ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat
Statuant au contentieux
N° 179628
8 / 9 SSR
Voies navigables de France
M Maïa, Rapporteur
M Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement
M Fouquet, Président
Lecture du 10 Décembre 1999
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 avril et 26 août 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour VOIES NAVIGABLES DE FRANCE dont le siège est 2, bld de Latour-Maubourg à Paris (75343) cedex 07 ; VOIES NAVIGABLES DE FRANCE demande que le Conseil d'Etat annule, en tant qu'il a décidé que l'astreinte de 200 F par jour de retard prononcée à l'égard de M Kilian courra à compter du troisième mois suivant la notification de l'arrêt, l'arrêt du 27 février 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du 1er octobre 1992 du tribunal administratif de Lyon condamnant M Kilian à payer une amende de 500 F au titre d'une contravention de grande voirie 1°) a décidé d'une part qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions incidentes de la requérante tendant à voir porter à 20 000 F ladite amende, d'autre part, que l'astreinte de 200 F par jour de retard prononcé par le tribunal administratif sera appliquée à compter du troisième mois suivant la notification dudit arrêt, 2°) a rejeté ses conclusions tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Belliard , Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de VOIES NAVIGABLES DE FRANCE,
- les conclusions de M Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M Kilian, qui habitait une péniche stationnée sans autorisation sur le Rhône, face au n° 6 du quai de Serbie à Lyon, a fait l'objet d'une contravention de grande voirie en date du 8 février 1991 ; que, sur citation du préfet du Rhône, il a été condamné, par jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 1er octobre 1992, à une amende de 500 F et à libérer l'emplacement occupé dans le délai de vingt jours à compter de la notification du jugement sous peine d'astreinte de 200 F par jour de retard ; que M Kilian ayant interjeté appel, la cour administrative d'appel de Lyon, par l'arrêt attaqué du 27 février 1996, a, en premier lieu, jugé, s'agissant des conclusions de M Kilian relatives à l'action domaniale, que M Kilian devait être condamné à libérer non seulement l'emplacement irrégulièrement occupé mais tout autre emplacement du domaine public fluvial géré par VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, en second lieu fixé au troisième mois suivant la notification de son arrêt la date à compter de laquelle M Kilian devait évacuer les lieux et enfin fixé à cette même date le point de départ de l'astreinte qui lui était infligée ; que VOIES NAVIGABLES DE FRANCE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il accorde à l'occupant un délai pour libérer les lieux et modifie la date d'effet de l'astreinte de 200 F par jour de retard fixée par le tribunal administratif ;
Considérant que, s'il appartenait à la cour administrative d'appel de Lyon, saisie de conclusions en ce sens présentées à titre subsidiaire par M Kilian et dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de repousser si elle le jugeait opportun, la date d'effet de l'astreinte de 200 F par jour de retard infligée à M Kilian par les premiers juges, elle n'avait pas en revanche le pouvoir d'accorder au contrevenant un délai pour évacuer les lieux ; que, dès lors, en fixant un tel délai et en en déduisant que le point de départ de l'astreinte devait être fixé à la date d'expiration de ce délai, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que VOIES NAVIGABLES DE FRANCE est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a dans son article 2 fixé ce délai et cette date, et dans son article 3 réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, que les conclusions subsidiaires de M Kilian tendant à ce que le juge lui accorde un délai pour libérer les lieux, doivent être rejetées ;
Considérant, d'autre part, que, par jugement en date du 5 janvier 1996, le tribunal administratif de Lyon, à la demande de VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, a, en application de l'article 2 de son jugement du 1er octobre 1992, liquidé l'astreinte litigieuse en fixant à 71 800 F le montant de la somme due par M Kilian ; qu'il ressort du dossier que ce jugement, faute d'avoir été frappé d'appel, est passé en force de chose jugée ; que, par suite, les conclusions subsidiaires de M Kilian devant la cour administrative d'appel tendant à ce que la date d'effet de l'astreinte soit repoussée, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ces conclusions ;
Considérant qu'il y a lieu,, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I e la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M Kilian à verser à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Sont annulés l'article 2, en tant qu'il a fixé au troisième mois suivant la notification de l'arrêt la date d'évacuation des lieux par M Kilian et par voie de conséquence, le point de départ de l'astreinte et l'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 février 1996.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M Kilian devant la cour administrative d'appel tendant à ce que soit repoussé le point de départ de l'astreinte fixée par le tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : M Kilian est condamné à verser à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, à M Jean-Pierre Killian et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.