Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 21 Novembre 2000
Rejet
N° de pourvoi 00-81.488
Président M. COTTE
Demandeur ... Jean
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un novembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;
Statuant sur les pourvois formés par
- ... Jean,
- LA SOCIÉTÉ CONTINENT GRAND LITTORAL, civilement
responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 24 janvier 2000, qui, pour blessures involontaires, infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs et entrave au fonctionnement du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), a condamné le premier à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 20 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et prononcé sur l'action civile ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L231-3-1 et L263-2 du Code du travail, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean ... coupable d'avoir, le 29 septembre 1997, omis d'assurer une formation renforcée à la sécurité au profit d'Olivier ... ;
"aux motifs propres que, contrairement à ce que soutient le prévenu, l'utilisation d'une scie électrique Biro est à l'évidence une activité présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité du salarié au sens de l'article L231-3-1
5 du Code du travail ; que la complexité et l'importance du contenu de la notice d'utilisation de ladite scie, qui consacre pas moins d'une page et demie sur le seul changement de la lame, témoignent de la dangerosité de cet outil et de la nécessité d'une formation adéquate et renforcée pour son utilisateur ; que le prévenu ne saurait valablement soutenir qu'Olivier ... aurait dû changer lui-même la lame de la scie si elle était usagée alors que lorsqu'il a été entendu dans le cadre de l'enquête il a indiqué que cette tâche incombait au responsable du laboratoire de boucherie ; qu'il ne saurait non plus invoquer le CAP de boucher d'Olivier ..., alors que ce diplôme avait été obtenu le 11 juillet 1988, soit plus de 9 ans avant l'accident et que la qualification de son salarié pas plus que l'expérience de celui-ci ne pouvaient le dispenser de son obligation de formation actualisée à la sécurité à son égard ; qu'il ne saurait pas davantage mettre en avant les déclarations supposées faites par Olivier ... au chargé de la sécurité et à l'agent de sécurité incendie immédiatement après l'accident selon lesquelles "par inadvertance", son doigt serait entré en contact avec le ruban de la scie, alors qu'Olivier ... conteste avoir tenu ces propos et qu'à supposer même que ceux-ci soient réels, ils ont été exprimés alors que le salarié était sous le choc de l'accident ; qu'à supposer établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, une maladresse de la victime, encore faudrait-il que celle-ci soit la cause exclusive de l'accident pour exonérer l'employeur de sa responsabilité, ce qui n'est pas non plus le cas ; qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé et de ce qui a été analysé par le tribunal que le prévenu, à qui il appartenait personnellement de veiller à la stricte et constante application des dispositions légales et réglementaires destinées à assurer la formation et la sécurité de son personnel, n'a pas accompli les diligences normales lui incombant au regard de ses missions, de ses fonctions de directeur, de ses compétences, des pouvoirs et des moyens dont il disposait, étant précisé qu'il n'aà aucun moment fait état d'une quelconque délégation de pouvoirs en matière de sécurité ; que le tribunal a, d'autre part, à bon droit, déclaré le prévenu coupable de l'entrave au fonctionnement du CHSCT du magasin Continent qui lui est reprochée ; que l'article L. 236-2-12 du Code du travail lui imposait en effet de réunir le plus rapidement possible ledit CHSCT à la suite de l'accident ayant entraîné des conséquences graves ; qu'il résulte des éléments de la procédure et des pièces produites par les parties que le prévenu s'est contenté de convoquer les membres du CHSCT à une réunion ordinaire trimestrielle telle que prévue par l'article L. 236-2-11 et ce, pour le 21 octobre 1997, soit plus de trois semaines après l'accident ; que l'ordre du jour de ladite réunion figurant sur la convocation ne mentionne nullement l'accident du travail d'Olivier ... du 29 septembre 1997 mais prévoit 1/ approbation du compte de la réunion du 9 juillet 1997, 2/ projet de règlement intérieur du CHSCT, 3/ projet de programme du CHSCT, 4/ tableau de bord des accidents du travail et des accidents de trajets, 5/ questions diverses à préciser piqûres et prises de sang sur le lieu du travail, restrictions médicales sur