Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 30-04-2024, n° 454502, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 30-04-2024, n° 454502, mentionné aux tables du recueil Lebon

A09505AG

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2024:454502.20240430

Identifiant Legifrance : CETATEXT000049501403

Référence

CE 3/8 ch.-r., 30-04-2024, n° 454502, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/107333283-ce-38-chr-30042024-n-454502-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-04-02-005-02 1) S’il résulte de l’article 151 septies du code général des impôts (CGI) que le respect de la condition de durée d’activité mentionnée au II, comme celui de la condition de recettes mentionnée au IV, s’apprécient au niveau de la société concernée, il résulte en revanche de la combinaison de ces dispositions et de celles de l’article 70 du même code que, dans le cas où la plus-value de cession est réalisée par une société dont les bénéfices sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices agricoles, telle qu’une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), le respect de ces conditions s’apprécie au niveau de chacun des associés exerçant, dans le cadre de la société en cause, une activité agricole au sens de l’article 151 nonies du même code....2) Il résulte des articles 151 septies et 70 du CGI que l’associé d’une EARL qui n’a pas exercé d’activité agricole au moyen des éléments d’actif dont la cession est à l’origine de la plus-value pendant la période de référence définie au premier alinéa du IV de l’article 151 septies, soit les deux années civiles précédant la date de clôture de l’exercice de réalisation de cette plus-value, ne peut pas être regardé comme ayant exercé une activité dont les recettes annuelles, calculées conformément au second alinéa de l’article 70, sont inférieures aux seuils prévus au II de l’article 151 septies....L’associé d’une EARL ayant commencé à exercer une activité agricole en son sein avant la date de la cession à l’origine de la plus-value en litige, mais n’ayant pas exercé cette activité pendant les deux années civiles précédant la date de clôture de l’exercice au cours duquel est intervenue cette cession, ne saurait donc être regardé comme ayant exercé une activité dont les recettes annuelles, calculées conformément au second alinéa de l’article 70 du CGI, sont inférieures aux seuils prévus au II de l’article 151 septies de ce code....3) Paragraphe n° 13 de l’instruction référencée BOI 5-E-3-08 n°41 du 11 avril 2008 comme le paragraphe n° 50 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – Impôts sous la référence BOI-BA-BASE-20-20-30-30 énonçant « qu’en cas de cession par une société ou un groupement soumis à l’impôt sur le revenu, le délai de cinq ans s’apprécie à compter du début effectif d’activité de la personne morale ou du groupement » et précisent que « ces modalités de décompte du délai de cinq ans s’appliquent également aux plus-values réalisés par les sociétés civiles agricoles relevant de l’article 70 »....Ces énonciations comportent, sur ce dernier point, une interprétation de la loi fiscale différente de celle énoncée au 1). En revanche, ni ces énonciations, ni celles des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20, ne comportent une interprétation de la loi fiscale différente de celle énoncée au 2).



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 454502⚖️


Séance du 05 avril 2024

Lecture du 30 avril 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B A ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1702217 du 29 mai 2019, ce tribunal a rejeté leur demande. Par un arrêt n° 19NT02854 du 17 mai 2021, la cour administrative d'appel de Nantes⚖️ a rejeté l'appel formé par M. et Mme A contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 12 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme B A ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A détenaient respectivement 51 % et 49 % des parts de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) A B créée en 1997. Cette société a cédé, au cours de l'année 2012, une partie de ses actifs. Il en est résulté une plus-value d'un montant total de 486 961 euros, taxable entre les mains de Mme A à hauteur d'une somme 238 611 euros correspondant à sa quote-part. Chacun des époux A a placé sa quote-part de cette plus-value sous le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts🏛. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EARL A, l'administration a estimé que Mme A, faute d'avoir elle-même la qualité d'associée exploitante, ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 70 du code général des impôts🏛 et que, dès lors, le seuil de recettes à retenir pour l'application, à la part taxable entre ses mains des plus-values de la société, de l'exonération prévue par l'article 151 septies, devait s'apprécier au regard du total des recettes de l'EARL et non au regard de sa quote-part de ces recettes. M. et Mme A ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis, en conséquence, au titre de l'année 2012. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 17 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa du I de l'article 151 septies du code général des impôts : " Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel ". En vertu du II du même article, certaines plus-values de cession réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées en totalité ou en partie si le montant des recettes annuelles est inférieur ou égal à certains seuils. Aux termes des premier, quatrième et sixième alinéas du IV de ce même article : " Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l'exercice de réalisation des plus-values. / () Lorsque les plus-values sont réalisées par une société mentionnés au quatrième alinéa [sociétés mentionnées aux articles 8 et 8 ter et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés], le montant des recettes annuelles s'apprécie au niveau de la société ou du groupement ". D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 70 du même code : " Pour l'application de l'article 151 septies, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société ". L'article 151 nonies de ce code vise notamment les contribuables qui exercent une activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

