COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2013
(Rédacteur Monsieur Jean-François ..., Conseiller,)
N° de rôle 11/06060
Monsieur Roland Z
c/
Monsieur Alain Y
SCP SILVESTRI BAUJET
Nature de la décision AU FOND
Grosse délivrée le
aux avocats
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 30 août 2011 (R.G. 2009F00112) par la 3ème chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2011
APPELANT
Monsieur Roland Z, né le ..... à BORDEAUX (33000),de nationalité Française, demeurant ARTIGUES PRES BORDEAUX
représenté par la SCP Luc BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Sylvain GALINAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS
Monsieur Alain Y, de nationalité Française, demeurant SAINT VINCENT DE PAUL
représenté par la SCP ANNIE TAILLARD & VALÉRIE JANOUEIX AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Philippe de CAUNES, avocat au barreau de BORDEAUX
SCP SILVESTRI BAUJET, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ERA, domicilié BORDEAUX
représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR
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En application des dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François Bancal, Conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Madame Edith O'YL, Président,
Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller,
Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller,
Greffier lors des débats Monsieur Hervé Goudot
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Selon statuts du 15.10.2004, la S.A.R.L. ERA a été constituée entre Roland Z et Alain Y avec pour objet social principal l'achat, la vente, la pose et la réparation d'appareils de climatisation et de chauffage, d'appareils pour piscines et de tous systèmes et produits d'économie d'énergie et d'isolation, un capital social divisé en 100 parts sociales, dont 80 détenues par Alain Y, désigné gérant, et 20 détenues par Roland Z.
Il était convenu que l'exercice social commençait le 1er janvier pour se terminer le 31 décembre, le premier exercice social se terminant le 31 décembre 2005, (article 6) et que " chaque gérant a droit à un traitement fixe ou proportionnel déterminé par décision collective ordinaire des associés ; (qu') il a droit en outre au remboursement de ses frais de représentation et de déplacement " (article 20).
La S.A.R.L. ERA aurait été immatriculée le 29.10.2004.
Le 24.12.2008, Roland Z faisait assigner Alain Y et la S.A.R.L. ERA devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en annulation d'assemblées générales et aux fins de voir constater la responsabilité du gérant et d'obtenir sa condamnation à rembourser l'intégralité des rémunérations et primes perçues par lui au titre des années 2005 à 2008 et à payer des dommages et intérêts.
A une date qui semble correspondre au 11.3.2009, la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ERA était prononcée, la SCP SILVESTRI BAUJET étant désignée en qualité de liquidateur.
Par jugement du 30.8.2011 le Tribunal de commerce de Bordeaux a
- reçu la SCP SILVESTRI BAUJET en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ERA en son intervention volontaire,
- débouté Roland Z et la SCP SILVESTRI BAUJET ès qualités de toutes leurs demandes, - condamné Roland Z aux dépens,
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- dit que les dépens à la charge de la SCP SILVESTRI BAUJET ès qualités seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'encontre de la S.A.R.L. ERA.
Le 30.9.2011, Roland Z interjetait appel.
Par conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées et déposées le 26.12.2011 Roland Z demande à la cour de
- réformer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- prononcer la nullité de l'assemblée générale du 10 novembre 2007,
- constater l'absence de tenue des assemblées générales régulières sur les exercices 2005,2006,2007,2008,
- constater la responsabilité du gérant en la personne de M. Y
en conséquence de
- prononcer la nullité de l'ensemble des assemblées tenues en dehors de tout cadre légal et en contradiction avec les dispositions légales et statutaires,
- ordonner le remboursement par M. Y de l'intégralité des rémunérations et primes perçues au titre des années 2005, 2006, 2007 et 2008,
- justifier des conventions réglementées et de l'" approbation avec la SARL Energie du Futur ainsi que des prestations réglées à cette dernière par la S.A.R.L. ERA ",
- condamner M. Y a titre personnel à verser à M. Z " la somme de 150'000euros à titre de dommages et intérêts pour fautes commises par lui dans ses fonctions (somme à parfaire au regard des éléments complémentaires qui seront communiqués dans le cadre de la procédure) ",
-condamner M. Y à verser à la S.A.R.L. ERA la somme de 200'000 euros à titre de dommages et intérêts pour fautes de gestion,
- condamner M. Y à lui payer 10'000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
Par conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées et déposées le 20.3.2012, Alain Y demande à la cour de confirmer la décision entreprise, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel. 2
Par conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées et déposées le 19.6.2012 la SCP SILVESTRI BAUJET en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ERA demande à la cour de
- constater l'absence de décision des assemblées générales sur la rémunération de M. Y,
- dire que M. Y devra rembourser des rémunérations perçues en 2005, 2006, 2007 et 2008,
- en conséquence condamner M. Y à payer la somme de 636'635 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2011, date de signification des premières conclusions à M. Y de la SCP SILVESTRI BAUJET,
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- dire que les intérêts se capitaliseront dans les termes des articles 1153 et suivants du Code civil,
- condamner M. Y à lui payer 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9.9.2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation des assemblées générales
L'examen du procès verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 30 juin 2006 de la S.A.R.L. ERA, comportant la signature des deux associés Roland Z et Alain Y révèle que
- par une première résolution, adoptée à l'unanimité, l'assemblée a approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2005 et a donné quitus à la gérance,
- par une seconde résolution, adoptée également à l'unanimité, elle a décidé d'affecter le bénéfice net comptable de l'exercice de 29'016 euros, à hauteur de 763 euros au compte "réserve légale " et du solde de 28'253 euros au compte " autres réserves",
- par une troisième résolution, à laquelle Alain Y n'a pas participé, elle a adopté la convention intervenue entre la société et Alain Y, telle qu'annoncée dans le rapport spécial sur les conventions visées à l'article L. 223 - 19 du code de commerce, qui indiquait "monsieur Alain Y a perçu une somme de 131'885 Euros, à titre de rémunération ".