le port de chaussures de sécurité, ce qui dénote le caractère ordinaire de la réunion ; que, dans le compte rendu daté du 28octobre 1997 de ladite réunion, seules quelques lignes font état de l'accident d'Olivier ... et ce, en termes très généraux, et sans qu'il apparaisse qu'une réflexion ait eu lieu sur les causes dudit accident et les moyens de prévention à mettre en oeuvre ; que Christine ..., inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône, a indiqué dans son procès-verbal avoir été informée de cet accident par la réception de la déclaration d'accident du travail transmise par la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'elle a précisé en outre que s'étant rendue sur les lieux le 22 octobre 1997, soit le lendemain de la réunion du CHSCT, elle avait rencontré le responsable du personnel et l'adjoint chargé de la sécurité, lesquels ne se souvenaient pas si les causes de l'accident avaient été déterminées et la nature des mesures de prévention préconisées, ce qui paraissait étonnant compte tenu de la fonction de ces personnes au sein de l'établissement et de leur participation au CHSCT ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement sur la culpabilité (arrêt, pages 6 et 7) ;
"et aux motifs, adoptés des premiers juges, que Olivier ..., employé en qualité de boucher salarié par la société Continent sur le site commercial "Grand Littoral", à Marseille, a été victime le 29 septembre 1997 d'un accident du travail en utilisant une scie Biro pour scier des jarrets de boeuf, son index gauche a été sectionné ; que la victime a fait état de la détérioration de la lame de scie qui ne tranchait pas bien, défectuosité pour partie à l'origine de l'accident ; qu'en effet, Olivier ... a souligné que ladite lame n'était pas conforme, c'est-à-dire qu'elle était usagée et qu'elle aurait dû être changée depuis plusieurs jours, ce qu'il avait déjà demandé en vain à son supérieur hiérarchique ; qu'en tout état de cause, il apparaît que cette lame a accroché le nerf du morceau de boeuf qu'il était obligé de couper en force, entraînant sa main jusqu'au sectionnement de son doigt ; que MM ... ... et ... ..., tous deux employés bouchers en compagnie de la victime, ont confirmé que depuis plusieurs jours ils demandaient également le remplacement de la lame car elle ne coupait plus, et "il fallait énormément forcer pour couper des morceaux, ce qui bien sûr n'était pas du tout indiqué sur ce genre de machine, car dangereux" ; que la négligence de l'employeur, Jean ..., directeur de l'hypermarché Continent, est patente quant au changement de la lame dont il n'a pas été en mesure de préciser la date ; que la déclaration de Raymond ..., désormais adjoint au chef de rayon boucherie ne manque pas, quant à elle, de surprendre, tant elle voudrait laisser penser que la hiérarchie serait inexistante dans l'entreprise et à tout le moins dans le laboratoire de boucherie ;
qu'en effet ce témoin a indiqué "il est possible que Olivier ... m'ait informé que la lame de scie Biro était usagée ; mais cela ne devait pas l'empêcher lui-même de la changer puisqu'il s'en était rendu compte" ; qu'en outre l'inspecteur du travail a constaté l'absence de formation à la sécurité de la victime par l'hypermarché Continent, et ce, en violation des règles du Code du travail qui imposent une formation à la sécurité, renforcée pour les salariés embauchés par contrat à durée déterminée, ce qui était le cas d'Olivier ... ; que ce manquement en matière de sécurité est explicitement reconnu par M. ..., préposé à la sécurité dans l'entreprise, et qui a rédigé un compte-rendu d'accident mentionnant "pas de formation spécifique faite pour l'utilisation de la scie, si ce n'est lors du CAP" ; que, pourtant, le dossier technique de construction de la scie Biro comporte une notice d'instruction précisant notamment que son utilisation avant toute mise en route doit être précédée d'une formation de l'utilisateur dispensée par un technicien ; que l'inspecteur du travail a demandé à des préposés, spécialement M. ..., qui travaillait dans le laboratoire de boucherie, de positionner le protecteur réglable de la lame et le guide portion A16275 ; qu'ils n'ont pas été en mesure d'effectuer correctement cette opération ; qu'il ressort que le manquement à l'obligation de sécurité imposée par l'article L231-3-1 du Code du travail et la négligence portant sur le non remplacement de la lame de scie usagée ont causé à Olivier ... des blessures entraînant une incapacité totale de travail de plus de 3 mois ; qu'enfin il n'y a eu aucune réunion à bref délai du CHSCT à la suite de l'accident dont s'agit (jugement, pages 5 et 6) ;