3. S'il résulte des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts que le respect de la condition de durée d'activité mentionnée au II, comme celui de la condition de recettes mentionnée au IV, s'apprécient au niveau de la société concernée, il résulte en revanche de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article 70 du même code que, dans le cas où la plus-value de cession est réalisée par une société dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles, telle qu'une EARL, le respect de ces conditions s'apprécie au niveau de chacun des associés exerçant, dans le cadre de la société en cause, une activité professionnelle agricole au sens de l'article 151 nonies du même code.

4. La cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, que Mme A avait exercé au sein de l'EARL A, à compter du 7 décembre 2011, une activité à temps partiel, à raison de quatorze heures hebdomadaires, en qualité d'ouvrier d'exécution, consistant à participer aux travaux de l'élevage porcin et occasionnellement au classement administratif. Au regard de ces constatations, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que Mme A, à la date de la cession à l'origine la plus-value litigieuse, ne pouvait être regardée comme participant de manière effective et régulière à l'activité de l'entreprise dans des conditions lui conférant la qualité d'associée professionnelle de celle-ci, et a par suite commis une erreur de droit en jugeant, pour ce motif, qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 70 du code général des impôts. M. et Mme A sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

6. En premier lieu, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que Mme A, qui a exercé une activité agricole au sein de l'EARL A à compter du 7 décembre 2011, avait la qualité d'associé professionnel au sens de l'article 151 nonies du code général des impôts à la date de la cession en litige et pouvait ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 70 du même code. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que tel n'était pas le cas auparavant, sans qu'il soit allégué qu'elle aurait alors exercé à titre individuel une activité agricole qu'elle aurait poursuivie au sein de l'EARL à compter de cette date. Par suite, Mme A ne peut être regardée comme satisfaisant à la condition de durée d'activité de cinq années mentionnée au II de l'article 151 septies du code général des impôts.

7. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles 151 septies et 70 du code général des impôts que l'associé d'une EARL qui n'a pas exercé d'activité agricole au moyen des éléments d'actif dont la cession est à l'origine de la plus-value pendant la période de référence définie au premier alinéa du IV de l'article 151 septies, soit les deux années civiles précédant la date de clôture de l'exercice de réalisation de cette plus-value, ne peut pas être regardé comme ayant exercé une activité dont les recettes annuelles, calculées conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 70, sont inférieures aux seuils prévus au II de l'article 151 septies. Mme A n'ayant commencé à exercer une activité agricole au sein de l'EARL A qu'à compter du 7 décembre 2011, et n'ayant ainsi pas exercé cette activité pendant les deux années civiles précédant la date de clôture de l'exercice 2012 au cours duquel est intervenue la cession à l'origine de la plus-value en litige, elle ne saurait être regardée comme ayant exercé une activité dont les recettes annuelles, calculées conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 70 du code général des impôts, sont inférieures aux seuils prévus au II de l'article 151 septies de ce code.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 ci-dessus que Mme A ne remplissait pas les conditions posées par la loi fiscale pour bénéficier, à raison de sa quote-part de la plus-value en litige, de l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts.

9. En second lieu, si le paragraphe n° 13 de l'instruction référencée BOI 5-E-3-08 n°41 du 11 avril 2008 comme le paragraphe n°50 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-BA-BASE-20-20-30-30 énoncent " qu'en cas de cession par une société ou un groupement soumis à l'impôt sur le revenu, le délai de cinq ans s'apprécie à compter du début effectif d'activité de la personne morale ou du groupement " et précisent que " ces modalités de décompte du délai de cinq ans s'appliquent également aux plus-values réalisés par les sociétés civiles agricoles relevant de l'article 70 ", ces énonciations comportant, sur ce dernier point, une interprétation de la loi fiscale différente de celle énoncée au point 3 ci-dessus, ni ces énonciations, ni celles des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20, également invoquées par M. et Mme A, ne comportent en revanche une interprétation de la loi fiscale différente de celle énoncée au point 7 ci-dessus, dont M. et Mme A seraient fondés à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales🏛.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'appel de M. et Mme A est rejeté ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 avril 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 30 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Isidoro

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin

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