Directive communautaire
DIRECTIVE 96/9/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
du 11 mars 1996
concernant la protection juridique des bases de données
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 et ses articles 66 et 100 A,
vu la proposition de la Commission (1),
vu l'avis du Comité économique et social (2),
statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 B du traité (3),
(1) considérant que les bases de données ne sont actuellement pas suffisamment protégées dans tous les États membres par la législation en vigueur; qu'une telle protection, lorsqu'elle existe, présente des caractères différents;
(2) considérant que de telles disparités dans la protection juridique des bases de données qui est assurée par les législations des États membres ont des effets négatifs directs sur le fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne les bases de données et en particulier sur la liberté des personnes physiques et morales de fournir des biens et des services de bases de données en ligne sous un régime juridique harmonisé dans toute la Communauté; que ces disparités risquent de s'accentuer à mesure que les États membres adopteront de nouvelles dispositions législatives dans ce domaine qui prend de plus en plus une dimension internationale;
(3) considérant qu'il convient de supprimer les différences existantes ayant un effet de distorsion sur le fonctionnement du marché intérieur et d'empêcher de nouvelles différences d'apparaître, alors qu'il n'y a pas lieu de supprimer ou d'empêcher d'apparaître celles qui ne porteront pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur ou au développement d'un marché de l'information au sein de la Communauté;
(4) considérant que la protection des bases de données par le droit d'auteur existe sous différentes formes dans les États membres, que ce soit par la législation ou par la jurisprudence, et que, aussi longtemps que des disparités subsistent dans la législation des États membres quant à l'étendue et aux conditions de protection des droits, de tels droits de propriété intellectuelle non harmonisés peuvent avoir pour effet de constituer des entraves à la libre circulation des biens et des services dans la Communauté;
(5) considérant que le droit d'auteur constitue une forme appropriée de droits exclusifs des auteurs de bases de données;
(6) considérant, néanmoins, que d'autres mesures additionnelles sont nécessaires afin d'empêcher l'extraction et/ou la réutilisation non autorisées du contenu d'une base de données en l'absence d'un régime harmonisé concernant la concurrence déloyale ou de jurisprudence en la matière;
(7) considérant que la fabrication de bases de données exige la mise en oeuvre de ressources humaines, techniques et financières considérables, alors qu'il est possible de les copier ou d'y accéder à un coût très inférieur à celui qu'entraîne une conception autonome;
(8) considérant que l'extraction et/ou la réutilisation non autorisées du contenu d'une base de données constituent des actes pouvant avoir des conséquences économiques et techniques graves;
(9) considérant que les bases de données constituent un outil précieux dans le développement d'un marché de l'information dans la Communauté; que cet outil sera également utile dans beaucoup d'autres domaines;
(10) considérant que l'augmentation exponentielle, dans la Communauté et ailleurs dans le monde, du volume d'informations générées et traitées chaque année dans tous les secteurs du commerce et de l'industrie demande des investissements dans des systèmes avancés de traitement de l'information dans tous les États membres;
(11) considérant qu'il existe actuellement un très grand déséquilibre dans les niveaux d'investissement pratiqués tant entre les États membres qu'entre la Communauté et les principaux pays tiers producteurs dans le secteur des bases de données;
(12) considérant qu'un tel investissement dans des systèmes modernes de stockage et de traitement de l'information ne se fera pas dans la Communauté en l'absence d'un régime juridique stable et homogène protégeant les droits des fabricants de bases de données;
(13) considérant que la présente directive protège les recueils, parfois dénommés "compilations", d'oeuvres, de données ou d'autres matières dont la disposition, le stockage et l'accès se font par des moyens qui comprennent des procédés électroniques, électromagnétiques ou électro-optiques ou d'autres procédés analogues;
(14) considérant qu'il convient d'étendre la protection accordée par la présente directive aux bases de données non électroniques;
(15) considérant que les critères appliqués pour déterminer si une base de données sera protégée par le droit d'auteur devront se limiter au fait que le choix ou la disposition du contenu de la base de données constitue une création intellectuelle propre à son auteur; que cette protection vise la structure de la base;