"1/ alors qu'aux termes de l'article L231-3-1 du Code du travail, l'obligation de dispenser une formation renforcée sur la sécurité, ne concerne, parmi les salariés sous contrat de travail à durée déterminée, que ceux qui sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, et figurant sur la liste étant établie à cet effet par le chef d'établissement et tenue à disposition de l'inspecteur du travail ;
qu'ainsi, en se bornant à énoncer que l'utilisation de la scie électrique Biro est une activité présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité du salarié au sens de ce texte, pour en déduire que la culpabilité de Monsieur ... devait être retenue, faute pour le prévenu d'avoir dispensé une telle formation à Olivier ..., sans rechercher si l'activité litigieuse figurait sur la liste des postes de travail désignés par le chef d'établissement comme exposés au danger, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"2/ alors que la complexité du mode opératoire nécessaire au changement d'une pièce d'un outil ne préjuge en rien de la dangerosité intrinsèque de ce dernier ni même de la dangerosité de l'opération de changement de la pièce litigieuse ;
qu'ainsi, en se bornant à énoncer que la complexité et l'importance du contenu de la notice d'utilisation de ladite scie, qui consacre pas moins d'une page et demie sur le seul changement de la lame, témoignent de la dangerosité de cet outil, pour en déduire qu'il appartenait à l'employeur de dispenser à l'utilisateur une formation adéquate et renforcée à la sécurité, la cour d'appel qui se détermine par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 222-19 du Code pénal, L231-3-1 et L263-2 du Code du travail, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean ... coupable d'avoir, le 29 septembre 1997, dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en omettant d'assurer une formation renforcée à la sécurité et en ne remplaçant pas la lame de scie usagée, involontairement causé à Olivier ... une atteinte à l'intégrité de sa personne, en l'espèce la perte d'un doigt, entraînant une incapacité totale de travail personnel supérieure à trois mois, en l'espèce onze mois ;
"aux motifs propres, que contrairement à ce que soutient le prévenu, l'utilisation d'une scie électrique Biro est à l'évidence une activité présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité du salarié au sens de l'article L231-3-15 du Code du travail ; que la complexité et l'importance du contenu de la notice d'utilisation de ladite scie, qui consacre pas moins d'une page et demie sur le seul changement de la lame, témoignent de la dangerosité de cet outil et de la nécessité d'une formation adéquate et renforcée pour son utilisateur ; que le prévenu ne saurait valablement soutenir qu'Olivier ... aurait dû changer lui-même la lame de la scie si elle était usagée alors que lorsqu'il a été entendu dans le cadre de l'enquête il a indiqué que cette tâche incombait au responsable du laboratoire de boucherie ; qu'il ne saurait non plus invoquer le CAP de boucher d'Olivier ..., alors que ce diplôme avait été obtenu le 11 juillet 1988, soit plus de 9 ans avant l'accident et que la qualification de son salarié pas plus que l'expérience de celui-ci ne pouvaient le dispenser de son obligation de formation actualisée à la sécurité à son égard ; qu'il ne saurait pas davantage mettre en avant les déclarations supposées faites par Olivier ... au chargé de la sécurité et à l'agent de sécurité incendie immédiatement après l'accident selon lesquelles "par inadvertance", son doigt serait entré en contact avec le ruban de la scie, alors qu'Olivier ... conteste avoir tenu ces propos et qu'à supposer même que ceux-ci soient réels, ils ont été exprimés alors que le salarié était sous le choc de l'accident ; qu'à supposer établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, une maladresse de la victime, encore faudrait-il que celle-ci soit la cause exclusive de l'accident pour exonérer l'employeur de sa responsabilité, ce qui n'est pas non plus le cas ; qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé et de ce qui a été analysé par le tribunal que le prévenu, à qui il appartenait personnellement de veiller à la stricte et constante application des dispositions légales et réglementaires destinées à assurer la formation et la sécurité de son personnel, n'a pas accompli les diligences normales lui incombant au regard de ses missions, de ses fonctions de directeur, de ses compétences, des pouvoirs et des moyens dont il disposait, étant précisé qu'il n'aà aucun moment fait état d'une quelconque délégation de pouvoirs en matière de sécurité ; que le tribunal a, d'autre part, à bon droit, déclaré le prévenu coupable de l'entrave au fonctionnement du CHSCT du magasin Continent qui lui est reprochée ; que l'article L236-2-12 du Code du travail lui imposait en effet de réunir le plus rapidement possible ledit CHSCT à la suite de l'accident ayant entraîné des conséquences graves ;
