Directive communautaire
DIRECTIVE 96/62/CE DU CONSEIL
du 27 septembre 1996
concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 130 S paragraphe 1,
vu la proposition de la Commission (1),
vu l'avis du Comité économique et social (2),
statuant conformément à la procédure prévue à l'article 189 C du traité (3),
considérant que le cinquième programme d'action en matière d'environnement de 1992, dont l'approche générale a été approuvée par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, dans leur résolution 93/C 138/01 du 1er février 1993 (4), envisage des modifications à la législation actuelle sur les polluants atmosphériques; que ledit programme recommande d'établir des objectifs à long terme en matière de qualité de l'air;
considérant qu'il convient, en vue de protéger l'environnement dans son ensemble, ainsi que la santé des personnes, d'éviter, d'empêcher ou de réduire les concentrations de polluants atmosphériques nocifs et de fixer des valeurs limites et/ou des seuils d'alerte pour les niveaux de pollution de l'air ambiant;
considérant que, afin de tenir compte des mécanismes spécifiques de formation de l'ozone, il peut s'avérer nécessaire de compléter ou de remplacer ces valeurs limites et ces seuils d'alerte par des valeurs cibles;
considérant que les valeurs numériques adoptées pour les valeurs limites, les seuils d'alerte et, en ce qui concerne l'ozone, les valeurs cibles et/ou les valeurs limites et les seuils d'alerte doivent se fonder sur les résultats des travaux menés par les groupes scientifiques internationaux oeuvrant dans ce domaine;
considérant que la Commission doit procéder à des études en vue d'analyser les effets de l'action combinée de différents polluants ou sources de pollution ainsi que l'effet du climat sur l'activité des différents polluants examinés dans le cadre de la présente directive;
considérant qu'il y a lieu d'évaluer la qualité de l'air ambiant au regard des valeurs limites et/ou des seuils d'alerte, et, en ce qui concerne l'ozone, des valeurs cibles et/ou des valeurs limites en tenant compte de la taille des populations et des écosystèmes exposés à la pollution atmosphérique, ainsi que de l'environnement;
considérant qu'il convient, pour permettre la comparaison des évaluations de la qualité de l'air ambiant basées sur les mesures effectuées dans les États membres, de préciser, lors de la fixation des valeurs attribuées aux seuils d'alerte, valeurs limites et valeurs cibles, l'emplacement et le nombre des points d'échantillonnage ainsi que les méthodes de mesure de référence utilisées;
considérant qu'il est nécessaire, pour permettre l'utilisation d'autres techniques d'évaluation de la qualité de l'air ambiant en plus des mesures directes, de définir les critères d'utilisation et le degré de précision requis de ces techniques;
considérant que les mesures générales fixées par la présente directive doivent être complétées par des mesures spécifiques arrêtées pour chaque substance;
considérant que ces mesures spécifiques doivent être adoptées dès que possible afin de satisfaire aux objectifs généraux de la présente directive;
considérant qu'il convient de recueillir des données représentatives préliminaires sur les niveaux des polluants;
considérant qu'il est nécessaire, en vue de protéger l'environnement dans son ensemble et la santé humaine, que les États membres prennent des mesures en cas de dépassement des valeurs limites de façon à assurer le respect de ces valeurs dans les délais fixés;
considérant que les mesures prises par les États membres doivent tenir compte des exigences fixées par les règlements concernant le fonctionnement des installations industrielles conformément à la législation communautaire dans le domaine de la prévention et de la réduction intégrées de la pollution, lorsque cette législation s'applique;
considérant qu'il peut être utile, compte tenu du temps nécessaire pour que ces mesures soient mises en oeuvre et produisent leurs effets, de fixer des marges temporaires de dépassement de la valeur limite;
considérant qu'il peut exister dans les États membres des zones où les niveaux de pollution dépassent la valeur limite tout en restant dans la marge de dépassement admise; que la valeur limite doit être respectée dans les délais prescrits;
considérant que les États membres doivent se consulter si le niveau d'un polluant dépasse ou risque de dépasser la valeur limite plus la marge de dépassement ou, selon le cas, le seuil d'alerte, à la suite d'une pollution importante provenant d'un autre État membre;
considérant que l'établissement de seuils d'alerte à partir desquels il convient de prendre des mesures de précaution permettra de limiter les effets des épisodes de pollution sur la santé humaine;
