SUR CE,
Dans sa décision, le CNB, tout en reconnaissant M. [Aa] fondé, en tant que ressortissant d'un Etat ayant comme la France ratifié l'Accord général sur le commerce et les services - ci après AGCS -, et fournisseur de services au sens de cet accord, à se prévaloir des dispositions du paragraphe 1 de son article II partie II lui assurant le bénéfice du traitement de la nation la plus favorisée, a ensuite invoqué l'article 1er point 12 du règlement CE 2022/1904 du 6 octobre 2022 concernant les mesures restrictives consécutives aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, considérant que ce texte, en modifiant l'article 5 quindecies du
règlement UE 833/2014⚖️, interdisait désormais de fournir directement ou indirectement divers services, et notamment ' des services de conseil juridique' , ' au gouvernement russe ou à des personnes morales, des entités ou des organismes établis en Russie', ce dont il a déduit que les avocats français se trouvant ainsi interdits d'exercer leur profession en Russie, la preuve incombant à M. [Aa] de la réalisation de la condition de réciprocité requise par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 faisait défaut, interdisant ainsi la candidature à laquelle il prétendait.
Pour contester cette décision, M. [Aa] affirme en premier lieu que l'AGCS, et plus précisément la clause de la nation la plus favorisée qu'il comporte, institue une présomption de réciprocité dans les conditions d'accès et d'exercice de la profession d'avocat en Russie et en France, en sorte que ce n'est pas à lui de prouver cette réciprocité, mais au CNB d'en démontrer l'absence.
Il ajoute que si des déclarations politiques ont pu évoquer une suspension de cette clause comme une mesure à prendre pour sanctionner la Russie, il n'en a jamais été décidé, une telle mesure exigeant une autorisation de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce -ci après l'OMC-, lequel n'a en l'occurrence été saisi à ce jour d'aucune demande en ce sens.
Il soutient subsidiairement qu'à défaut d'admettre une réciprocité de droit, la cour ne pourra que constater que même sans appliquer les accords de l'OMC, l'existence de cette réciprocité est établie par le 'certificat de coutume' qu'il produit, précisant la législation russe en vigueur en matière d'accès et d'exercice de la profession d'avocat applicable aux avocats étrangers aux barreaux de la Fédération de Russie, ce certificat établissant que dès lors qu'il est en séjour régulier sur le territoire russe, un avocat français peut demander son admission à l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au barreau de la Fédération de Russie, sa réussite lui permettant de devenir membre à part entière de ce barreau et d'exercer sur le territoire de la Fédération de Russie avec des prérogatives in concreto équivalentes à celles dont disposent les avocats russes, sans préjudice de la possibilité alternative de son inscription sans examen, sur une liste d'avocats étrangers gérée par le ministère des affaires étrangères russes, pour y exercer l'activité de conseil en droit français.
Il conteste au CNB la possibilité de se prévaloir d'une disposition du droit de l'Union européenne ou du droit français pour soutenir que la condition de réciprocité n'est pas remplie, tant parce que celle-ci doit s'apprécier du point de vue de la législation russe, et non de la législation française, que parce qu'il interprète de manière erronée la règle européenne restrictive qu'il invoque, laquelle n'établit aucune interdiction générale d'exercice de la profession d'avocat en Russie pour les avocats français, n'étant visée que l'activité de conseils juridiques au titre de services dispensés au gouvernement russe et aux personnes morales, entités et organismes établis en Russie, ce qui laisse toute latitude aux activités de conseil et de représentation des personnes physiques sur le territoire russe.
Il dénie également au CNB tout droit d'exiger pour la démonstration d'une réciprocité effective, la preuve d'inscriptions effectives d'avocats français postérieurement à la date du 15 mars 2022 qui serait selon lui celle de la suspension de l'application à la Russie de la clause de la nation la plus favorisée alors qu'il fait par ailleurs l'aveu judiciaire de l'effectivité de cette réciprocité en reconnaissant l'existence de précédents tenant à l'inscription au barreau de la Fédération de Russie d'avocats français qui sont à l'heure actuelle toujours en exercice sur le sol russe.