qu'il résulte des éléments de la procédure et des pièces produites par les parties que le prévenu s'est contenté de convoquer les membres du CHSCT à une réunion ordinaire trimestrielle telle que prévue par l'article L236-2-11 et ce, pour le 21 octobre 1997, soit plus de trois semaines après l'accident ; que l'ordre du jour de ladite réunion figurant sur la convocation ne mentionne nullement l'accident du travail d'Olivier ... du 29 septembre 1997 mais prévoit 1/ approbation du compte de la réunion du 9 juillet 1997, 2/ projet de règlement intérieur du CHSCT, 3/ projet de programme du CHSCT, 4/ tableau de bord des accidents du travail et des accidents de trajets, 5/ questions diverses à préciser piqûres et prises de sang sur le lieu du travail, restrictions médicales sur le port de chaussures de sécurité, ce qui dénote le caractère ordinaire de la réunion ; que, dans le compte rendu daté du 28 octobre 1997 de ladite réunion, seules quelques lignes font état de l'accident d'Olivier ... et ce, en termes très généraux, et sans qu'il apparaisse qu'une réflexion ait eu lieu sur les causes dudit accident et les moyens de prévention à mettre en oeuvre ; que Christine ..., inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône, a indiqué dans son procès-verbal avoir été informée de cet accident par la réception de la déclaration d'accident du travail transmise par la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'elle a précisé en outre que s'étant rendue sur les lieux le 22 octobre 1997, soit le lendemain de la réunion du CHSCT, elle avait rencontré le responsable du personnel et l'adjoint chargé de la sécurité, lesquels ne se souvenaient pas si les causes de l'accident avaient été déterminées et la nature des mesures de prévention préconisées, ce qui paraissait étonnant compte tenu de la fonction de ces personnes au sein de l'établissement et de leur participation au CHSCT ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement sur la culpabilité (arrêt, pages 6 et 7) ;
"et aux motifs, adoptés des premiers juges, que Olivier ..., employé en qualité de boucher salarié par la société Continent sur le site commercial "Grand Littoral", à Marseille, a été victime le 29 septembre 1997 d'un accident du travail en utilisant une scie Biro pour scier des jarrets de boeuf, son index gauche a été sectionné ; que la victime a fait état de la détérioration de la lame de scie qui ne tranchait pas bien, défectuosité pour partie à l'origine de l'accident ; qu'en effet, Olivier ... a souligné que ladite lame n'était pas conforme, c'est-à-dire qu'elle était usagée et qu'elle aurait dû être changée depuis plusieurs jours, ce qu'il avait déjà demandé en vain à son supérieur hiérarchique ; qu'en tout état de cause, il apparaît que cette lame a accroché le nerf du morceau de boeuf qu'il était obligé de couper en force, entraînant sa main jusqu'au sectionnement de son doigt ; que MM ... ... et ... ..., tous deux employés bouchers en compagnie de la victime, ont confirmé que depuis plusieurs jours ils demandaient également le remplacement de la lame car elle ne coupait plus, et "il fallait énormément forcer pour couper des morceaux, ce qui bien sûr n'était pas du tout indiqué sur ce genre de machine, car dangereux" ; que la négligence de l'employeur, Jean ..., directeur de l'hypermarché Continent, est patente quant au changement de la lame dont il n'a pas été en mesure de préciser la date ; que la déclaration de Raymond ..., désormais adjoint au chef de rayon boucherie ne manque pas, quant à elle, de surprendre, tant elle voudrait laisser penser que la hiérarchie serait inexistante dans l'entreprise et à tout le moins dans le laboratoire de boucherie ;