(16) considérant qu'aucun autre critère que l'originalité au sens de la création intellectuelle de l'auteur ne devra être appliqué pour déterminer si une base de données est protégeable par le droit d'auteur ou non, et qu'en particulier, aucune évaluation de la qualité ou de la valeur esthétique de la base de données ne devra être faite;
(17) considérant que le terme "base de données" doit être compris comme s'appliquant à tout recueil d'oeuvres littéraires, artistiques, musicales ou autres, ou de matières telles que textes, sons, images, chiffres, faits et données; qu'il doit s'agir de recueils d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles; qu'il s'ensuit qu'une fixation d'une oeuvre audiovisuelle, cinématographique, littéraire ou musicale en tant que telle n'entre pas dans le champ d'application de la présente directive;
(18) considérant que la présente directive est sans préjudice de la liberté des auteurs de décider si, ou de quelle manière, ils permettent l'inclusion de leurs oeuvres dans une base de données, notamment si l'autorisation donnée est de caractère exclusif ou non; que la protection des bases de données par le droit sui generis est sans préjudice des droits existant sur leur contenu et que, notamment, lorsqu'un auteur ou un titulaire de droit voisin autorise l'insertion de certaines de ses oeuvres ou de ses prestations dans une base de données en exécution d'un contrat de licence non exclusive, un tiers peut exploiter ces oeuvres ou ces prestations moyennant l'autorisation requise de l'auteur ou du titulaire de droits voisins sans se voir opposer le droit sui generis du fabricant de la base de données, à condition que ces oeuvres ou prestations ne soient ni extraites de la base de données ni réutilisées à partir de celle-ci;
(19) considérant que, normalement, la compilation de plusieurs fixations d'exécutions musicales sur un CD n'entre pas dans le champ d'application de la présente directive, à la fois parce que, en tant que compilation, elle ne remplit pas les conditions pour être protégée par le droit d'auteur et parce qu'elle ne représente pas un investissement assez substantiel pour bénéficier du droit sui generis;
(20) considérant que la protection prévue par la présente directive peut s'appliquer également aux éléments nécessaires au fonctionnement ou à la consultation de certaines bases de données, tels que le thésaurus et les systèmes d'indexation;
(21) considérant que la protection prévue par la présente directive se réfère aux bases de données dans lesquelles des oeuvres, des données ou d'autres éléments ont été disposés de manière systématique ou méthodique; qu'il n'est pas requis que ces matières aient été stockées physiquement de manière organisée;
(22) considérant que les bases de données électroniques au sens de la présente directive peuvent comprendre également des dispositifs tels que les CD-ROM et les CD-I;
(23) considérant que le terme "base de données" ne doit pas s'appliquer aux programmes d'ordinateur utilisés dans la fabrication ou le fonctionnement d'une base de données, ces programmes d'ordinateur étant protégés par la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur (4);
(24) considérant que la location et le prêt de bases de données dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins sont régis exclusivement par la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (5);
(25) considérant que la durée du droit d'auteur est déjà réglée par la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (6);
(26) considérant que les oeuvres protégées par le droit d'auteur et les prestations protégées par des droits voisins qui sont incorporées dans une base de données restent néanmoins protégées par les droits exclusifs respectifs et ne peuvent être incorporées dans une base de données ni extraites de cette base sans l'autorisation du titulaire des droits ou de ses successeurs en titre;
(27) considérant que les droits d'auteur sur des oeuvres et les droits voisins sur des prestations ainsi incorporées dans une base de données ne sont en rien affectés par l'existence d'un droit séparé sur le choix ou la disposition de ces oeuvres et prestations dans la base de données;
(28) considérant que le droit moral de la personne physique qui a créé la base de données appartient à l'auteur et sera exercé en conformité avec le droit des États membres et les dispositions de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques; que le droit moral reste en dehors du champ d'application de la présente directive;