considérant que, dans les zones et les agglomérations dans lesquelles les niveaux des polluants sont inférieurs aux valeurs limites, les États membres doivent s'efforcer de préserver la meilleure qualité de l'air ambiant compatible avec le développement durable;
considérant qu'il y a lieu, pour faciliter le traitement et la comparaison des données recueillies, de les transmettre à la Commission sous une forme normalisée;
considérant que la mise en oeuvre d'une vaste politique globale d'évaluation et de gestion de la qualité de l'air ambiant doit reposer sur des fondements scientifiques et techniques solides, et sur un échange de vues permanent entre les États membres;
considérant qu'il est nécessaire d'éviter d'accroître inutilement le volume des informations que doivent transmettre les États membres; que l'information recueillie par la Commission dans le cadre de la mise en oeuvre de la présente directive est utile à l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) et peut donc être transmise à celle-ci par la Commission;
considérant qu'il peut être souhaitable d'adapter au progrès scientifique et technique les critères et les techniques utilisés pour l'évaluation de la qualité de l'air ambiant et d'élaborer les dispositions nécessaires à l'échange des informations à fournir au titre de la présente directive; qu'il y a lieu, en vue de faciliter la réalisation des travaux nécessaires à cet effet, d'instaurer une procédure établissant une coopération étroite entre les États membres et la Commission au sein d'un comité;
considérant que, en vue de favoriser l'échange réciproque d'informations entre les États membres et l'AEE, la Commission devra publier tous les trois ans, avec l'aide de l'AEE, un rapport sur la qualité de l'air ambiant dans la Communauté;
considérant qu'il convient de traiter en priorité les substances déjà couvertes par la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l'anhydride sulfureux et les particules en suspension (5), la directive 82/884/CEE du Conseil, du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l'atmosphère (6), la directive 85/203/CEE du Conseil, du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l'air pour le dioxyde d'azote (7) et la directive 92/72/CEE du Conseil, du 21 septembre 1992, concernant la pollution de l'air par l'ozone (8),
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
Article premier
Objectifs
La présente directive a pour objectif général de définir les principes de base d'une stratégie commune visant à:
- définir et fixer des objectifs concernant la qualité de l'air ambiant dans la Communauté, afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l'environnement dans son ensemble,
- évaluer, sur la base de méthodes et de critères communs, la qualité de l'air ambiant dans les États membres,
- disposer d'informations adéquates sur la qualité de l'air ambiant et à faire en sorte que le public en soit informé, entre autres par des seuils d'alerte,
- maintenir la qualité de l'air ambiant, lorsqu'elle est bonne, et l'améliorer dans les autres cas.
Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1) "air ambiant": l'air extérieur de la troposphère, à l'exclusion des lieux de travail;
2) "polluant": toute substance introduite directement ou indirectement par l'homme dans l'air ambiant et susceptible d'avoir des effets nocifs sur la santé humaine et/ou l'environnement dans son ensemble;
3) "niveau": la concentration d'un polluant dans l'air ambiant ou son dépôt sur les surfaces en un temps donné;
4) "évaluation": toute méthode utilisée pour mesurer, calculer, prévoir ou estimer le niveau d'un polluant dans l'air ambiant;
5) "valeur limite": un niveau fixé sur la base de connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l'environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint;
6) "valeur cible": un niveau fixé dans le but d'éviter davantage à long terme des effets nocifs sur la santé humaine et/ou l'environnement dans son ensemble, à atteindre dans la mesure du possible sur une période donnée;
7) "seuil d'alerte": un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine et à partir duquel les États membres prennent immédiatement des mesures conformément à la présente directive;
8) "marge de dépassement": le pourcentage de la valeur limite dont cette valeur peut être dépassée dans les conditions fixées par la présente directive;
9) "zone": une partie de leur territoire délimitée par les États membres;
10) "agglomération": une zone caractérisée par une concentration de population supérieure à 250 000 habitants ou, lorsque la concentration de population est inférieure ou égale à 250 000 habitants, une densité d'habitants au kilomètre carré qui justifie pour les États membres l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant.
