CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 mai 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 475 F-B
Pourvoi n° T 22-15.537
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024
La société La Brosse & Dupont maison, ayant pour nom commercial LBD maison, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-15.537 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Etablissement public foncier local des territoires Oise et Aa, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société La Brosse & Dupont maison, de la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat de l'Etablissement public foncier local des territoires Oise et Aa, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 mars 2022) et les productions, la société La Brosse & Dupont maison (la société) a interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant condamnée au paiement de certaines sommes au profit de l'Etablissement public foncier local des territoires Oise et Aa.
2. Le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident de radiation, a prononcé celle-ci par ordonnance du 13 février 2019 sur le fondement de l'
article 526 du code de procédure civile🏛.
3. Le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de réinscription de la procédure aux fins de constatation de la péremption de l'instance d'appel par ordonnance du 13 octobre 2021, déférée devant la cour d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la péremption de l'instance initiée par sa déclaration d'appel du 17 avril 2018, alors « qu'en cas de radiation du rôle de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement frappé d'appel, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation ; que la cour d'appel a constaté que, saisi d'une demande de radiation en date du 19 février 2018, le conseiller de la mise en état avait radié l'affaire du rôle pour défaut d'exécution par ordonnance du 13 février 2019 ; qu'en retenant néanmoins, pour prononcer la péremption de l'instance, que le délai de péremption avait commencé à courir le 17 juillet 2018, date de la dernière diligence des parties de nature à faire progresser l'instance, et non à compter de la notification de l'ordonnance de radiation, la cour d'appel a violé l'article 526 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du
décret n° 2017-891 du 6 mai 2017🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 526 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, abrogé par le
décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019🏛, alors applicable :
5. Selon le premier alinéa de ce texte, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
6. Aux termes du septième alinéa de ce texte, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.
7. Pour dire l'instance périmée, l'arrêt retient, d'une part, que la société soutient en vain que les dispositions prévues par l'article 526 du code de procédure civile dérogent au droit commun de la péremption d'instance, la décision de radiation prise en application de ce texte ne constituant nullement une diligence des parties au sens des dispositions prévues par l'
article 386 du code de procédure civile🏛 puisqu'elle n'est pas un acte réalisé par une partie et ne peut pas non plus être qualifiée de décision de nature à faire progresser l'instance, et constate, d'autre part, que la dernière diligence des parties de nature à faire progresser l'instance datait du 17 juillet 2018, et qu'il n'était justifié d'aucune diligence interrompant le délai de péremption avant les conclusions de l'EPFLO du 19 mai 2021 sollicitant de voir constater la péremption d'instance.
8. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui devait rechercher la date de notification de l'ordonnance de radiation constituant le point de départ du délai de péremption, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne l'Etablissement public foncier local des territoires Oise et Aa aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par l'Etablissement public foncier local des territoires Oise et Aa et le condamne à payer à la société La Brosse & Dupont maison la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.