SOC.
SÉCURITÉ SOCIALEI.K
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 décembre 2001
Rejet
M. SARGOS, président
Pourvoi n° G 00-13.002
Arrêt n° 5378 FS P+B+R
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Compagnie Air France, dont le siège est Paris Roissy-en-France Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 2000 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit
1°/ de M. Jacques Y, demeurant Castelsarrasin,
2°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Tarn et Garonne, dont le siège est Montauban Cedex,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 novembre 2001, où étaient présents M. Sargos, président, M. Dupuis, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dupuis, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Compagnie Air France, de Me Delvolvé, avocat de M. Y, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches
Attendu, selon les juges du fond, que M. Y, employé par la compagnie Air France comme chef de cabine, a été pris, le 25 avril 1996, d'un malaise au cours d'une escale ; qu'après avoir observé un repos, il a repris son service, mais s'est déclaré à nouveau fatigué pendant le vol de retour, et a dû être hospitalisé le 26 avril 1996 pour troubles cardiaques ; que la Caisse primaire d'assurance maladie ayant refusé de prendre en charge le malaise et les soins au titre des accidents du travail, il a formé un recours ; que celui-ci a été déclaré bien fondé par la cour d'appel (Toulouse, 21 janvier 2000) ;
Attendu que la compagnie Air France reproche à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen
1°/ que prive sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale l'arrêt qui considère que serait démontrée en l'occurrence une lésion physique révélée par une douleur soudaine et qui, ainsi, ne s'explique pas sur les conclusions de la compagnie faisant valoir qu'en réalité M. Y avait d'abord ressenti un état de fatigue lors de l'escale à San ... et que, après une amélioration, il avait repris le vol au cours duquel ce même état de fatigue s'était manifesté à nouveau pendant le deuxième trajet et que ce n'est qu'après un examen médical effectué par son médecin traitant qu'il avaitfinalement été hospitalisé ; ce dont il résultait que la condition de soudaineté nécessaire à la qualification d'accident du travail n'était pas remplie ;
2°/ que contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué selon lesquelles la qualification d'accident du travail serait acquise du fait que la cardiopathie médicalement constatée après l'accident n'avait eu aucune "expression clinique" antérieure, le fait que la première manifestation de cette cardiopathie se soit révélée au temps et au lieu du travail n'en est pas moins exclusif de la prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ; que, dès lors, en s'abstenant de prendre en compte, comme elle y était invitée, le rapport du docteur ... selon lequel le dossier faisait apparaître des "lésions tritronculaires avec une artère ventriculaire antérieure très athéromateuse" et qui mentionnait qu'il s'agissait "d'un état antérieur d'athérome", et le rapport du docteur ... selon lequel les constatations médicales faites par la suite ont permis de rapporter cette angine de poitrine à une cardiopathie ischémique avec lésions tritronculaires, ce qui constitue un état antérieur, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ; que, de même, faute de s'expliquer sur les conclusions du docteur ... selon lesquelles il s'agissait uniquement de "lésions antérieures" et qu'il n'y avait pas de fait accidentel en lui-même, la cour d'appel n'a nullement caractérisé une prétendue aggravation subite de la cardiologie préexistante qui serait intervenue au temps et au lieu du travail ;
3°/ que ne présente pas le caractère équitable requis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme la procédure dans laquelle il est reproché à l'employeur de ne pas rapporter totalement la preuve d'un état pathologique antérieur permettant d'écarter la présomption d'imputabilité, quand une telle preuve supposerait, comme l'exposait le mémoire du docteur ..., "l'examen de l'entier dossier médical" de la victime, que "seule une expertise médicale" permettrait d'obtenir ; que, dès lors, viole le texte précité et les articles L.141-1 et R. 144-5 du Code de la sécurité sociale la cour d'appel qui décide de statuer, en l'état d'un tel désavantage pour l'employeur, et qui refuse d'ordonner l'expertise sollicitée ; qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt se garde d'indiquer par quel moyen licite l'employeur pouvait obtenir les éléments de preuve nécessaires à la manifestation de la vérité ;
Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'ayant constaté que M. Y a subi une lésion corporelle dans de telles circonstances, la cour d'appel a estimé, sans encourir les griefs du moyen, qu'il avait été victime d'un accident du travail ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Compagnie Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Compagnie Air France à payer à M. Y la somme de 12 000 francs, soit 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille un.