qu'en effet ce témoin a indiqué "il est possible que Olivier ... m'ait informé que la lame de scie Biro était usagée ; mais cela ne devait pas l'empêcher lui-même de la changer puisqu'il s'en était rendu compte" ; qu'en outre l'inspecteur du travail a constaté l'absence de formation à la sécurité de la victime par l'hypermarché Continent, et ce, en violation des règles du Code du travail qui imposent une formation à la sécurité, renforcée pour les salariés embauchés par contrat à durée déterminée, ce qui était le cas d'Olivier ... ; que ce manquement en matière de sécurité est explicitement reconnu par M. ..., préposé à la sécurité dans l'entreprise, et qui a rédigé un compte-rendu d'accident mentionnant "pas de formation spécifique faite pour l'utilisation de la scie, si ce n'est lors du CAP" ; que, pourtant, le dossier technique de construction de la scie Biro comporte une notice d'instruction précisant notamment que son utilisation avant toute mise en route doit être précédée d'une formation de l'utilisateur dispensée par un technicien ; que l'inspecteur du travail a demandé à des préposés, spécialement M. ..., qui travaillait dans le laboratoire de boucherie, de positionner le protecteur réglable de la lame et le guide portion A16275 ; qu'ils n'ont pas été en mesure d'effectuer correctement cette opération ; qu'il ressort que le manquement à l'obligation de sécurité imposée par l'article L231-3-1 du Code du travail et la négligence portant sur le non remplacement de la lame de scie usagée ont causé à Olivier ... des blessures entraînant une incapacité totale de travail de plus de 3 mois ; qu'enfin il n'y a eu aucune réunion à bref délai du CHSCT à la suite de l'accident dont s'agit (jugement, pages 5 et 6) ;
"alors que, dans ses conclusions d'appel, le prévenu a expressément fait valoir qu'il n'était pas démontré que la lame de la scie utilisée par Olivier ... au moment de l'accident eut été usagée, et partant que le fait de ne pas avoir remplacé cette lame put être valablement reproché à l'employeur, comme constitutif d'une négligence au sens de l'article 222-19 du Code pénal ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que le prévenu ne saurait valablement soutenir qu'Olivier ... aurait dû changer lui-même la lame de la scie si elle était usagée, pour en déduire que l'employeur avait commis une faute, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par le prévenu, si la lame était véritablement usagée et, partant, devait être changée, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans un hypermarché exploité par la société Continent Grand Littoral, un salarié de cette société a eu l'index gauche sectionné alors qu'il était occupé à découper de la viande à l'aide d'une scie électrique ;
Attendu que, pour déclarer Jean ..., directeur de l'hypermarché, coupable d'infraction aux prescriptions de l'article L231-3-1, alinéa 5, du Code du travail et de blessures involontaires, la cour d'appel se prononce par les motifs propres et adoptés reproduits aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions du prévenu, d'où il résulte que celui-ci a commis une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi n 2000-647 du 10 juillet 2000, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 222-19 du Code pénal, L236-2-1 et L263-2 du Code du travail, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean ... coupable d'avoir, le 29 septembre 1997, fait entrave au fonctionnement du CHSCT du magasin Continent en ne réunissant pas le CHSCT à la suite de l'accident grave survenu à Olivier ... ;
"aux motifs propres que le tribunal a, d'autre part, à bon droit, déclaré le prévenu coupable de l'entrave au fonctionnement du CHSCT du magasin Continent qui lui est reprochée ; que l'article L236-2-12 du Code du travail lui imposait en effet de réunir le plus rapidement possible ledit CHSCT à la suite de l'accident ayant entraîné des conséquences graves ; qu'il résulte des éléments de la procédure et des pièces produites par les parties que le prévenu s'est contenté de convoquer les membres du CHSCT à une réunion ordinaire trimestrielle telle que prévue par l'article L236-2-11 et ce, pour le 21 octobre 1997, soit plus de trois semaines après l'accident ; que l'ordre du jour de ladite réunion figurant sur la convocation ne mentionne nullement l'accident du travail d'Olivier ... du 29 septembre 1997 mais prévoit 1/ approbation du compte de la réunion du 9 juillet 1997, 2/ projet de règlement intérieur du CHSCT, 3/ projet de programme du CHSCT, 4/ tableau de bord des accidents du travail et des accidents de trajets, 5/ questions diverses à préciser piqûres et prises de sang sur le lieu du travail, restrictions médicales sur le port de chaussures de sécurité, ce qui dénote le caractère ordinaire de la réunion ; que, dans le compte rendu daté du 28 octobre 1997 de ladite réunion, seules quelques lignes font état de l'accident d'Olivier ... et ce, en termes très généraux, et sans qu'il apparaisse qu'une réflexion ait eu lieu sur les causes dudit accident et les moyens de prévention à mettre en oeuvre ; que Christine ..., inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône, a indiqué dans son procès-verbal avoir été informée de cet accident par la réception de la déclaration d'accident du travail transmise par la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'elle a précisé en outre que s'étant rendue sur les lieux le 22 octobre 1997, soit le lendemain de la réunion du CHSCT, elle avait rencontré le responsable du personnel et l'adjoint chargé de la sécurité, lesquels ne se souvenaient pas si les causes de l'accident avaient été déterminées et la nature des mesures de prévention préconisées, ce qui paraissait étonnant compte tenu de la fonction de ces personnes au sein de l'établissement et de leur participation au CHSCT ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement sur la culpabilité (arrêt, pages 6 et 7) ;
