Directive communautaire
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil
du 8 juin 2000
relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique")
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 47, paragraphe 2, son article 55 et son article 95,
vu la proposition de la Commission(1),
vu l'avis du Comité économique et social(2),
statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité(3),
considérant ce qui suit:
(1) L'Union européenne vise à établir des liens toujours plus étroits entre les États et les peuples européens et à assurer le progrès économique et social. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du traité, le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises et des services ainsi que la liberté d'établissement sont assurées. Le développement des services de la société de l'information dans l'espace sans frontières intérieures est un moyen essentiel pour éliminer les barrières qui divisent les peuples européens.
(2) Le développement du commerce électronique dans la société de l'information offre des opportunités importantes pour l'emploi dans la Communauté, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Il facilitera la croissance économique des entreprises européennes ainsi que leurs investissements dans l'innovation, et il peut également renforcer la compétitivité des entreprises européennes, pour autant que tout le monde puisse accéder à l'Internet.
(3) Le droit communautaire et les caractéristiques de l'ordre juridique communautaire constituent un atout essentiel pour que les citoyens et les opérateurs européens puissent bénéficier pleinement, sans considération de frontières, des possibilités offertes par le commerce électronique. La présente directive a ainsi pour objet d'assurer un niveau élevé d'intégration juridique communautaire afin d'établir un réel espace sans frontières intérieures pour les services de la société de l'information.
(4) Il est important de veiller à ce que le commerce électronique puisse bénéficier dans sa globalité du marché intérieur et donc que au même titre que pour la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle(4), un niveau élevé d'intégration communautaire soit obtenu.
(5) Le développement des services de la société de l'information dans la Communauté est limité par un certain nombre d'obstacles juridiques au bon fonctionnement du marché intérieur qui sont de nature à rendre moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services. Ces obstacles résident dans la divergence des législations ainsi que dans l'insécurité juridique des régimes nationaux applicables à ces services. En l'absence d'une coordination et d'un ajustement des législations dans les domaines concernés, des obstacles peuvent être justifiés au regard de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Une insécurité juridique existe sur l'étendue du contrôle que les États membres peuvent opérer sur les services provenant d'un autre État membre.
(6) Il convient, au regard des objectifs communautaires, des articles 43 et 49 du traité et du droit communautaire dérivé, de supprimer ces obstacles par une coordination de certaines législations nationales et par une clarification au niveau communautaire de certains concepts juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. La présente directive, en ne traitant que certaines questions spécifiques qui soulèvent des problèmes pour le marché intérieur, est pleinement cohérente avec la nécessité de respecter le principe de subsidiarité tel qu'énoncé à l'article 5 du traité.
(7) Pour garantir la sécurité juridique et la confiance du consommateur, il y a lieu que la présente directive établisse un cadre général clair pour couvrir certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur.
(8) L'objectif de la présente directive est de créer un cadre juridique pour assurer la libre circulation des services de la société de l'information entre les États membres et non d'harmoniser le domaine du droit pénal en tant que tel.
(9) Dans bien des cas, la libre circulation des services de la société de l'information peut refléter spécifiquement, dans la législation communautaire, un principe plus général, à savoir la liberté d'expression, consacrée par l'article 10, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a été ratifiée par tous les États membres. Pour cette raison, les directives couvrant la fourniture de services de la société de l'information doivent assurer que cette activité peut être exercée librement en vertu de l'article précité, sous réserve uniquement des restrictions prévues au paragraphe 2 du même article et à l'article 46, paragraphe 1, du traité. La présente directive n'entend pas porter atteinte aux règles et principes fondamentaux nationaux en matière de liberté d'expression.
(10) Conformément au principe de proportionnalité, les mesures prévues par la présente directive se limitent strictement au minimum requis pour atteindre l'objectif du bon fonctionnement du marché intérieur. Là où il est nécessaire d'intervenir au niveau communautaire, et afin de garantir un espace qui soit réellement sans frontières intérieures pour le commerce électronique, la directive doit assurer un haut niveau de protection des objectifs d'intérêt général, en particulier la protection des mineurs, de la dignité humaine, du consommateur et de la santé publique. Conformément à l'article 152 du traité, la protection de la santé publique est une composante essentielle des autres politiques de la Communauté.
(11) La présente directive est sans préjudice du niveau de protection existant notamment en matière de protection de la santé publique et des intérêts des consommateurs, établi par les instruments communautaires. Entre autres, la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs(5) et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance(6) constituent un élément fondamental pour la protection des consommateurs en matière contractuelle. Ces directives sont également applicables, dans leur intégralité, aux services de la société de l'information. Ce même acquis communautaire, qui est pleinement applicable aux services de la société de l'information, englobe aussi notamment la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative à la publicité trompeuse et comparative(7), la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation(8), la directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières(9), la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait(10), la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts aux consommateurs(11), la directive 92/59/CEE du Conseil du 29 juin 1992 relative à la sécurité générale des produits(12), la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers(13), la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs(14), la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux(15), la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et aux garanties des biens de consommation(16), la future directive du Parlement européen et du Conseil concernant la vente à distance de services financiers aux consommateurs et la directive 92/28/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments(17). La présente directive doit être sans préjudice de la directive 98/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac(18) adoptée dans le cadre du marché intérieur ou des directives relatives à la protection de la santé publique. La présente directive complète les exigences d'information établies par les directives précitées et en particulier la directive 97/7/CE.
