TRIB UNAL ADMINISTRATIF
DE CAEN
RéPUBLIQUE FRANÇAISE
No
SOCIETE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Juge des réfërés La présidente, juge des réferés
Audience du2l mars2024
Ordonnance du 26 mars 2024
Réferé précontractuel
Par une requête et un mémoire enregistrés les l" et 20 marc 2024,1a société I
I représentée par Mef demande au juge des référés. statuant en application des
articles
l. SS t - I et suivants du code de j ustice administrative. dans Ie dernier
état de ses écritures :
l") d'enjoindre à la commune de de lui communiquer le montant
exact de redevance proposé par I'attributaire, le détail des notes qu'elle a
obtenues suite au dépôt
de son offre ainsi que celles obtenues par l'attributaire, au regard de
I'ensemble des critères et
sous critères de jugement des offres, ainsi que tous éléments d'explication
sur ces notes et de
comparaison entre son offre et celle retenue, dans un délai de quinze jours à
compter de la
notifi cation de I'ordonnance ;
2o) de suspendre la procédure de passation de la concession de services
portant sur la
fburniture, I'installation, I'entretien la maintenance et I'exploitation de
mobilier urbain
publicitaire et non ublicitaire, ainsi que la fourniture de services associés,
lancés par la
jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la
EB
commune de
date à laquelle il aura été procédé à cette conrmunication ;
3o) d'annuler les décisions de rejet de son offre et d'attribution à la
société I
de la concession de services ;
4") d'enjoindre à la commune de de reprendre [a procédure de
passation de la concession au stade de la remise de l'offre améliorée ou si la
commune
de reprendre la procédure ab initio ;
5') subsidiairement d'annuler la procédure de passation de la concession ;
le préfère,
6o) de mettre à [a charge de la commun. d"Ila somme de 3 000 euros
en application de l'articleL.76l-l du code de justice administrative ;
N'2400564
La soutient
- la commune de ne l'a pas suffisamment informée des motifs du
rejet de son offre, en méconnaissance des dispositions des articles R.3125-l
et R.3125-3 du
code de la commande publique ; en particulier le courrier du 20 fevrier 2024
ne mentionne pas
les notes obtenues au regard des sous critères de jugement des offres ; elle
n'apporte aucun
élément d'explication ni de comparaison entre son offre et celle de
I'attributaire ; ù-lettre du 13
mars 2024 de la commune lui communiquant des éléments d'infbrmation contient
des éléments
différents de ceux qui lui ont été communiqués lors du rejet de son offre au
titre du critère de Ia
valeur économique, de la redevance proposée par l'attributaire et des notes
obtenues par les
candidats sur certains critère qui ne peuvent mathématiquement pas
correspondre au barème
défini par le pouvoir adjudicataire ;
- la commune a ainsi irrégulièrement mis en æuvre une méthode de notation qui
ne
correspond pas à celle qu'elle avait arrêtée lors du lancement de la procédure
de passation du
marché public ;
- la procédure de passation a méconnu les dispositions de I'article 9.3 du
règlement de
consultation relatif au déroulement des négociations dès lors qu'elle n'a pas
été informée de la
clôture des négociations et invitée à remettre une offle finale ;
- ces manquements sont de nature à léser ses intérêts.
Par un mémoire en déf-ense enregistré le 1,5 mars 2024,|a commune d"I
I représentée Me Cailloce, conclut au rejet de la requête et à ce que soit
mise à la charge
de Ia société la somme de 5 000 euros en application de I'article L.761-l du
code de justice administrative.