Il en conclut que les conditions de sa candidature aux épreuves de l'examen de contrôle des connaissances en droit français prévu par l'article 11 in fine de la loi du 31 décembre 1971 sont réunies et qu'il doit donc y être inscrit ainsi qu'il le demande.
Le CNB réplique tout d'abord qu'en dépit de la relative ambiguïté de la décision dont appel sur ce point, M. [Aa] ne peut prétendre à aucune réciprocité de droit puisqu'aucune présomption en ce sens ne découle de la participation de la Russie à l'AGCS, cette idée ayant d'ailleurs été nécessairement écartée par le CNB dès lors qu'il a été procédé à la recherche ou non d'une réciprocité de fait.
En effet, si l' AGCS pose certes notamment, en son article II, le principe du traitement de la nation la plus favorisée concernant la fourniture de services similaires, il s'agit d'un traité cadre dont la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 décembre 2023, par un revirement fondé sur la position prise à cet égard par la Cour de justice de l'Union européenne, a retenu qu'il n'était pas susceptible d'être invoqué directement devant les juridictions nationales, ce dont elle a conclu que 'le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription au barreau fondée sur l'article 11 1° de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 est remplie'.
Il soutient ensuite qu'en tout état de cause, le quatrième volet des sanctions prises par l'Union européenne le 15 mars 2022 en raison de l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine inclut le retrait à la Russie de son statut de nation la plus favorisée sur l'ensemble des marchés européens, en sorte qu'aucun accord international ou bilatéral ne permet aujourd'hui à M. [Aa] de se prévaloir de la présomption de réciprocité qu'il invoque.
Il en conclut qu'il incombe à M. [Aa] de démontrer cette réciprocité, c'est à dire d'établir in concreto que la Russie accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'interessé se propose lui même d'exercer en France, c'est à dire donne aux avocats de nationalité française la possibilité effective, actuelle, légalement prévue et réellement existante, d'accéder, à leur profession puis de l'exercer.
Le CNB considère que cette démonstration n'est faite ni quant aux conditions d'accès ni quant aux conditions d'exercice de la profession d'avocat en Russie pour les avocats français, car :
- Le fait que des avocats français aient pu bénéficier de cet accès et maintenir leur inscription postérieurement au 15 mars 2022 n'est pas pertinent au regard du changement de circconstances intervenu depuis cette date, M. [Aa] ne justifiant d'aucune inscription postérieuree d'un avocat français dans un barreau russe ;
- Il est établi qu'un avocat français de nationalité française inscrit dans un barreau russe ne peut y exercer dans les mêmes conditions que celles ouvertes à un avocat russe inscrit dans un barreau français, le premier seul se trouvant tenu aux restrictions édictées par l'Union européenne à la fourniture de services juridiques, qui ne s'imposent pas à un avocat russe inscrit dans un barreau français puisqu'il n'est ressortissant ni français ni d'un Etat membre de l'UE ;
- Les avocats de nationalité française sont en outre soumis aux restrictions de déplacement notamment aérien consécutives à l'invasion de l'Ukraine et à celles affectant les paiements qui ne peuvent plus s'effectuer qu'en roubles, ces dispositions contraignantes pesant sur eux seuls n'étant pas compatibles avec un exercice normal de la profession d'avocat ;
- Il est sans incidence que la source de ces restrictions ne soit pas la législation russe mais la législation européenne, dès lors que leur effet est d'interdire toute possibilité d'un exercice équivalent effectif, d'autant que cette législation européenne n'est que la conséquence de l'attitude de la Russie elle-même, et de fait, aucun avocat de nationalité française exerçant actuellement en Russie ne le fait effectivement dans les mêmes conditions qu'un avocat de nationalité russe qui exercerait en France.
