AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Danielle Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 octobre 1999 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre civile), au profit de Mme Danielle X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 2001, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Bruntz, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X... a été embauchée le 1er décembre 1986 par Mme Y... en qualité de gérante technique d'abord par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 30 août 1994 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 octobre 1999) d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1 / que la lettre de licenciement pour motif économique, qui fait état de la suppression du poste du salarié licencié, remplacé par l'employeur individuel, et qui invoque, pour justifier de l'impossibilité de maintenir celui-ci dans l'entreprise, à la fois le niveau actuel de l'activité de celle-ci et le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, est suffisamment motivée ; qu'en affirmant que la motivation de la lettre de licenciement litigieuse, qui faisait état de l'ensemble de ces éléments, n'était pas suffisamment précise, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
2 / que dans ses écritures d'appel, Mme X... se bornait à affirmer -sans, du reste, en justifier- que son licenciement ne répondait pas à la définition d'un licenciement économique, mais ne contestait pas que Mme Y... lui ait proposé un poste de simple coiffeuse au lieux et place de son poste, supprimé, de gérante technique ; qu'en affirmant que Mme Y... ne démontrait pas avoir proposé un tel reclassement à Mme X..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, partant, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la lettre de licenciement se bornait à mentionner que le licenciement procédait de la suppression du poste de la salariée sans en préciser la raison économique, la cour d'appel a exactement retenu que cette mention ne constituait pas l'énoncé des motifs économiques exigé par la loi et qu'en conséquence le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mme X... une somme à titre d'indemnisation de la clause de non-concurrence et une autre à titre de congés payés sur cette indemnité alors, selon le moyen :
1 / que le paiement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence, laquelle a pour cause l'obligation de non-concurrence imposée au salarié pour le temps suivant l'expiration de son contrat de travail, est subordonné à la persistance de l'existence de cette cause postérieurement à la rupture des relations de travail ; qu'en condamnant Mme Y... à verser à Mme X... une somme de 64 577,14 francs à titre d'indemnisation de la clause de non-concurrence tout en constatant que l'employeur avait délié cette dernière de son obligation de non-concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail, ce qui privait de toute cause l'obligation souscrite par l'employeur de verser à sa salariée une indemnité équivalente à 10 % des salaires perçus, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
2 / que l'indemnité compensatrice de non-concurrence n'a pas le caractère d'un complément de salaire, quelles que soient ses modalités de versement, dès lors qu'elle ne constitue pas la contrepartie d'un travail, mais une indemnisation destinée à compenser le préjudice subi par le salarié à raison de la restriction apportée à sa liberté de concurrence après l'expiration du contrat de travail ; que, dès lors, en retenant qu'il y avait lieu à congés payés sur la somme de 64 577,14 francs qu'elle allouait à titre d'indemnisation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 223-11 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la clause de non-concurrence était stipulée aussi bien en faveur de l'employeur que du salarié en raison de sa contrepartie pécuniaire ; qu'ayant fait ressortir que le contrat de travail ne prévoyait aucune possibilité de reconciation à la clause de non-concurrence, la cour d'appel a jugé, à bon droit, que l'employeur ne pouvait renoncer unilatéralement à l'exécution de la clause ;
Et attendu, ensuite, que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, la cour d'appel a justement décidé qu'elle ouvrait droit à congés payés ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme Y... reproche aussi à la cour d'appel de l'avoir condamnée à payer à Mme X... une somme à titre d'indemnité contractuelle de rupture alors, selon le moyen :
1 / que pour s'opposer à la demande de son ancienne salariée tendant au paiement d'une somme de 143 736,60 francs à titre d'indemnité forfaitaire de rupture, Mme Y... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 7), que si le paiement d'une telle indemnité était effectivement stipulé à l'article 6 du second contrat de travail, cette clause pré-rédigée, appelée à jouer en cas de rupture anticipée du contrat type à durée déterminée signé par les parties, était néanmoins inapplicable faute d'objet dès lors qu'en réalité la relation contractuelle voulue par les parties était fondée sur un contrat à durée indéterminée ; qu'en affirmant, pour décider que cette indemnité forfaitaire de rupture était due à Mme X..., qu'elle était prévue par ce contrat contrairement à ce que soutenait Mme Y... devant elle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de celle-ci et, partant, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en tout état de cause, qu'en s'abstenant de répondre au moyen ainsi soulevé par Mme Y... dans ses écritures d'appel et tiré de l'inapplicabilité de cette clause stipulant une indemnité forfaitaire de rupture, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que Mme Y... demandait à tout le moins à la cour d'appel, dans l'hypothèse où celle-ci estimerait cette clause applicable dans les relations entre les parties, de supprimer l'indemnité forfaitaire qu'elle stipulait, son montant étant disproportionné ; qu'en condamnant Mme Y... à payer cette indemnité à son ancienne salariée sans répondre, fût-ce pour l'écarter, à ce moyen subsidiaire tiré du caractère excessif de l'indemnité contractuelle de rupture, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, hors toute dénaturation, a constaté, pour écarter l'argumentation de Mme Y..., que l'indemnité contractuelle de rupture avait été expressément reprise dans le contrat à durée indéterminée conclu entre les parties ;
Et attendu qu'en allouant à la salariée la somme correspondante, la cour d'appel, qui ne l'a pas jugée manifestement excessive, a répondu aux conclusions ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que Mme Y... reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... des sommes à titre de rappel de salaires, les congés payés afférents, d'indemnité de préavis et les congés payés afférents et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen, que pour établir qu'il n'y avait pas lieu d'ajouter une prime technique au salaire de son ancienne salariée, Mme Y... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 5), qu'il résultait des attestations qu'elle versait aux débats qu'en dépit de son statut contractuel de gérant technique, Mme X... n'exerçait, en fait, aucune responsabilité dans l'organisation du salon de coiffure et qu'elle avait, au contraire, des problèmes de santé qui la handicapaient dans l'exercice d'une grande partie des capacités nécessaires à l'exercice de cette profession ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que Mme X... pouvait prétendre à l'allocation de la prime technique de 75 points prévue par la Convention collective nationale de la coiffure pour les gérants techniques d'un salon de coiffure comprenant de 1 à 5 personnes, que les fonctions de gérant technique qui lui étaient conférées incluaient nécessairement des responsabilités dans l'organisation du salon de coiffure, sans rechercher, ainsi qu'il y été ainsi invitée, si, dans la réalité, Mme X... exerçait effectivement de telles responsabilités, ni procéder à aucune analyse des attestations versées par madame Y... pour établir le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sans encourir le grief du moyen, la cour d'appel n'a fait que se conformer aux dispositions conventionnelles applicables à la relation de travail et qui prévoient que le gérant technique a droit à une prime technique en plus de son salaire de base ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille un.