Jurisprudence : CE Contentieux, 15-10-1999, n° 198578, Commune de Logonna Daoulas

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT


Conseil d'Etat

Statuant au contentieux


N° 198578

3 / 5 SSR

Commune de Logonna Daoulas

M Derepas, Rapporteur

M Touvet, Commissaire du gouvernement

Mme Aubin, Président

Lecture du 15 Octobre 1999


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°/, sous le n° 198578, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 26 novembre 1998, présentés pour la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS (Finistère), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M Trelhu, annulé l'arrêté du 12 septembre 1991 du maire de Logonna Daoulas délivrant à Mme Martine Tromeur le permis de construire un bâtiment à usage de poulailler ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M Trelhu ;

Vu 2°/, sous le n° 198579, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 26 novembre 1998, présentés pour la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS (Finistère), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 mai 1997 par lequel le tribunaladministratif de Rennes a annulé, à la demande de M Trelhu, l'arrêté du 21 janvier 1997 du maire de Logonna Daoulas délivrant à M Gérard Tromeur le permis de construire un bâtiment à usage de poulailler ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M Jean Trelhu ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Derepas, Auditeur,

- les observations de Me Parmentier, avocat de la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS et de la SCP Vincent, Bouvier, Ohl, avocat de M Jean Trelhu,

- les conclusions de M Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté du 12 septembre 1991, le maire de LOGONNA DAOULAS a délivré à Mme Martine Tromeur un permis de construire un bâtiment à usage d'élevage industriel de volailles et que par un autre arrêté, en date du 21 janvier 1997, le maire a délivré à M Gérard Tromeur un permis de construire un bâtiment du même type et destiné à être édifié à proximité du premier ; que le tribunal administratif de Rennes ayant, par deux jugements du 14 mai 1997, annulé ces deux permis de construire et la cour administrative d'appel de Nantes ayant, par deux arrêts du 10 juin 1998, rejeté les appels formés contre ces jugements, la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS se pourvoit en cassation contre ces arrêts ; que ses requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que si les visas de l'arrêt n° 97NT01421 comportent une erreur en ce qui concerne la date de l'arrêté accordant un permis de construire à M Tromeur, cette simple erreur de plume ne saurait entacher la régularité de l'arrêt qui la contient ;

Considérant qu'en relevant que M Trelhu était propriétaire d'un terrain situé à proximité du terrain d'assiette des constructions litigieuses et qu'il justifiait ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des permis de construire attaqués, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant que la distance qui séparait la propriété du requérant des bâtiments en cause était de nature à donner à celui-ci intérêt pour agir, la cour a souverainement apprécié les pièces du dossier, qu'elle n'a pas dénaturées ; que M Trelhu ayant expressément invoqué devant cette juridiction sa qualité devoisin, la commune requérante ne saurait soutenir que la cour aurait relevé d'office cette qualité pour reconnaître à M Trelhu un intérêt pour agir ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 146-2 du code de l'urbanisme : "Pour déterminer la capacité d'accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser, les documents d'urbanisme doivent tenir compte : ( ) de la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes" ; que ces dispositions concernant le contenu des seuls documents d'urbanisme, la commune requérante ne peut utilement s'en prévaloir dans un litige relatif à des permis de construire ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article L 146-4 du code de l'urbanisme : "L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement" ; que l'article L 146-1 du code de l'urbanisme dispose que les articles L 146-1 à L 146-9 de ce code sont applicables "à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la construction de lotissements et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, pour l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement" ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée, fût-ce à usage agricole, dans les communes du littoral ; que, par suite, en jugeant ces dispositions applicables à la construction des bâtiments litigieux, qui relèvent d'ailleurs de la législation sur les installations classées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'en estimant que les constructions autorisées ne pouvaient être regardées comme réalisées en continuité avec une agglomération ou un village existant ou comme constituant un hameau nouveau intégré à l'environnement, au motif qu'elles étaient situées dans une zone ne comprenant aucune construction et à 200 mètres du lieu-dit le plus proche dont elles étaient séparées par une voie communale, la cour a suffisamment motivé ses décisions et s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qu'elle n'a pas dénaturées ; que la qualité de voisin reconnue à M Trelhu étant fondée sur la circonstance que l'intéressé était propriétaire d'un terrain situé à proximité des constructions en cause, la cour a pu, sans entacher ses arrêts de contradiction de motifs, lui reconnaître cette qualité tout en estimant que les constructions litigieuses n'étaient pas réalisées en continuité avec le lieu-dit où l'intéressé réside ;

Considérant qu'en jugeant que le classement, par le plan d'occupation des sols, du terrain d'assiette des constructions dans une zone destinée aux constructions agricoles était sans influence sur l'appréciation de la légalité des décisions attaquées au regard de l'article L 146-4 du code de l'urbanisme précité, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'était pas tenue de statuer sur la légalité du plan d'occupation des sols par la voie de l'exception d'illégalité avant de prononcer l'annulation des décisions attaquées ;

Considérant que, si l'article 1er de la loi du 3 janvier 1986 susvisée dispose que la politique d'aménagement du littoral implique une coordination des actions de l'Etat et des collectivités locales, ou de leurs groupements, ayant notamment pour objet "le maintien ou le développement, dans la zone littorale, des activités agricoles ou sylvicoles", ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, en faveur des installations à usage agricole, des dérogations aux dispositions précitées du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LOGONNADAOULAS n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêts du 10 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LOGONNA DAOULAS, à M et Mme Gérard Tromeur, à M Jean Trelhu et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.

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