Chambre commerciale
Audience publique du 13 novembre 2001
Pourvoi n° 98-22.144
M. Jean-Marie Z ¢
M. Y Arrêt n° 1840 F D RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Jean-Marie Z, demeurant Bersée,
2°/ la société Carrelage du Pévèle, dont le siège est Emmerin,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 octobre 1998 par la cour d'appel de Douai (2e chambre), au profit de M. Y, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Carrelage du Pévèle, domicilié Lille,
défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 octobre 2001, où étaient présents M. Dumas, président, M. Cahart, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Cahart, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. Z et de la société Carrelage du Pévèle, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré, que, la SARL Carrelage du Pévèle (la SARL) ayant été déclarée en liquidation judiciaire le 12 juin 1995, la cour d'appel a fixé au 15 avril 1995 la date de cessation des paiements, a condamné M. Z, gérant de cette société, à supporter une partie de l'insuffisance d'actif et a prononcé à son égard une interdiction de gérer pour une durée de quinze ans ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen
1°/ que l'état de cessation des paiements est caractérisé par l'impossibilité, pour le débiteur, de faire face à son passif exigé ; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si la SARL ne disposait pas d'une réserve de crédit résultant de la demande de délais déposée par M. Z auprès des organismes sociaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°/ qu'à supposer que la cessation des paiements soit caractérisée par l'impossibilité par la SARL de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il résulte en l'espèce des propres constatations de la cour d'appel qu'il n'était pas démontré qu'au 15 avril 1995, la SARL était dans l'impossibilité de faire face à la créance de la caisse des congés payés avec son actif disponible, que M. Z avait formé une demande de moratoire auprès de cette Caisse et qu'aucune autre créance n'était exigible avant le 15 avril 1995 ; qu'en reportant néanmoins la date de cessation des paiements du 30 mai au 15 avril 1995, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;
3°/ qu'en reportant la date de cessation des paiements de la SARL du 30 mai au 15 avril 1995, sans caractériser expressément en quoi, à cette date, la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que, selon l'arrêt et les productions, ayant fait état d'une demande de moratoire, M. Z n'a produit aucune réponse de la Caisse concernée, et n'a dès lors pas apporté la preuve de l'existence d'une réserve de crédit auprès de cette dernière ; que l'appréciation de la cour d'appel, suivant laquelle il n'était pas démontré que la SARL se trouvait dans l'impossibilité de faire face à ses dettes, concernait non pas la situation au 15 avril 1995, mais les troisième et quatrième trimestres 1994 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt d'avoir prononcé à son égard une interdiction de gérer une entreprise pour une durée de quinze années, alors, selon le moyen, que la souscription d'engagements jugés trop importants ne peut justifier l'application de l'interdiction de gérer que si elle a été effectuée sans contrepartie ; qu'en statuant comme elle a fait sans rechercher si la convention de services conclue entre Carrelage du Pévèle et CTB était dépourvue de contrepartie, et en ne constatant nullement que tel aurait été le cas, la cour d'appel a violé les articles 189.3° et 192 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que, le pourvoi n'ayant pas critiqué le motif de l'arrêt suivant lequel "l'analyse du compte de résultat démontre que l'activité de la société Carrelage du Pévèle était déficitaire depuis sa création et qu'elle s'est poursuivie artificiellement", le moyen est inopérant et donc irrecevable ;
Mais sur le deuxième moyen
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et les articles 189.3° et 192 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 625-5.3° et L. 625-8 du Code de commerce ;
Attendu que, pour condamner M. Z à supporter l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, l'existence d'une créance non recouvrée de 669 446,65 francs de la SARL sur la société CTB ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette créance n'était pas compensée, en partie, par des acomptes qu'aurait versés la société CTB, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 669 446,65 francs, l'arrêt rendu le 8 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z et de la société Carrelage du Pévèle ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille un.