Le ministère public, dans les observations orales qu'il développe à la barre en l'absence de conclusions écrites, adhère à la position du CNB, considérant que la preuve de la réciprocité incombant à M. [Aa] n'est pas faite, faute qu'un avocat français puisse dans la situation des restrictions actuelles, exercer en Russie dans les mêmes conditions que le ferait un avocat russe, lequel aurait lui toute latitude de le faire pleinement en France, en sorte qu'admettre la demande serait un dévoiement de la législation.
L'article 11 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit les conditions d'accès en France à la profession d'avocat, le postulant devant notamment :
1° Etre français, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union ou à cet Espace économique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France,...
2° Etre titulaire,..., d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ;
3° Etre titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2°, ou, dans le cadre de la réciprocité, de l'examen prévu au dernier alinéa du présent article...'.
S'agissant des avocats 'ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen', ce même article en son alinéa final prévoit que 'sans préjudice des dispositions du titre VI, s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, [l'avocat concerné] doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat....'
Quant à cette modalité spécifique, l'article 100 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 dispose que ' la candidature à l'examen de contrôle des connaissances prévu au dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ... est adressée par téléprocédure au Conseil national des barreaux sur le site internet de celui-ci', les modalités et le programme de cet examen de contrôle des connaissances étant fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Conseil national des barreaux.
C'est dans ce contexte que M. [Aa] a adressé au CNB la demande d'inscription dont le rejet fait l'objet du présent débat.
Il n'est pas contesté que M. [Aa] soit titulaire des diplômes requis, obtenus en France où il est résident de longue durée depuis 2013 en tant que réfugié russe et bénéficiaire à ce titre d'une protection internationale à laquelle il a cependant renoncé fin 2017. Sa qualité d'avocat au barreau de la République de Tchétchénie, dont il justifie par la production d'une attestation émanant du président du Conseil des avocats de cette république - membre de la Russie - selon laquelle 'au 11 août 2022, il est un avocat actif de ce Conseil' , n'étant pas non plus en cause, le débat ne porte que sur la condition de réciprocité posée à l'alinéa 1° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, son Etat d'origine n'étant membre ni de l'Union européenne, ni de l'Espace économique européen.
Sur l'existence d'une présomption de réciprocité tirée de la clause de la nation la plus favorisée prévue par l'accord général sur le commerce et les services de l'OMC
En sa première partie qui en fixe les principes généraux, l'article II de l'AGCS prévoit que ses Membres sont tenus d'accorder immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre "un traitement non moins favorable que celui qu'il[s] accorde[nt] aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays", cette clause de la nation la plus favorisée ayant pour objectif d'interdire les arrangements préférentiels entre groupes de Membres dans des secteurs déterminés ou les clauses de réciprocité avantageant l'accès de certains partenaires à tel ou tel marché national. L'accord se décline ensuite en deux autres parties, l'une comportant les accords complémentaires et annexes contenant des prescriptions spéciales relatives à des secteurs ou questions spécifiques, l'autre -la dernière - les listes des engagements contractés par chaque pays pour permettre aux fournisseurs étrangers de marchandises ou de service de connaître le degré d'accès accordé.
La Russie comme la France sont partie prenantes à cet accord, négocié pour le compte de ses Etats membres dont la France, par l'Union européenne, et signé en 1994 au terme des négociations commerciales multilatérales dites 'du cycle d'Uruguay' qui ont abouti à l'accord final instituant l'Organisation mondiale du commerce.
La décision d'adhésion CE 94/800 de l'Union européenne du 22 décembre 1994 mentionne dans son préambule que « par sa nature, l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, y compris ses annexes, n'est pas susceptible d'être invoqué directement devant les juridictions communautaires et des États membres », et toute la jurisprudence consécutive de la CJCE/CJUE, en excluant en principe tout contrôle de la légalité d'un acte des institutions communautaires au regard des normes OMC, a confirmé cette absence d'effet direct en droit interne de l'AGCS comme de tous les accords de l'OMC, ce dont il découle que la clause de la nation la plus favorisée, édictée en tant que principe général, ne peut avoir en soi de conséquences juridiques.