Elle fait valôir que :
- le montant de la concession étant intérieur au seuil de 5 538 000 euros, la
procédure de
passation relevait du régime simplifié et aucune obligation de communiquer les
motifb de rejet
de I'offre ne s'imposait à elle ; en tout état de cause, elle a communiqué les
éléments
d'information requis par un courrier du l3 mars 2A24 :
- Ia société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance
cles
dispositions de I'article 9.3 du règlement de consultation dès lors qu'il
s'agissait d'une
négociation facultative qui ne fixait pas de calendrier impératif de
déroulement de la consultation
et ne fixait pas de date précise de remise de I'offre finale ; en tout état de
cause, les courriers qui
lui ont été adressés les 3l juillel2023 et 3 octobre 2023, ainsi que la
chronologie clu déroulement
de la procédure lui ont permis de comprendre qu'il lui était demandé de
remettre son offie
finale ; en toute hypothèse le manquement allégué n'a pu léser la société
requérante dès lors
qu'elle a pu améliorer sensiblement son offre.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2024,|a commune de
représentée Me cailloce, a communiqué un extrait de la dernière offre de la
société
identifie les améliorations finales apportées par la société requérante à son
otlre mais dont elle demande qu'elle ne soit pas transnrise aux autres parties
en application de
I'article R. 6l l-30 du code de justice adrninistrative.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 et 2l mars 2A24, la société
représentée par le cabinet agissant Me
conclut au re.iet de la requête et à ce que soit mise à la char.ge de la
société
somme de 5 000 euros en application de I'article L.761- I du code de.justice
administrative.
2
Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux invoqués par la commune o"I
N'2400564
secret des affaires, présentées par la commune de
marc2024.
Une note en délibéré présentée par ia société
le 2l mars 2024.
soulève un moyen nouveall tiré de I'inecevabilité de I'offre de la société
maintient ses conclusions et moyens.
3
Deux notes en délibéré, dont I'une concerne la communication d'une pièce
soumise au
ont été enregistrées le 2 I
Vu les autres pièces du dossier
Vu:
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de I'audience
Ont été entendus au cours de I'audience publique tenue le 2l mars 2024, en
présence de
greffière
- [e rapport de
- les observations d.I représentant la qui maintient
les conclusions et moyens précédents et fait valoir que son offre est
régulière ;
- et les observations de Me Cailloce, représentant la commune de qui
a été enregistrée
et
La clôture de I'instruction a été prononcée à I'issue de I'audience publique
Considérant ce qui suit :
l. La commune de en application des dispositions de I'article
R.3126-t du code de la commande publique, une procédure simplifiée
d'attribution d'une
concession de services, d'une duree de dix ans, portant sur la fournirure.
I'installation,
I'entretien, la maintenance et l'exploitation de mobilier urbain publicitaire
et non publicitaire,
ainsiquelafburnituredeservicesassociés'ParIaprésenterequête,lasociétéf
dernande à titre principal d'annuler les décisions de de son offre et
d'attribution de la
concession de services à la société
2.Auxtermesdel'articleL.55l-l ducodedejusticeadrninistrative:<
tribunal administratif, ou le magi,strat qu'il délègue, peut être saisi en c6s
de manquement ats
obligations de publicité et de mise en conuftTence aruquelles est ,soumise la
passation par les
pouvoirs acliudieaîeurs de contrats administratifs ayanl pour objet
l'exécution de ftawnrx, la
livraison de J'ournitures ovt la prestalion de services, ctv-c tlltê
contrepurtie économique
con,stituée par un prix ouun elroil d'exploitation (...) / Le juge est sai'çi
avant la conclusion du
contrat >>. Aux termes du I de I'
article L. 551-2 du même code🏛 : << Le juge
peul ordonner à
l'artteur du manquement de se confbrmer à,ses obligations et suspendre
l'exécution de loule
décision qui se rapporte à la passalion du contrq[ sauf s'il estirne, en
considéralion de
I'ensemble des intërêts .susceptibles d'être lésés et notamment de l'intërêt
public, qtte les
N'2400564
conséqLtence,ç négatives de ce,c mesures pouwaienl l'emporter sur leurs
avantuges. / Il peul, en
oulre, annuler les déci.sions qui.se rapportent à lo passation du contrût et
sultprimer Ies clau.ces
ou prescriptions clestinëes àfigurer dans le contrat et qui rnëconnaissent
lesrJites obligutions >>.
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés
précontractuels de se
prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concunence
incombant au
pouvoir adjudicateur. invoqués à I'occasion de la passation d'un contrat.
L'office de ce juge
cesse à la signatute du contrat. En vertu des mêmes dispositions, les
personnes habilitées à agir
pour mettre fin au.x manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de
publicité et de
mise en concuTrence sont celles susceptibles d'êhe lésées par de tels
manquements. Il appartient
dès lors aujuge des réferés précontracfuels de rechercher si l'entreprise qui
le saisit se prévaut de
manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils
se rapportent, sont
susceptibles de I'avoir lésée ou risquentde la léser, fût-ce de façon
indirecte en avantageant une
entreprise concurrente.
