M. Jacques Z Société générale COMM.
I.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 11 décembre 2001
Cassation Partielle
M. ..., conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° V 98-18.580
Arrêt n° 2108 FS P RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Jacques Z,
2°/ Mme Micheline ZY, épouse ZY,
demeurant, Caudebec les Elbeuf,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 avril 1998 par la cour d'appel de Rouen (2e chambre civile), au profit de la Société générale, société anonyme, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 octobre 2001, où étaient présents M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Pinot, M. Cahart, Mme Betch, conseillers, MM.... ..., Delmotte, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux Z, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Société générale, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. et Mme Z se sont, par plusieurs actes, portés cautions solidaires envers la Société générale (la banque) des engagements de la société Leblond (la société) ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. et Mme Z en paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues au titre de cessions de créances professionnelles effectuées conformément à la loi du 2 janvier 1981 et de cautionnements garantissant des retenues de garantie ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches
Attendu que M. et Mme Z reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés, en qualité de cautions, à payer à la banque une somme de 280 778,44 francs, outre divers intérêts, au titre des cessions de créances professionnelles effectuées par le débiteur cautionné, alors, selon le moyen
1°/ que nonobstant la chose jugée par l'admission définitive d'une créance à la procédure collective d'un débiteur, la caution solidaire du paiement de cette créance peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles ; qu'en opposant aux prétentions des cautions la chose jugée par l'ordonnance d'admission de la créance de la banque au passif du débiteur principal, la cour d'appel a violé les articles 1208, 1351 et 2021 du Code civil ;
2°/ que si le cédant d'une créance selon bordereau Dailly est garant du paiement par le débiteur cédé, le cessionnaire ne peut se retourner contre lui et contre les cautions de celui-ci qu'après avoir réclamé paiement au cédé ; que les cautions du cédant peuvent donc exiger du cessionnaire qu'il réclame préalablement paiement au débiteur cédé ; qu'en l'espèce, les premiers juges avaient retenu, pour débouter la banque de ses demandes au titre des cessions de créances professionnelles, que celle-ci ne démontrait pas se trouver dans l'impossibilité de recouvrer ces créances auprès des débiteurs cédés ; que devant la cour d'appel, les cautions ont maintenu que la banque n'avait effectué aucune diligence pour recouvrer les créances cédées auprès des débiteurs cédés et notamment ne leur avait même pas notifié ces cessions ; que, pour toute réponse, la banque s'est contentée de verser l'ordonnance du juge-commissaire admettant ses créances contre le cédant et d'alléguer que les cédants connaissaient les cessions intervenues mais n'a produit aucun document permettant seulement d'établir qu'elle avait réclamé paiement aux débiteurs cédés et que cette demande s'était heurtée à un refus de leur part ; qu'en retenant qu'il n'existe aucune circonstance permettant d'écarter la demande de la banque, sans s'expliquer sur la circonstance retenue par les premiers juges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du second alinéa de l'article 1-1 de la loi du 2 janvier 1981 ;
3°/ que les conventions devant être exécutées de bonne foi, il appartient au créancier bénéficiaire d'un contrat de cautionnement, tenu d'une obligation générale de diligence à l'égard de la caution, de notifier au débiteur cédé la cession opérée suivant bordereau Dailly, afin de faire bénéficier celle-ci, en cas de paiement subrogatoire, non seulement de ses droits contre le cédant garant du paiement mais encore de ses droits contre le débiteur cédé ; qu'en l'espèce, faute pour la banque d'avoir notifié la cession de créance professionnelle à l'un des débiteurs cédés, la société Coignet, celle-ci s'est valablement libérée entre les mains du mandataire liquidateur du débiteur cautionné, ce qui a privé les cautions de tout recours subrogatoire à son encontre ; qu'en retenant que la banque n'a commis aucune faute et que l'absence de notification n'a pas empêché les cautions d'être utilement subrogées dans les droits de la banque, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2037 du Code civil, ensemble l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 ;
4°/ que, dans leurs conclusions signifiées le 22 septembre 1993, les cautions reprochaient à la banque de ne pas justifier avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Choignet, en sorte que, par la faute de la banque, elles ne pouvaient plus poursuivre, par subrogation, ce débiteur cédé ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la banque avait déclaré sa créance au passif de la société Choignet en liquidation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2037 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la créance de la banque sur la débitrice principale était établie par l'ordonnance d'admission passée en force de chose jugée du juge-commissaire, l'arrêt, examinant les exceptions personnelles invoquées par les cautions, retient que les époux Z ne justifient d'aucune faute imputable au créancier susceptible d'entraîner leur décharge ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé l'absence de notification des cessions de créances professionnelles, la cour d'appel en a déduit que la banque cessionnaire pouvait exercer son recours contre les cautions de la société cédante, sans avoir à faire valoir auparavant ses droits contre les débiteurs cédés ; qu'elle n'était, dès lors, pas tenue d'effectuer les recherches invoquées aux deuxième et quatrième branches ;
Attendu, enfin, que la notification des cessions étant, au regard de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981, devenu l'article L. 313-28 du Code monéraire et financier, une faculté pour la banque, l'abstention de celle-ci d'y procéder ne peut être invoquée par les cautions de la société cédante comme constitutive de faute à leur égard ;
D'où il suit que la cour d'appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 2028 du Code civil ;
Attendu que la caution ne peut agir avant paiement, sur le fondement de l'article 2032 du Code civil, que contre le débiteur par elle-même cautionné et non contre la caution solidaire de celui-ci ;
Attendu que pour condamner M. et Mme Z au titre des cautions de retenues de garantie, l'arrêt retient que la créance de la banque sur la débitrice principale est établie par l'ordonnance d'admission que le juge-commissaire a rendue à son profit ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque avait payé les créanciers au titre des cautionnements consentis par elle en application de la loi du 16 juillet 1971, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il y condamné M. et Mme Z au titre des cautions de retenues de garantie, l'arrêt rendu le 15 avril 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société générale ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du onze décembre deux mille un.