C'est cette situation qu'a consacrée la cour de Cassation en décidant, dans son arrêt du 6 décembre 2023, à propos de l'article VII des principes généraux de l'AGCS relatif à la reconnaissance des autorisations, licences ou certificats , que ' le ressortissant d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription fondée sur l'article 11 alinéa 1° de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité prévue à l'article 11 est remplie'.
Il incombe donc à M. [Aa], faute de bénéficier de la présomption alléguée, de se plier à cette exigence de preuve et de démontrer que la Russie, conformément à l'article 11 suscité, accorde immédiatement et sans condition aux avocats français, fournisseurs de services juridiques, le même traitement que celui qui serait le sien dans l'accès et l'exercice de la profession d'avocat qu'il souhaite exercer en France.
Sur la réciprocité en droit et en fait
Cette réciprocité doit exister tant en droit qu'en fait, et permettre aux avocats français d'abord d'accéder en Russie au titre d'avocat, puis d'exercer leur profession sans discrimination par rapport aux modalités d'exercice des avocats nationaux.
Sur la situation en droit, le 'certificat de coutume 'invoqué par M.[Aa] - en fait une attestation établie par Mme [R] [V] [N], avocat au barreau de l'Oblast de Leninigrad, intitulée 'certificat de statut juridique d'un avocat étranger en Russie' - se lit comme suit :
'Conformément à la loi fédérale 63- FZ sur la profession d'avocat et le barreau de la Fédération de Russie du 31 mai 2002, l'avocat est ...la personne ayant acquis sa qualité d'avocat et exerçant ce métier dans les conditions prévues par la loi.
Afin d'accéder à la profession d'avocat, toute personne physique doit être titulaire d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession. Elle doit également justifier d'une experience professionnelle juridique de deux ans ou d'une expérience professionnelle dans un cabinet d'avocat d'un ou deux ans. Nul ne peut accéder à la profession d'avocat si suite à une décision de justice il a perdu sa capacité juridique. Il doit n'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale.
La personne répondant aux conditions ci dessus doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau russe, les épreuves d'un examen d'aptitude à la profession d'avocat. Après avoir réussi l'examen et prêté le serment d'avocat, une personne se voit attribuer le statut d'avocat et les informations sur cet avocat seront incluses dans le registre national du sujet concerné de la Fédération de Russie.
La loi fédérale 63-FZ n'exige pas d'avoir la nationalité russe. Toute personne séjournant légalement sur le territoire de la Fédération de Russie peut se présenter au barreau du lieu de sa domiciliation afin de passer l'examen d'aptitude d'avocat.
Les candidats doivent présenter tous les documents justificatifs permettant d'apprécier si le candidat remplit les conditions prévues dans la loi précitée, notamment les diplômes juridiques dont il est titutlaire, obtenus en Fédération de Russie ou dans un autre Etat.
Selon l'alinéa 4 de l'article 9 de la loi fédérale 63-FZ, l'expérience professionnelle juridique nécessaire pour obtenir le statut d'avocat comprend notamment les métiers suivants : avocats, assistants d'avocat, les notaires, les professeurs de droit, les collaborateurs des organisations de la science juridique et les juristes des organisations, quel que soit l'Etat de cette expérience.
Les personnes de nationalité étrangère possédant le statut d'avocat selon les règles présentées ci- dessus sont autorisées d'exercer cette profession sur tout le territoire de la Fédération de Russie sauf en cas contraire prévu par la loi.
Il convient de souligner qu'au terme de l'alinéa 5 de l'article 2 de la loi fédérale 63-FZ, les avocats étrangers sans le statut d'avocat de la Fédération de Russie peuvent exercer ce métier sur tout le territoire de la Fédération de Russie dans le cadre du conseil en matière de droit du pays dont ils sont ressortissants. Pour cela, les avocats étrangers doivent être enregistrés dans le registre des avocats étrangers du ministère de la justice de la Fédération de Russie . Pour être inscrit dans ce registre, l'examen d'aptitude d'avocat n'est pas demandé.
