adresse 1] à [Localité 6], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

14. En revanche, cette cassation est sans effet sur les dispositions relatives aux inscriptions de faux déposées par Mme [S] et la société Gabi à l'encontre du congé délivré le 13 septembre 2018, de la sommation de déguerpir signifiée le 9 octobre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018, et aux demandes de nullité de ce congé, de cette sommation de déguerpir et de cette assignation en référé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les inscriptions de faux déposées par Mme [S] et la société Gabi à l'encontre du congé délivré le 13 septembre 2018, de la sommation de déguerpir signifiée le 9 octobre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018, et les demandes de nullité de ce congé, de cette sommation de déguerpir et de cette assignation en référé, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Ak [Ab] et [K] [G] et MM. [H], [D] et [L] [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par Ak [Ab] et [K] [G] et MM. [H], [D] et [L] [G] et les condamne à payer à Mme [S] et à la société Gabi la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.

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