N° Z 23-83.604 F-B
N° 00448
SL2
23 AVRIL 2024
CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 AVRIL 2024
M. [E] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2023, qui, pour infractions au code rural et de la pêche maritime, non-respect d'un règlement sanitaire départemental et non-respect d'un arrêté municipal, l'a condamné à deux amendes de 200 euros chacune, trois amendes de 150 euros chacune, deux amendes de 100 euros chacune, un an d'interdiction de détenir certains animaux, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Fabiani-Pinatel, avocat de M. [E] [L], les observations de Me Balat, avocat de la commune de [Localité 1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [L], micro-exploitant agricole, a été poursuivi pour plusieurs contraventions liées à l'élevage de cochons gascons qu'il pratiquait sur un terrain appartenant à la commune de [Localité 1], en particulier pour deux violations du règlement sanitaire départemental.
3. Les juges du premier degré l'ont, notamment, relaxé pour l'une de ces deux contraventions et déclaré coupable de l'autre. Ils ont prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et les troisième et quatrième moyens
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le deuxième moyen
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Aa] coupable d'avoir méconnu les prescriptions d'un règlement sanitaire départemental en implantant un élevage porcin à moins de cent mètres des habitations, alors :
« 3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 153.4 du Règlement Sanitaire Départemental du Haut-Rhin dont la méconnaissance est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe, et qui dispose que les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités, concerne exclusivement les règles générales d'implantation « des bâtiments renfermant des animaux » ; que, dès lors, en estimant que ces prescriptions s'appliquent également à un site d'élevage en plein air équipé d'une clôture ou de barrière empêchant les animaux de sortir, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines, a violé l'
article 111-4 du code pénal🏛. »
7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Aa] coupable d'avoir méconnu les prescriptions d'un règlement sanitaire départemental en implantant un élevage porcin à moins de trente-cinq mètres d'un cours d'eau, alors « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'aux termes de l'article 153.2 du Règlement Sanitaire Départemental du Haut-Rhin dont la méconnaissance est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe, « les bâtiments renfermant des animaux à demeure ou en transit ne doivent pas être à l'origine d'une pollution des ressources en eau » et « leur implantation [
] est interdite à moins de 35 mètres [d'un cours d'eau] » ; qu'en estimant, pour déclarer l'exposant coupable de cette infraction, que ces prescriptions s'appliquent également à un site d'élevage en plein air équipé d'une clôture ou de barrière empêchant les animaux de sortir mais dépourvu de bâtiment renfermant des animaux, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines, a violé l'article 111-4 du code pénal. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour dire établies les contraventions de violations d'un règlement sanitaire départemental par implantation d'un élevage porcin, d'une part, à moins de cent mètres des habitations, d'autre part, en stabulation libre avec défaut d'imperméabilisation du sol à moins de trente-cinq mètres d'un cours d'eau, l'arrêt attaqué énonce que ce règlement proscrit tout « bâtiment renfermant des animaux » qui ne respecte pas ces distances.
10. Le juge ajoute que si, dans son sens courant, la notion de bâtiment évoque plutôt une construction fermée, l'étymologie autorise une définition plus large incluant toute édification, toute installation construite par la main de l'homme, de sorte qu'un site d'élevage en plein air équipé d'une clôture ou barrière empêchant les animaux d'en sortir doit être considéré comme un bâtiment renfermant des animaux.
11. Il relève également que l'arrêté du 27 décembre 2013, relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration, définit comme « bâtiments d'élevage » les enclos d'élevage de porcs en plein air.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui pouvait déterminer la signification des termes employés dans le règlement sanitaire départemental au regard, notamment, du vocabulaire particulier utilisé dans le domaine technique ou professionnel concerné, n'a méconnu aucun des textes et principes visés aux moyens.
13. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de MM. [J] [T], [P] [R], [Z] [C] et [P] [N] et a déclaré l'exposant entièrement responsable du préjudice subi par ces parties civiles, alors « que la cour d'appel ne peut aggraver le sort du prévenu appelant à l'égard d'une partie civile non appelante ; qu'en l'espèce, aux termes du jugement du 2 février 2022 dont le prévenu et le Ministère Public ont seuls interjeté appel, le tribunal de police a notamment déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles de MM. [J] [T], [P] [R], [Z] [C] et [P] [N] (jugement, page 14) ; que, dès lors, en se déterminant par le motif inopérant tiré de ce qu'elle a, par réformation du jugement, déclaré le prévenu coupable d'implantation d'un élevage à moins de 100 mètres d'une habitation, et que cette infraction est susceptible de causer un préjudice aux parties civiles susvisées, pour en déduire que leurs constitutions sont recevables, tout en relevant que les intéressés sont « non appelants » du jugement précité, la cour d'appel a violé l'
article 509 du code de procédure pénale🏛, ensemble l'article 515 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 515 du code de procédure pénale🏛 :
15. La cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver son sort.
16. ll résulte de l'arrêt attaqué que, alors que le prévenu était seul appelant des dispositions civiles du jugement, la cour d'appel a, par infirmation partielle de cette décision, déclaré recevables les constitutions de partie civile de quatre personnes physiques et déclaré le prévenu responsable de leur préjudice.
17. En statuant ainsi, alors que la seule déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile suffit à aggraver le sort du prévenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
18. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'
article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire🏛.
Examen de la demande fondée sur l'
article 618-1 du code de procédure pénale🏛 20. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [Aa] étant devenue définitive par suite du rejet des premier et deuxième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 16 mai 2023, en ses seules dispositions relatives à l'action civile de MM. [J] [T], [P] [R], [Z] [C] et [P] [N], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe à 2 500 euros la somme que M. [L] devra payer à la commune de [Localité 1] sur le fondement de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille vingt-quatre.