En conclusion, le citoyen français qui a obtenu le statut d'avocat conformément à la loi française a le droit
- de demander son admission à l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au barreau de la Fédération de Russie du lieu de son domicile où il est enregistré s'il séjourne légalement sur le teritoire de la Fédération de Russie avec un titre de séjour ou une autorisation de séjour temporaire sur le territoire de la Fédération de Russie.
- d'adresser une demande d'inscription au registre du ministère de la justice de la Fédération de Russie afin d'exercer le métier d'avocat dans le cadre de son conseil en droit français.'
Il en ressort que :
- d'une part, l'examen permettant l'accès au plein exercice de la profession n'est pas seulement un contrôle de connaissances en droit russe tel que celui symétriquement proposé en France à un avocat étranger satisfaisant à la condition de détention d'un diplôme équivalent dans les termes de l'article 100 du décret du 27 novembre 1991, mais le même que celui proposé aux citoyens russes impétrants, sur la teneur duquel il n'est au demeurant fourni aucune précision, mais avec un effet nécessairement discriminatoire au détriment des non ressortissants russes,
- d'autre part, l'indication de ce que les informations sur la personne ayant réussi l'examen et prêté serment 'sont incluses dans le registre régional des avocats du sujet concerné de la Fédération de Russie' laisse un doute sérieux sur la capacité qu'ouvrirait l'examen à exercer dans toutes les matières et sur tout le territoire , alors que symétriquement M. [Aa], après avoir subi le contrôle de ses connaissances dans la matière de son choix, aurait, une fois admis, toute latitude d'exercer dans tous les domaines du droit sur tout le territoire, l'affirmation selon laquelle les personnes étrangères ayant acquis dans les conditions indiquées le statut d'avocat sont autorisées à exercer sur tout le territoire de la Fédération de Russie étant immédiatement tempérée par la réserve, non explicitée, du 'cas contraire prévu par la loi'.
Enfin, aucune réciprocité ne peut être utilement invoquée pour l'avocat français admis comme avocat en Russie en dispense d'examen, son inscription sur le registre des avocats étrangers ne lui ouvrant pas un accès plein et entier à la profession.
L'attestation produite n'établit donc pas l'équivalence juridique alléguée entre les conditions d'accès et d'exercice offerte à un avocat français exerçant en Russie et celles qu'ouvrirait à M. [Aa] sa réussite à l'examen d'accès auquel il revendique le droit de s'inscrire.
En outre, sans qu'il soit ni pertinent ni nécessaire de se référer aux restrictions juridiques imposées par l'Union européenne à la fourniture de services à la Russie, qui n'instaurent aucune interdiction d'exercice de la profession d'avocat en Russie pour les avocats des Etats membres de l'Union européenne, et qui ne peuvent en toute hypothèse être reprochées à la Fédération de Russie qui n'en est pas l'auteur, il résulte des circonstances politiques actuelles et de la profonde dégradation des relations entre la Russie et ses partenaires, en particulier l'Union européenne et ses membres, des restrictions qui, portant notamment sur l'obtention de titres de séjour, la libre circulation des personnes vers et depuis la Russie, ou le fonctionnement des flux financiers, sont antinomiques d'un accès et d'un exercice professionnel effectifs des avocats français en Russie, fussent ils toujours inscrits auprès d'un barreau russe et membres de sociétés d'avocats implantées sur le territoire de la Fédération de Russie.
En l'absence de réciprocité démontrée, le rejet de la demande de M. [Aa] par le CNB est confirmé.
Sur l'article 700 et les dépens
Partie perdante, M. [Aa] est condamné aux dépens, et la demande qu'il forme au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est par conséquent rejetée, sa situation économique, qui le fait bénéficier de l'aide juridictionnelle, justifiant cependant qu'il ne soit pas fait application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.