Directive n° 97/80 du Conseil du 15-12-1997

Directive n° 97/80 du Conseil du 15-12-1997

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L8292AUN

Directive communautaire



DIRECTIVE 97/80/CE DU CONSEIL
du 15 décembre 1997
relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu l'accord sur la politique sociale, annexé au protocole (n° 14) sur la politique sociale, annexé au traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 2, paragraphe 2,

vu la proposition de la Commission (1),

vu l'avis du Comité économique et social (2),

statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 C du traité (3),

(1) considérant que, sur la base du protocole sur la politique sociale annexé au traité, les États membres, à l'exception du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, ci-après dénommés "les États membres", désireux de mettre en oeuvre la charte sociale de 1989, ont arrêté un accord sur la politique sociale;

(2) considérant que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l'importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, notamment celles fondées sur le sexe, la couleur, la race, les opinions et les croyances;

(3) considérant que le point 16 de la Charte communautaire des droit sociaux fondamentaux des travailleurs concernant l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes prévoit, entre autres, qu'il "convient d'intensifier les actions pour garantir la mise en oeuvre de l'égalité des chances entre hommes et femmes, notamment pour l'accès à l'emploi, la rémunération, les conditions de travail, la protection sociale, l'éducation, la formation professionnelle et l'évolution des carrières";

(4) considérant que la Commission, conformément à l'article 3, paragraphe 2, de l'accord sur la politique sociale, a consulté les partenaires sociaux au niveau communautaire sur l'orientation possible d'une action communautaire en matière de charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe;

(5) considérant que la Commission, estimant après cette consultation qu'une action communautaire était souhaitable, a de nouveau consulté lesdits partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée conformément à l'article 3, paragraphe 3, dudit accord; que ceux-ci ont transmis à la Commission leur avis;

(6) considérant que, au terme de cette seconde phase de consultation, les partenaires sociaux n'ont pas informé la Commission de leur volonté d'engager le processus, qui pourrait aboutir à la conclusion d'un accord, tel que prévu à l'article 4 dudit accord;

(7) considérant que, selon l'article 1er dudit accord, la Communauté et les États membres ont pour objectif, entre autres, l'amélioration des conditions de vie et de travail; que l'application effective du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes contribue à la réalisation de cet objectif;

(8) considérant que le principe de l'égalité de traitement a été énoncé à l'article 119 du traité et dans la directive 75/117/CEE du Conseil du 10 février 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (4), ainsi que dans la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail (5);

(9) considérant que la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (6) contribue également à la réalisation effective de l'égalité de traitement entre hommes et femmes; que ladite directive ne doit pas porter atteinte aux directives précitées en matière d'égalité de traitement et qu'il convient dès lors que les travailleuses visées par ladite directive bénéficient, dans les mêmes conditions, de l'aménagement des règles concernant la charge de la preuve;

(10) considérant que la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES (7) est également fondée sur le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes;

(11) considérant que les références à la "voie juridictionnelle" et à une "juridiction" visent des mécanismes par lesquels des différends peuvent être soumis pour examen et décision à des organes indépendants qui peuvent rendre des décisions contraignantes pour les parties à ces différends;

(12) considérant que l'expression "procédures gracieuses" désigne notamment des procédures telles que la conciliation et la médiation;

(13) considérant que l'appréciation des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte appartient à l'instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales;

(14) considérant qu'il revient aux États membres de prévoir, quel que soit le stade de la procédure, un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse;

(15) considérant qu'il est nécessaire de tenir compte des spécificités des systèmes juridiques de certains États membres, entre autres, lorsqu'il peut être conclu à une discrimination si la partie défenderesse ne parvient pas à convaincre la juridiction ou l'autorité compétente qu'il n'y a pas eu de violation du principe de l'égalité de traitement;

(16) considérant que les États membres peuvent ne pas appliquer les règles concernant la charge de la preuve aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente; que les procédures ainsi visées sont celles dans lesquelles la partie demanderesse est dispensée de prouver les faits dont l'instruction incombe à la juridiction ou à l'instance compétente;