(12) Il est nécessaire d'exclure du champ d'application de la présente directive certaines activités compte tenu du fait que la libre prestation des services dans ces domaines ne peut être, à ce stade, garantie au regard du traité ou du droit communautaire dérivé existant. Cette exclusion doit être sans préjudice des éventuels instruments qui pourraient s'avérer nécessaires pour le bon fonctionnement du marché intérieur. La fiscalité, notamment la taxe sur la valeur ajoutée frappant un grand nombre des services visés par la présente directive, doit être exclue du champ d'application de la présente directive.
(13) La présente directive n'a pas pour but d'établir des règles en matière d'obligations fiscales ni ne préjuge de l'élaboration d'instruments communautaires relatifs aux aspects fiscaux du commerce électronique.
(14) La protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel est uniquement régie par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données(19) et par la directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications(20), qui sont pleinement applicables aux services de la société de l'information. Ces directives établissent d'ores et déjà un cadre juridique communautaire dans le domaine des données à caractère personnel et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de traiter cette question dans la présente directive afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, et notamment la libre circulation des données à caractère personnel entre les États membres. La mise en oeuvre et l'application de la présente directive devraient être conformes aux principes relatifs à la protection des données à caractère personnel, notamment pour ce qui est des communications commerciales non sollicitées et de la responsabilité des intermédiaires. La présente directive ne peut pas empêcher l'utilisation anonyme de réseaux ouverts tels qu'Internet.
(15) Le secret des communications est garanti par l'article 5 de la directive 97/66/CE. Conformément à cette directive, les États membres doivent interdire tout type d'interception illicite ou la surveillance de telles communications par d'autres que les expéditeurs et les récepteurs, sauf lorsque ces activités sont légalement autorisées.
(16) L'exclusion des activités de jeux d'argent du champ d'application de la présente directive couvre uniquement les jeux de hasard, les loteries et les transactions portant sur des paris, qui supposent des enjeux en valeur monétaire. Elle ne couvre pas les concours ou jeux promotionnels qui ont pour but d'encourager la vente de biens ou de services et pour lesquels les paiements, s'ils ont lieu, ne servent qu'à acquérir les biens ou les services en promotion.
(17) La définition des services de la société de l'information existe déjà en droit communautaire. Elle figure dans la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information(21) et dans la directive 98/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 1998 concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel(22). Cette définition couvre tout service fourni, normalement contre rémunération, à distance au moyen d'équipement électronique de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage des données, à la demande individuelle d'un destinataire de services. Les services visés dans la liste indicative figurant à l'annexe V de la directive 98/34/CE qui ne comportent pas de traitement et de stockage des données ne sont pas couverts par la présente définition.
(18) Les services de la société de l'information englobent un large éventail d'activités économiques qui ont lieu en ligne. Ces activités peuvent consister, en particulier, à vendre des biens en ligne. Les activités telles que la livraison de biens en tant que telle ou la fourniture de services hors ligne ne sont pas couvertes. Les services de la société de l'information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion de contrats en ligne, mais, dans la mesure où ils représentent une activité économique, ils s'étendent à des services qui ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent, tels que les services qui fournissent des informations en ligne ou des communications commerciales, ou ceux qui fournissent des outils permettant la recherche, l'accès et la récupération des données. Les services de la société de l'information comportent également des services qui consistent à transmettre des informations par le biais d'un réseau de communication, à fournir un accès à un réseau de communication ou à héberger des informations fournies par un destinataire de services. Les services de télévision au sens de la directive 89/552/CEE et de radiodiffusion ne sont pas des services de la société de l'information car ils ne sont pas fournis sur demande individuelle. En revanche, les services transmis de point à point, tels que les services de vidéo à la demande ou la fourniture de communications commerciales par courrier électronique constituent des services de la société de l'information. L'utilisation du courrier électronique ou d'autres moyens de communication individuels équivalents par des personnes physiques agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de leurs activités commerciales ou professionnelles, y compris leur utilisation pour la conclusion de contrats entre ces personnes, n'est pas un service de la société de l'information. La relation contractuelle entre un employé et son employeur n'est pas un service de la société de l'information. Les activités qui, par leur nature, ne peuvent pas être réalisées à distance ou par voie électronique, telles que le contrôle légal des comptes d'une société ou la consultation médicale requérant un examen physique du patient, ne sont pas des services de la société de l'information.