Sur la procédure d'évaluation des offres
4. Aux tennes de I'
article L.2152-7 du code de la commande publique🏛 '. <
murché est altrihué au soumissionnaire ou, le cas échéant, uux
*tumissionnaires Eti onl
présenté l'of/re économiquement la plus avantageuse sur [a buse cl'un ou
plusieurs critères
obiectifis, préci:; el liës à I'objet du marché ou à se.ç conditions
d'exécution. Les modalités
d'application du présent alinëa sont prévue,r par voie réglernentaire. (...)
>. Par ailleurs, I'article
9-3 du règlement de la consultation dispose que : ( ConJbrmëment aux
dispositions de I'orticle
L.3l2I-l du code c{e la commande puhlique, lu collectivilé peut recourir ci la
négoc:iation. (...) /
A l'issrc tte chaque ,séance de négociaîion el dans le délui qi leur sera
intparTi, Ies candiduts
pourront être invités à remetlre un complément à leur olJre tisant à la
préci,ser, la compléter ou
lu modiJier dan,s le prolongement des discussion,s abordées lor,s de ltt
séance de nëgociation./
Lorsque l'auktrité concédanle estime, cu wt de lu qualité des offre,s remises
et des résu!tuts cle lct
négociatiorz que cetle négocitttion e,çt arrivee à son terme, elle en in/rtrme
Ie^ç candidats eI lettr
prëcise les cutditions duns lesqttelles ils sorzt invités à remettre leur
rffi"e.finale sur lu bene de ce
qui aura élé négocié.>>.
5. II résulte de l'instruction ue courrier du
4
a infbnné la société
3l juillet 2023, la commune de
de I'ouverture d'une phase de
négociation et ['a invitée dans ce cadre à une réunion le lundi 18 septembre
?023, en lui
transmettant la liste des principales questions qui lui seront posées lors de
la négociation. Le
même counier précisait qu'une nouvelle oflre pourra être déposée à une date
fixée à I'issue de la
réunion. Par un courier en date du 3 octobrc 2023, la commune lui a
transmis une nouvelle liste de questions, des demandes de compléments et
d'arnéliorat'ion ainsi
que les modalités de remise de I'offir améliorée qui devait être déposée au
plus tard le 20
octcrbre 2023 sur une plateforme de dématérialisation. ll n'est pas utilement
contesté que la
société attributaire du marché a bénéflcié des mêmes modalités de proposition
d'une nouvelle
of'fre après I'ouverture de la phase de négociation. S'il est regrettable que
le courrier du 3 octobre
2023 tàit seulement référence à la notion d'offre anréliorée, il doit
cependant être considéré,
compte tenu des phases de la négociation qui viennent d'être exposées, qu'il
tient lieu
d'invitation à présenter I'offre finale prévue par I'article 9-3 précité du
règlement de la
consultation, lequel ne prévoyait aucun calendrier relatif aux modalités de
dépôt des ofTles et ne
fixait pas précisément les conditions de remise de l'oflre finale. Il est
d'ailleurs constant que la
société attributaire a, suite à la réunion de négociation, déposé son oftie
avec la mention < offre
finale >. En tout état de cause, à supposer même que les offres déposées pour
le 2A ocbbre 2023
auraient eu vocation à évoluer et que I'ofTle finale était susceptible de
comporter de nouveaux
N'2400564
éléments, les deux soumissionnaires, qui ont bénétlcié des mêmes délais, des
mêmes temps
d'échanges avec l'autorité concédante et d'un volume comparable de questions,
propositions
d'amendements et commentaires de sa part, orlt été traités dans le respect du
principe d'égalité,
tout au long de la de iation entre Ie 3l juillet 2023 et le 20 octobre 2023'
Dans
ces conditions la société n'est pas fondée à soutenir que la commune de
en décidant de mettrc un terme aux négociations et d'attribuer le contrat de
concession au regard des offres remises pour le 20 octobre 2023, a rnéconnu
les règles de la
concurrence dans la procédure d'évaluation des offres.
