Chambre sociale
Audience publique du 4 décembre 2001
Pourvoi n° 99-44.160
M. Claude ...
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société Eurexcel et associés
Arrêt n° 5031 FS-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Claude ..., demeurant Sainte-Marie-de-Ré,
en cassation de deux arrêts rendus les 21 janvier et 27 mai 1999 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre B), au profit de la société Eurexcel et associés, société anonyme, dont le siège est Neuilly-sur-Seine,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 octobre 2001, où étaient présents M. Sargos, président, M. Besson, conseiller référendaire rapporteur, MM. ..., ..., ... ..., ..., ..., ..., Mmes ... ..., ..., conseillers, M. ..., Mmes ..., ..., MM. ..., ..., Mmes ..., ..., conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Besson, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. ..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Eurexcel et associés, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. ... a été engagé le 25 juillet 1990 par la société chypriote Westaf limited, en qualité de consultant informatique, dans le cadre d'un contrat de mission d'une durée de 15 mois ; qu'il a été détaché par cette compagnie auprès de la société Eurexcel et associés, à compter du 24 septembre 1990, et chargé par cette dernière d'une mission d'assistance à Dakar ; que la société Westaf limited a prolongé son contrat de mission une première fois, jusqu'au 31 mars 1993, puis une seconde fois, à compter de cette date ; qu'à la suite de la cessation d'activité de cette société, la société Eurexcel et associés a proposé, le 4 mai 1994, à M. ..., de conclure un contrat à durée déterminée venant à échéance le 31 juillet 1994, que celui-ci, en désaccord sur la précarité de l'engagement et les conditions de sa rémunération, a refusé de signer ; que la société Eurexcel et associés a invité à M. ..., de retour de congés payés à la fin du mois d'octobre 1994, à reprendre son activité ; que l'intéressé, estimant que la société Eurexcel et associés avait été son véritable employeur depuis le 24 septembre 1990, a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour non-versement de ses salaires, et a saisi la juridiction prud'homale afin d'en obtenir le règlement, ainsi que le paiement d'indemnités de rupture ; que la société Eurexcel et associés reprochant à M. ... d'avoir abandonné son poste, l'a licencié le 23 novembre 1994, pour faute lourde ;
Sur les premier et troisième moyens, réunis
Attendu que M. ... fait grief au seul arrêt rendu le 27 mai 1999 de l'avoir débouté de ses demandes tendant à faire juger que la société Eurexcel et associés a été son employeur depuis le 24 septembre 1990, et à obtenir le paiement de salaires et d'indemnités de rupture, alors, selon les moyens
1°/ qu'il résulte de l'article L. 124-3 du Code du travail que lorsqu'un entrepreneur de travail temporaire met un salarié à la disposition d'un utilisateur, un contrat de mise à disposition liant l'utilisateur à l'entrepreneur de travail temporaire doit être conclu par écrit ; que la prescription d'un contrat écrit est d'ordre public et que son omission entraîne la nullité absolue du contrat ; que la cour d'appel qui, par arrêt avant-dire droit du 21 janvier 1999, a ordonné la production par la société Eurexcel et associés du contrat de mise à disposition la liant à la société Westaf limited mais qui, sans constater que cette production ait été effectuée ni qu'un contrat écrit ait été signé entre les deux sociétés, s'est contentée d'en déduire l'existence de factures émanant de la société Westaf limited et de règlements adressés par la société Eurexcel et associés en rétribution des prestations effectuées par le salarié, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ qu'en imputant au salarié le risque d'une preuve qu'il ne lui appartenait pas de rapporter, la cour d'appel a méconnu la portée des articles L. 124-1 et suivants du Code du travail et les a violés ;
3°/ qu'en toute hypothèse, il résulte de l'article L. 124-7 du Code du travail que, si l'utilisateur continue à faire travailler après la fin de sa mission un salarié temporaire sans avoir conclu avec lui un nouveau contrat ou sans nouveau contrat de mission, ce salarié est réputé lié à l'utilisateur par un contrat à durée indéterminée avec reprise de l'ancienneté acquise dans le cadre de sa mission ; que le contrat de mise à disposition conclu entre la société Westaf limited et le salarié mentionnait expressément comme date de fin du contrat renouvelé le 31 décembre 1993 ; que la cour d'appel, qui a dit que le 31 décembre 1993, allégué comme étant la date d'expiration du contrat signé avec la société Westaf limited, résultait des seules affirmations du salarié, a dénaturé ledit contrat et violé l'article 1134 du Code civil ;
4°/ que si l'utilisateur continue à faire travailler après la fin de sa mission un salarié temporaire sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans un contrat de mise à disposition, ce salarié est réputé lié à l'utilisateur par un contrat de travail à durée indéterminée ; que, dans ce cas, l'ancienneté du salarié est appréciée à compter du premier jour de sa mission chez l'utilisateur ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'à l'issue du contrat conclu avec la société Westaf limited, le salarié avait continué à travailler pour le compte de la société Eurexcel et associés, ne pouvait, en violation du texte susvisé, affirmer que ce nouveau contrat ne constituait pas une prolongation de son contrat de travail avec la société Westaf limited et lui dénier l'ancienneté lui permettant de prétendre à l'indemnité de licenciement ;
Mais attendu que M. ..., ayant conclu devant la cour d'appel que les parties ne se trouvaient pas dans les liens d'une relation de travail temporaire, n'est pas recevable à soutenir, devant la Cour de Cassation, les moyens contraires pris de la violation des règles applicables en cette matière ;
Mais sur le deuxième moyen
Vu les articles L. 122-14-3 et L. 122-40 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter M. ... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que la société Eurexcel et associés, à l'appui du licenciement prononcé pour faute lourde, reproche au salarié de n'avoir pas réintégré son poste en dépit d'une mise en demeure ; que les courriers échangés entre les parties attestent de l'impossibilité dans laquelle elles se sont trouvées de formaliser le contrat de travail qu'elles envisageaient de signer, et de se mettre d'accord sur tous ses éléments ; que, dans ces conditions, le comportement du salarié ne caractérise pas l'abandon de poste qualifiable de faute lourde ni de faute grave invoqué à son encontre, mais constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le licenciement, ayant été prononcé pour faute lourde, avait un caractère disciplinaire, la cour d'appel, qui ne relève pas l'existence d'une faute du salarié, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. ... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Eurexcel et associés ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.