Jurisprudence : CE Contentieux, 15-03-1999, n° 183545

CE Contentieux, 15-03-1999, n° 183545

A5127AX8

Référence

CE Contentieux, 15-03-1999, n° 183545. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1076111-ce-contentieux-15031999-n-183545
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ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT


Conseil d'Etat

Statuant au contentieux


N° 183545

2 / 6 SSR

Mme Devic

Mme Jodeau-Grymberg, Rapporteur

M Hubert, Commissaire du gouvernement

M
Vught, Président

SCP Delaporte, Briard, Avocat

Lecture du 15 Mars 1999


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête présentée pour Mme Marie-Louise DEVIC, demeurant 2040, chemin du Massonné à Seysses (31600), enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 novembre 1996, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 12 septembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 31 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait annulé l'arrêté du 29 mars 1991 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant l'abaissement d'échelon, pour motif disciplinaire, de Mme DEVIC, ainsi que sa mutation de Muret à Nîmes dans l'intérêt du service, et a rejeté la demande formée par Mme DEVIC devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi du 3 août 1995 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de Mme Marie-Louise DEVIC,

- les conclusions de M Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

Considérant que Mme DEVIC, sur le recours de laquelle le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 29 mars 1991 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, avait prononcé sa rétrogradation pour faute disciplinaire et sa mutation dans l'intérêt du service, a défendu à l'appel formé par le ministre contre ce jugement ; que, dans un mémoire enregistré le 25 avril 1996 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, Mme DEVIC, se fondant sur l'intervention d'un nouvel arrêté du garde des sceaux, postérieur à l'introduction par celui-ci dudit appel, a soutenu que la cour devait décider qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur cet appel ; que, par l'arrêt attaqué, la cour, qui a d'ailleurs visé ledit mémoire et analysé le moyen tendant à ce qu'un non-lieu soit prononcé, qui y était contenu, n'a pas répondu à ce moyen et, faisant droit aux conclusions de l'appel, a annulé le jugement attaqué et rejeté la demande de Mme DEVIC dirigée contre l'arrêté du 29 mars 1991 ; qu'elle a ainsi omis de répondre au moyen susénoncé de Mme DEVIC, laquelle est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de son arrêt, en date du 12 septembre 1996 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur le moyen tiré par Mme DEVIC de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 janvier 1994 annulant son arrêté du 29 mars 1991 portant rétrogradation de Mme DEVIC :

Considérant, d'une part, que si le garde des sceaux, ministre de la justice a, ainsi qu'il y était tenu, tiré les conséquences du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 janvier 1994 annulant la sanction infligée à Mme DEVIC, cette circonstance ne rend pas sans objet l'appel formé par le ministre contre ce jugement ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux effets qui s'attachent respectivement à l'amnistie d'une sanction et à l'annulation pour excès de pouvoir de cette sanction, l'appel contre le jugement annulant la mesure de rétrogradation de Mme DEVIC n'est pas devenu sans objet du fait de l'intervention de la loi susvisée du 3 août 1995 portant amnistie ;

Sur la recevabilité de la demande de Mme DEVIC devant le tribunal administratif de Toulouse :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu par le ministre, que la sanction infligée à Mme DEVIC ait été notifiée à l'intéressée avec la mention des voies et délais de recours contentieux ; qu'ainsi le ministre n'est pas fondé à soutenir que la demande de Mme DEVIC au tribunal administratif de Toulouse serait tardive ;

Sur la légalité de la sanction de rétrogradation :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme DEVIC, infirmière affectée au centre de détention de Muret, a refusé de se rendre auprès d'un détenu victime d'un malaise et qui devait décéder par la suite ; que Mme DEVIC se prévaut de consignes selon lesquelles le déplacement des infirmières en zone de détention exige, pour des raisons de sécurité, l'accompagnement d'un membre du personnel de surveillance ; que si l'attitude qu'elle a ainsi adoptée était constitutive d'une faute, il ressort du dossier qu'eu égard à l'incertitude relative aux règles applicables à cet égard audit centre de détention, au fait que Mme DEVIC a immédiatement fait appel au service médical d'urgence et qu'il n'est pas soutenu qu'aucun surveillant n'était disponible pour l'accompagner, le ministre, dans les circonstances de l'espèce, a fait une appréciation manifestement erronée du comportement de Mme DEVIC en prononçant à son encontre la mesure de rétrogradation qu'elle conteste ; que, par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal administratif de Toulouse en a prononcé l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'annulation de la sanction prononcée à l'encontre de Mme DEVIC implique nécessairement la reconstitution de carrière de l'intéressée ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte l'injonction, que Mme DEVIC est recevable à demander en appel, tendant à ce que l'Etat procède à cette reconstitution dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur l'application de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 75-I de ladite loi, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme DEVIC la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 septembre 1996 est annulé.

Article 2 : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 31 janvier 1994 est rejeté.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à la reconstitution de carrière de Mme DEVIC dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera 12 000 F à Mme DEVIC au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme DEVIC est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Louise DEVIC et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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