(Pièce 3 de Alain GUICHARD ).
C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté Roland Z de sa demande d'annulation de cette assemblée après avoir relevé qu'il n'avait pas contesté la signature figurant sur le procès-verbal de l'assemblée et qu'il avait également signé le rapport de la gérance concernant la rémunération, étant précisé en outre que si Roland Z vise expressément dans ses conclusions " les dispositions de l'article L. 223 - 27 du code de commerce ", il semble oublier que le dernier alinéa de ce texte énonce " Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois, l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés ".
Par ailleurs, pour les exercices suivants clôturés le 31 décembre des années 2006 à 2008, il n'est produit par bordereau de communication de pièces aucun procès-verbal concernant la tenue d'une ou plusieurs assemblées générales de la S.A.R.L. ERA.
C'est donc également avec raison que les premiers juges ont débouté l'appelant de ses demandes d'annulation concernant " les autres assemblées " dont la tenue attestée par la production de procès-verbaux n'est pas établie.
Ainsi la décision déférée doit être confirmée en ce que les premiers juges ont débouté l'appelant de ses demandes d'annulation d'assemblées générales.
Sur la responsabilité du gérant et les demandes des intimés
En vertu de l'article 9 du Code de procédure civile 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.
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Et, en application de l'article L. 223 - 22 alinéa 1er du code de commerce
" Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. ".
Celui qui engage la responsabilité du gérant et demande l'indemnisation d'un dommage doit donc rapporter la preuve d'une ou plusieurs fautes du gérant ayant été à l'origine directe du préjudice qu'il invoque.
En l'espèce, la cour est saisie de deux demandes formulées au nom de la société
- l'une, par le liquidateur à la liquidation judiciaire de la société, qui réclame la condamnation de l'ancien gérant à lui payer la somme de 636'635 euros en principal correspondant au remboursement des rémunérations perçues de 2005 à 2008,
- l'autre, par l'appelant, qui réclame non seulement le remboursement par l'ancien gérant de l'intégralité des rémunérations et primes perçues pendant la même période, mais encore, sa condamnation à payer à la société la somme de 200'000euros.
En outre, elle est saisie d'une demande formulée par l'appelant 'à titre personnel' concernant la somme de 150'000 euros réclamée au gérant à titre de dommages et intérêts pour " faute commise par lui dans ses fonctions ".
Il ne peut être sérieusement contesté que le gérant n'a pas régulièrement convoqué puis réuni l'assemblée de la S.A.R.L. ERA en vue de faire approuver les comptes des exercices clôturés à compter du 31 décembre 2006, et ce, dans le délai de six mois de leur clôture.
Pour autant, il appartient à l'associé demandeur et au liquidateur à la liquidation judiciaire de la société d'établir la réalité des dommages qu'ils invoquent et de prouver qu'ils résultent directement de cette faute du gérant.
Alors qu'il n'est produit aucun extrait du registre du commerce et des sociétés, aucun bilan, aucun compte de résultats, aucune des décisions rendues relativement à la procédure de liquidation judiciaire de la société, qu'il est fait état de conventions passées par la société, non seulement avec l'ancien gérant, mais encore avec l'autre associé, que les diverses correspondances échangées entre les deux associés révèlent d'abord la volonté de Roland Z de céder ses parts sociales et l'existence d'un important contentieux concernant la valeur de ces parts, que la cour reste dans l'ignorance du mode de fonctionnement de la société pendant la période considérée et des conditions ayant conduit le tribunal de commerce à ouvrir une procédure de liquidation judiciaire, il n'est pas démontré que le gérant a commis d'autres fautes que celle concernant l'absence de convocation et de réunion de l'assemblée générale pour approuver les comptes, et qu'en outre, de cette attitude il en soit résulté directement les dommages invoqués par les intimés.
En conséquence, ils doivent être déboutés de leurs réclamations qui ne sont pas fondées, y compris de celle concernant les conventions réglementées, et le jugement déféré doit ici être confirmé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
L'équité ne commande nullement d'allouer aux parties la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Succombant, l'appelant supportera les dépens de première instance et d'appel, étant précisé que c'est 5
à tort que le premier juge a, à la fois condamné Roland Z à supporter les dépens et dit que les dépens mis à la charge du liquidateur ès qualité seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement,
Contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré sauf à dire que Roland Z supportera seul les dépens de première instance,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE Alain Y et la SCP SILVESTRI BAUJET en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ERA de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Roland Z aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Edith ......... présidente et par Hervé ..., greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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