(17) considérant que les parties demanderesses en justice pourraient être privées de tout moyen efficace de faire respecter le principe de l'égalité de traitement devant la juridiction nationale si le fait d'apporter la preuve d'une discrimination apparente n'avait pas pour effet d'imposer à la partie défenderesse la charge de prouver que sa pratique n'est, en réalité, pas discriminatoire;

(18) considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a affirmé en conséquence que l'aménagement des règles concernant la charge de la preuve s'impose dès qu'il existe une apparence de discrimination, et que, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse;

(19) considérant que la preuve de la discrimination est d'autant plus difficile à apporter que la discrimination est indirecte; qu'il importe donc de définir la discrimination indirecte;

(20) considérant que l'objectif d'un aménagement adéquat des règles concernant la charge de la preuve n'est pas suffisamment réalisé dans tous les États membres et qu'il s'impose, conformément au principe de subsidiarité énoncé à l'article 3 B du traité et au principe de proportionnalité, de l'atteindre au niveau communautaire; que la présente directive se limite au minimum requis et n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

Article premier

Objectif

La présente directive vise à garantir que soient rendues plus efficaces les mesures prises par les États membres, en application du principe de l'égalité de traitement, qui permettent à toute personne qui s'estime lésée par la non-application à son égard du principe de l'égalité de traitement de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d'autres instances compétentes.

Article 2

Définitions

1. Aux fins de la présente directive, le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement.

2. Aux fins du principe de l'égalité de traitement visé au paragraphe 1, une discrimination indirecte existe lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit approprié(e) et nécessaire et ne puisse être justifié(e) par des facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés.

Article 3

Champ d'application

1. La présente directive s'applique:

a) aux situations couvertes par l'article 119 du traité et par les directives 75/117/CEE, 76/207/CEE et, dans la mesure où il y a discrimination fondée sur le sexe, 92/85/CEE et 96/34/CE;

b) dans le cadre de toute procédure civile ou administrative concernant le secteur public ou le secteur privé qui prévoit les recours selon le droit national en application des dispositions visées au point a), à l'exception des procédures gracieuses de nature volontaire ou prévues par le droit national.

2. La présente directive ne s'applique pas aux procédures pénales, sauf si les États membres en disposent autrement.

Article 4

Charge de la preuve

1. Les États membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

2. La présente directive n'empêche pas les États membres d'imposer un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse.

3. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

Article 5

Information

Les États membres veillent à ce que les mesures prises en application de la présente directive, ainsi que les dispositions déjà en vigueur en la matière, soient portées, sous toute forme appropriée, à la connaissance de toute personne concernée.

Article 6

Sauvegarde du niveau de protection

La mise en oeuvre des dispositions de la présente directive ne constitue en aucun cas un motif suffisant pour justifier une réduction du niveau général de protection des travailleurs dans les domaines couverts par celle-ci, sans préjudice du droit des États membres d'adopter, eu égard à l'évolution de la situation, des dispositions législatives, réglementaires ou administratives différentes de celles qui existent au moment de la notification de la présente directive, pour autant que les exigences minimales prévues dans la présente directive soient respectées.

Article 7

Mise en oeuvre

Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er janvier 2001. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Les États membres transmettent à la Commission au plus tard deux ans après la mise en oeuvre de la présente directive toutes les données utiles en vue de permettre à la Commission d'établir un rapport à soumettre au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive.

Article 8

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Bruxelles, le 15 décembre 1997.

Par le Conseil

Le président

J.-C. JUNCKER

(1) JO C 332 du 7. 11. 1996, p. 11.

JO C 185 du 18. 6. 1997, p. 21.

(2) JO C 133 du 28. 4. 1997, p. 34.

(3) Avis du Parlement européen du 10 avril 1997 (JO C 132 du 28. 4. 1997, p. 215), position commune du Conseil du 24 juillet 1997 (JO C 307 du 8. 10. 1997, p. 6), et décision du Parlement européen du 6 novembre 1997 (JO C 358 du 24. 11. 1997).

(4) JO L 45 du 19. 2. 1975, p. 19.

(5) JO L 39 du 14. 2. 1976, p. 40.

(6) JO L 348 du 28. 11. 1992, p. 1.

(7) JO L 145 du 19. 6. 1996, p. 4.

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