Jurisprudence : CA Amiens, 21-05-2024, n° 22/02047

CA Amiens, 21-05-2024, n° 22/02047

A18065DA

Référence

CA Amiens, 21-05-2024, n° 22/02047. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/107935007-ca-amiens-21052024-n-2202047
Copier

ARRET

N° 429


CPAM DE L'OISE


C/


Société [5]


COUR D'APPEL D'AMIENS


2EME PROTECTION SOCIALE


ARRET DU 21 MAI 2024


*************************************************************


N° RG 22/02047 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INS3 - N° registre 1ère instance : 20/00424


JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 24 mars 2022



PARTIES EN CAUSE :


APPELANTE


CPAM DE L'OISE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représentée et plaidant par M. [M] [B], muni d'un pouvoir régulier


ET :


INTIMEE


Société [5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]


Dispensée de comparaître


Ayant pour avocat Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON


DEBATS :


A l'audience publique du 14 Mars 2024 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile🏛 qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Mai 2024.


GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Aa A



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:


Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,


qui en ont délibéré conformément à la loi.


PRONONCE :


Le 21 Mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.


*

* *


DECISION


Saisi par la société [5] d'une demande tendant à ce que l'accident du travail survenu le 3 décembre 2019 à sa salariée, Mme [Ab], pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie le 5 mars 2020, lui soit déclaré inopposable, le tribunal judiciaire de Beauvais, par jugement rendu le 24 mars 2022 a :

- déclaré le recours de la société [5] recevable et bien fondé,

- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise de prise en charge de l'accident de travail survenu au préjudice de Mme [Y] le 3 décembre 2019.



Par lettre recommandée du 25 avril 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié par courrier recommandé dont elle avait accusé réception le 28 mars 2022.


Les parties ont été convoquées à l'audience du 20 juin 2023 date à laquelle elle a fait l'objet d'un renvoi au14 mars 2022 à la demande des parties, l'intimée n'ayant pas conclu.


Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 6 juin 2023, oralement développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

- dire et juger opposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident du travail de Mme [Y] survenu le 3 décembre 2019,

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.


Au soutien de ses demandes, la caisse primaire d'assurance maladie expose que pour écarter le caractère professionnel de l'accident, les premiers juges ont considéré que la présomption d'imputabilité n'avait pas vocation à s'appliquer au motif que la salariée avait interrompu la mission accomplie pour le compte de son employeur pour un motif personnel et sans rapport avec son activité ou l'accomplissement d'un acte de la vie courante, inversant ainsi la charge de la preuve. En effet, la Cour de cassation considère que dès lors que l'accident survient pendant l'accomplissement de la mission, il appartient à l'employeur de démontrer que celle-ci s'était interrompue.

Or, tel n'était pas le cas en l'espèce, le sinistre étant survenu pendant une soirée que Mme [Y] passait avec ses collègues à l'occasion d'une formation professionnelle.


Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 15 juin 2023, la société [5], dispensée de comparution, demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

* déclaré recevable et bien-fondé son recours,

* déclaré inopposable à son encontre la décision de prise en charge de l'accident de travail survenu au préjudice de Mme [Y] le 3 décembre 2019,

* condamné la CPAM de l'Oise aux dépens.


La société [5] fait valoir en substance qu'au moment de l'accident, Mme [Y] n'était pas sous son autorité, celui-ci étant intervenu hors temps et lieu de travail.

La salariée a d'ailleurs précisé dans le questionnaire qu'elle avait pratiqué le patinage à titre personnel, hors du cadre de la formation à laquelle elle participait.

L'employeur soutient que la caisse primaire cite de manière tronquée le jugement, alors que le tribunal a bien constaté que l'accident avait eu lieu pendant une mission, mais a estimé que la présomption d'imputabilité était renversée et que la caisse primaire n'apportait aucun élément probant permettant d'avoir une autre appréciation de la situation.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.



Motifs


Sur la demande principale


Mme [Y], ouvrière qualifiée au profit de la société [5] a été victime d'un accident le 3 décembre 2019 à 18 h 30 alors qu'elle participait à une formation du CSE et qu'elle s'est rendue à la patinoire où elle a chuté. Elle a voulu se retenir avec la paume de la main et a ainsi subi selon le certificat médical initial du 5 décembre 2019 une fracture de la tête radiale gauche.


La société [5] a déclaré l'accident le 5 décembre 2019 en émettant des réserves tenant au fait que l'accident s'était produit alors que la formation à laquelle assistait la salariée avait pris fin à 17 heures, et que Mme [Ab] avait décidé avec des collègues, de se rendre à la patinoire.

L'employeur estimait ainsi que l'accident s'était produit à un moment où la salariée n'était plus sous son autorité, qu'il était ainsi survenu hors du temps et du lieu de travail, et qu'il ne pouvait par conséquent pas être pris en charge au titre de la législation professionnelle.


En vertu des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale🏛, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.


Le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par le texte susvisé pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel (Civ 2ème 12 octobre 2017 pourvoi n° 16-22.481).


En l'espèce, Mme [Y] participait à une formation organisée par le Comité Social Économique à [Localité 4] qui se déroulait du 2 décembre au 4 décembre 2019.

Le 3 décembre, alors que la journée de formation avait pris fin à 17 heures et Mme [Y] s'est rendue avec des collègues à la patinoire installée sur la Grande Place de la ville.

Alors qu'elle perdait l'équilibre, elle s'est retenue en prenant appui sur la paume de sa main, provoquant ainsi une fracture.


L'accident est donc survenu pendant le temps de la mission accomplie par Mme [Y] pour le compte de son employeur.


La présomption d'imputabilité définie par le texte susvisé s'applique et il incombe à l'employeur de démontrer que la salariée avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

Tel n'était pas le cas puisque la salariée se trouvait dans la ville où se déroulait la mission, et qu'elle était partie se distraire avec ses collègues en fin de journée, la formation reprenant le lendemain matin. Elle restait dès lors placée sous l'autorité et le contrôle de son employeur.


La société [5] qui invoque seulement le fait que l'activité pratiquée était personnelle échoue donc à détruire la présomption d'imputabilité.


Il y a donc lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de dire opposable à l'employeur la prise en charge de l'accident de travail survenu à Mme [Y] le 3 décembre 2019.


Dépens


Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile🏛, la société [5] doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,


Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,


Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident survenu à Mme [Y] le 3 décembre 2019,


Condamne la société [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Le Greffier, Le Président,

Agir sur cette sélection :