"et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'il n'y a eu aucune réunion à bref délai du CHSCT à la suite de l'accident dont s'agit (jugement, page 6) ;
"alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, si l'article L236-2-1 du Code du travail, sous la sanction de l'article L263-2-2 du même Code, prescrit la tenue d'une réunion du CHSCT "à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves", il n'impartit aucun délai pour le faire, ni ne fixe les conditions dans lesquelles la réunion du comité doit se tenir ; qu'ainsi, en estimant que le fait d'avoir réuni le CHSCT trois semaines après l'accident était tardif, et que ledit accident n'avait été examiné qu'en termes très généraux, pour en déduire que ces agissements caractérisaient le délit d'entrave au fonctionnement du comité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'entrave au fonctionnement du CHSCT, la cour d'appel retient qu'en méconnaissance de l'article L 236-2-1, alinéa 2, du Code du travail, il n'a réuni ce comité que trois semaines après le grave accident survenu dans l'entreprise ;
qu'ils ajoutent que l'examen des causes de cet accident ne figurait pas à l'ordre du jour de cette réunion, qui avait été organisée en application du premier alinéa de l'article précité, et qu'il n'avait été évoqué au cours de celle-ci qu'en termes généraux ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Qu'en effet, il résulte des articles L 236-2 et L 236-2-1 du Code du travail, qu'en cas d'accident grave dans l'entreprise, le CHSCT doit être réuni dans le plus bref délai possible afin d'analyser les causes de cet accident et proposer, le cas échéant, des mesures propres à en prévenir le renouvellement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 222-19 du Code pénal, L231-3-1 et L263-2 du Code du travail, L451-1 du Code de la sécurité sociale, 1,2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action publique, déclaré la société Continent Grand Littoral civilement responsable de son préposé Jean ... ;
"aux motifs que la société Continent Grand Littoral doit être déclarée civilement responsable de son préposé Jean Lefebvre (arrêt, page 8) ;
"1 / alors que, statuant sur l'action publique, le juge répressif ne peut examiner que la seule responsabilité pénale des auteurs ou complices de l'infraction poursuivie ; que, dès lors, en estimant, sur l'action publique, devoir déclarer la société Continent Grand Littoral civilement responsable de son préposé Jean ..., et en se prononçant ainsi sur la responsabilité civile de la demanderesse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2 / alors que, lorsque les faits, objet des poursuites, caractérisent un accident du travail, le juge pénal est incompétent pour statuer sur le principe même de la responsabilité civile de l'employeur ; qu'ainsi, en déclarant la société Continent Grand Littoral civilement responsable de son préposé Jean ..., tout en énonçant par ailleurs que cette même société ne pouvait être tenue civilement responsable des conséquences dommageables de l'accident du travail dont a été victime Olivier ..., l'action en réparation du préjudice causé ne pouvant être exercée par la victime contre l'employeur devant les juridictions de droit commun, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, les textes susvisés" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, l'arrêt attaqué, réformant sur ce point le jugement entrepris, énonce "n'y avoir lieu à dire la société Continent Grand Littoral civilement responsable des conséquences dommageables de l'accident du travail dont a été victime" le salarié de cette société ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche et manquant en fait en sa seconde, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. ... président, M. ... conseiller rapporteur, M. ... conseiller de la chambre ;
Avocat général Mme Fromont ;
Greffier de chambre Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;