Sur la régularité de l'offre du candidat évincé :
6. Aux termes de I'article L. 3124-l du code de la cornmande publique'. <<
Lorsque
l'attbrité concédanîe recourt à la négociation pour attribuer le contrat de
conces:;ion, elle
organi.se librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaire,s
clan,s des conditions
prévues par tlëcret en Conseil d'Etat. La négociation ne peul porler ,sur
l'obiet de la concession,
Ies critères d'ah"ibution ou les condilions et curactéri,sliques minimales
indiquées dan,s le,s
clocuments tJe la consultqtion. >. Aux termes de I'article L.3124-2 du
mêmecode: <
concëdante écarte les offre.,s irrëgptli.ères ou inappropriées.>>. Aux termes
de I'article L.3124-3
du même code : << LIne etffre est irrégulière brsqu'elle ne respecte pa,s les
ctsnditions el
caractéristiques minitnoles indiquëes dan:; le,r documenls de la
con,suh.aliort.>>. Aux termes de
I'article L.3124-4 du nrême code: <<[Jne o/fre est inappropriée lorsqu'elle
n'est manit''eslemenl
pas en mesure, sans modification.s ,sub,çtantielles, de rëpondre aux besoitts
et aux exigences de -l'autorité
concëdante ,spëcifiés dans les documents de la consultation. >>. Enfin, aux
termes de
I'article 9 clu règlement de la consultation de la concession en cause : <<
Le.iugement des tffies
seru ffictué dans les utnditions prévues à I'article L. 3124-5 et R. 3124-4 à
R. 3124-6 ùt (itde
de lct commande publiqtrc. ConJbrmément aux arlicles L,3124-2 el ,suivanls du
Clode de la
commande publique, le,s o/fres ircégulières ou inappropriëes seront éliminées
el ne seront pas
clussées. Une o.ffre est irrégulîère krsqu'elle ne re.specte pas les
conditions et cuructéristirpres
minimoles int{iquée.r tlans les documenls de la consultution. Une rffie est
inuppropriée
ktrsqu'elle n'est manifestenten! pcts en mesure, sans modification
wbstantielles, de réprtndre mm
besoins et aux exigences de l'aulorilé concédanle, spéciJiés dun,s les
clocumenls tle Ia
consultation. >>.
7. Alors même que I'offre du concurrent évincé demandant I'annulation du
contrat
de délégation de service public a été classée et notée, le pouvoir
adjudicateur peut se prévaloir
devant te juge du caractère irrégulier de son offre pour soutenir que le
demandeur ne peut
utilement soulevet'un lnoyen critiquant I'appréciation des autres offres.
8. En I'espèce, la commune a, lors de I'audience, fait valoir
que l'offre de la société était conditionnée à la modifi cation du cahier des
charges sur certains éléments identifiés lors des réponses apportées aux
questions de la
commune, notamment en ce qul concerne les redevances versées. Compte tenu du
caractère
substantiel des modifications du cahier des charges, s'agissant des modalités
financières de la
concession en li ainsi contenues dans I'offre de la société requérante, la
commune de
est fondée à soutenir son offre devait être éliminée et ne pouvait pas être
classée. Dans ces conditions, la société n'est pas susceptible d'avoir été
lésée
par les diflérents manquernents qu'elle invoque, alors même que son otTre a
été classée à l'issue
de la procédure de passation du marché.
g. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et
d'injonction
de la requête doivent être rejetées.
5
N" 2400564
Sur les frais liés au litige
10. Aux termes de I'article L.761-l du code de justice administrative : <<
Dans toutes
les instances, le.iuge contlamne lu partie tenue aLLy dépens ou, à tJéfaut, la
partie perclante, à
payer à I'autre purlie la .somme qu'il dëtennine, au titre des/iais exposé.s
et non compris tlcrns
les dépens. (...1. >.
il. Il a lieu, dans les circonstances de I'espèce, de mettre à la de la
société
la somme de t 000 euros à verser à la commune et la
somme de 1 000 euros à verser à la société au titre des dispositions
précitées de I'article L.761-l du code de justice administrative. Ces di ons
font obstacle à
ce que Ia somme de 3 000 euros demandée par la société soit mise à la charge
de la commune