Article 3
Mise en oeuvre et responsabilités
Pour la mise en oeuvre de la présente directive, les États membres désignent aux niveaux appropriés les autorités compétentes et les organismes chargés:
- de la mise en oeuvre de la présente directive,
- de l'évaluation de la qualité de l'air ambiant,
- de l'agrément des dispositifs de mesure (méthodes, appareils, réseaux, laboratoires),
- d'assurer la qualité de la mesure effectuée par les dispositifs de mesure en vérifiant le respect de cette qualité par ces dispositifs, notamment par des contrôles de qualité internes, conformément, entre autres, aux exigences des normes européennes en matière d'assurance de la qualité,
- de réaliser l'analyse des méthodes d'évaluation,
- de coordonner sur leur territoire les programmes communautaires d'assurance de la qualité organisés par la Commission.
Lorsque les États membres fournissent à la Commission l'information visée au premier alinéa, ils la rendent accessible au public.
Article 4
Détermination des valeurs limites et des seuils d'alerte pour l'air ambiant
1. En ce qui concerne les polluants énumérés à l'annexe I, la Commission soumet au Conseil des propositions concernant la fixation des valeurs limites et, de manière appropriée, des seuils d'alerte selon le calendrier suivant:
- le 31 décembre 1996 au plus tard pour les polluants 1 à 5,
- conformément à l'article 8 de la directive 92/72/CEE pour l'ozone,
- le 31 décembre 1997 au plus tard pour les polluants 7 et 8,
- dès que possible, et le 31 décembre 1999 au plus tard, pour les polluants 9 à 13.
Pour fixer les valeurs limites et, de manière appropriée, les seuils d'alerte, il est tenu compte, à titre d'exemple, des facteurs fixés à l'annexe II.
En ce qui concerne l'ozone, ces propositions tiendront compte des mécanismes spécifiques de formation de ce polluant et, à cet effet, pourront prévoir des valeurs cibles et/ou des valeurs limites.
Si une valeur cible fixée pour l'ozone est dépassée, les États membres informent la Commission des mesures prises pour atteindre cette valeur. Sur la base de cette information, la Commission évalue si des mesures additionnelles sont nécessaires au niveau communautaire et soumet, en tant que de besoin, des propositions au Conseil.
En ce qui concerne d'autres polluants, la Commission soumet au Conseil des propositions concernant la fixation de valeurs limites et, de manière appropriée, de seuils d'alerte, s'il apparaît, d'après les progrès scientifiques et compte tenu des critères fixés à l'annexe III, qu'il faut éviter, prévenir ou réduire dans la Communauté les effets nocifs de ces polluants pour la santé humaine et/ou pour l'environnement dans son ensemble.
2. La Commission veille à réexaminer, en tenant compte des données les plus récentes de la recherche scientifique dans les domaines épidémiologique et environnemental concernés ainsi que des progrès les plus récents de la métrologie, les éléments sur lesquels se basent les valeurs limites et les seuils d'alerte visés au paragraphe 1.
3. Lors de l'établissement des valeurs limites et des seuils d'alerte, des critères et des techniques sont déterminés concernant:
a) les mesures à utiliser dans le cadre de la mise en oeuvre de la législation visée au paragraphe 1:
- l'emplacement des points d'échantillonnage,
- le nombre minimal de points d'échantillonnage,
- les techniques de mesure de référence et d'échantillonnage,
b) l'utilisation d'autres techniques d'évaluation, notamment la modélisation, de la qualité de l'air ambiant:
- la résolution spatiale pour la modélisation et les méthodes d'évaluation objective,
- les techniques de référence pour la modélisation.
Ces critères et techniques sont établis pour chaque polluant et tiennent compte de la taille des agglomérations ou des niveaux de polluants dans les zones étudiées.
4. Pour tenir compte des niveaux effectifs d'un polluant déterminé lors de la fixation des valeurs limites, ainsi que des délais nécessaires pour mettre en oeuvre les mesures visant à améliorer la qualité de l'air ambiant, le Conseil peut fixer également pour la valeur limite une marge de dépassement temporaire.
Cette marge se réduit selon les modalités qui seront définies pour chaque polluant afin d'atteindre la valeur limite au plus tard à la fin du délai à déterminer pour chaque polluant lors de la fixation de cette valeur.
5. Conformément au traité, le Conseil adopte la législation prévue au paragraphe 1 et les dispositions prévues aux paragraphes 3 et 4.