(29) considérant que le régime applicable à la création salariée est laissé à la discrétion des États membres; que, dès lors, rien dans la présente directive n'empêche les États membres de préciser dans leur législation que, lorsqu'une base de données est créée par un employé dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions de son employeur, seul l'employeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents à la base ainsi créée, sauf dispositions contractuelles contraires;
(30) considérant que les droits exclusifs de l'auteur doivent comprendre le droit de déterminer la façon dont son oeuvre sera exploitée, et par qui, et en particulier le droit de contrôler la distribution de son oeuvre à des personnes non autorisées;
(31) considérant que la protection des bases de données par le droit d'auteur comprend également la mise à disposition de bases de données sous une autre forme que par la distribution de copies;
(32) considérant que les États membres sont tenus d'assurer au moins l'équivalence matérielle de leurs dispositions nationales par rapport aux actes soumis à restrictions prévus par la présente directive;
(33) considérant que la question de l'épuisement du droit de distribution ne se pose pas dans le cas de bases de données en ligne, qui relèvent du domaine des prestations de services; que cela s'applique également à l'égard d'une copie matérielle d'une telle base faite par l'utilisateur de ce service avec le consentement du titulaire du droit; que, contrairement au cas des CD-ROM ou CD-I, où la propriété intellectuelle est incorporée dans un support matériel, à savoir dans une marchandise, chaque prestation en ligne est, en effet, un acte qui devra être soumis à une autorisation pour autant que le droit d'auteur le prévoit;
(34) considérant, néanmoins, qu'une fois que le titulaire du droit d'auteur a décidé de mettre à la disposition d'un utilisateur une copie de sa base de données, soit par un service en ligne, soit par une autre forme de distribution, cet utilisateur légitime doit pouvoir accéder à la base de données et l'utiliser aux fins et de la manière prescrites dans le contrat de licence conclu avec le titulaire du droit, même si l'accès et l'utilisation rendent nécessaire d'effectuer des actes en principe soumis à restrictions;
(35) considérant qu'il convient de prévoir un catalogue d'exceptions aux actes soumis à restrictions, compte tenu du fait que le droit d'auteur visé par la présente directive ne s'applique qu'au choix ou à la disposition des matières contenues dans une base de données; qu'il convient de donner aux États membres la faculté de prévoir lesdites exceptions dans certains cas; que, toutefois, cette faculté doit être utilisée conformément à la convention de Berne et dans la mesure où les exceptions portent sur la structure de la base de données; qu'il convient de distinguer les exceptions au titre de l'usage privé des exceptions au titre de la reproduction à des fins privées, ce dernier domaine concernant des dispositions de droit national de certains États membres en matière de taxes sur les supports vierges ou les appareils d'enregistrement;
(36) considérant que le terme "recherche scientifique" au sens de la présente directive couvre à la fois les sciences de la nature et les sciences humaines;
(37) considérant que l'article 10 paragraphe 1 de la convention de Berne n'est pas affecté par la présente directive;
(38) considérant que l'utilisation toujours croissante de la technologie numérique expose le fabricant d'une base de données au risque que le contenu de sa base de données soit copié et adapté électroniquement sans autorisation pour en faire une autre base de données, de contenu identique, mais qui ne violerait pas le droit d'auteur applicable à la disposition du contenu de la première base;
(39) considérant que, en plus de l'objectif d'assurer la protection du droit d'auteur en vertu de l'originalité du choix ou de la disposition du contenu de la base de données, la présente directive a pour objectif de protéger les fabricants de bases de données contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu, en protégeant l'ensemble ou des parties substantielles de la base de données contre certains actes commis par l'utilisateur ou par un concurrent;
(40) considérant que l'objet de ce droit sui generis est d'assurer la protection d'un investissement dans l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu d'une base de données pour la durée limitée du droit; que cet investissement peut consister dans la mise en oeuvre de moyens financiers et/ou d'emploi du temps, d'efforts et d'énergie;
(41) considérant que l'objectif du droit sui generis est d'accorder au fabricant d'une base de données la possibilité d'empêcher l'extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base de données; que le fabricant d'une base de données est la personne qui prend l'initiative et assume le risque d'effectuer les investissements; que cela exclut de la définition de fabricant notamment les sous-traitants;